Le vrai du faux d’André Mailfert

André Mailfert est de ces personnages  qui tissent les légendes d’une ville de province. Faussaire de talent pour les uns ou génie de l’invention pour d’autres, sa vie et son œuvre, qu’il raconta dans un ouvrage autobiographique intitulé “Confidences d’un maquilleur professionnel”, furent marquées par la découverte qu’il fit d’un style de mobilier intitulé alors “Ecole de la Loire”, créé au XVIIIe par un génial et méconnu ébéniste tourangeau dénommé François Hardy.

Evidemment, tout cela n’était que pure invention, mais cette invention pittoresque  permit à André Mailfert de fabriquer à tout va et d’écouler sur catalogue, auprès d’un public d’antiquaires souvent peu regardants, un flot grossissant de meubles pour lesquels les artistes et ébénistes qu’il employait pour les réaliser, mirent un malin plaisir à inventer toutes sortes de techniques de vieillissement accéléré de ces vrais faux meubles du XVIIIe…

Et puis comme un faux peut en cacher un autre, les établissements Mailfert s’installèrent dans ce que l’on a coutume d’appeler à Orléans l’hôtel François 1° dont le style Renaissance n’a jamais caché les amours du souverain, pure invention d’un historien du XIXe un peu trop amoureux de cette bâtisse, mais dont les salons permettaient de présenter la collection des meubles signés Mailfert.

Les peintres des ateliers Mailfert à l’ouvrage

Intrigué par cette folle histoire un peu oubliée, l’éditeur Corsaire Editions a décidé de rééditer les mémoires d’André Mailfert que l’on ne trouvait plus que chez quelques bouquinistes, mais pouvait-on croire cette biographie d’un faussaire ?  Josiane Guibert de Corsaire Editions, a donc décidé d’enquêter pour cette réédition, sur la vie de cet étonnant personnage, et c’est une version enrichie de quarante pages de notes et de commentaires  historiques et biographiques qui nous est livrée ici et qui sera présenté à la presse ce jeudi.

Mais “l’affaire” Mailfert passionne aussi le galeriste orléanais Michel Dubois, et pour cause, puisque son père, Maurice Dubois travailla de longues années avec les Ateliers Mailfert, pour réaliser les peintures de trumeaux qui se vendaient par centaine avec les meubles estampillés Mailfert. Copies d’une étonnante qualité compte tenu des conditions d’exécution que l’on pourra découvrir à la galerie le Garage en complément de la sortie de la réédition des mémoires de Mailfert.

Michel Dubois présentant la sérigraphie d’une Marine, Vue d’un port de la Méditerranée de Maurice Dubois dont le musée des Beaux Arts d’Orléans possède une copie du XVIIIe peinte par Lacroix de Marseille.

Et pour être tout à fait complet, une conférence présentée par le journaliste Jean Louis Derenne se déroulera ce jeudi soir au musée des Beaux Arts d’Orléans pour tout savoir sur “l’Ecole de la Loire”

GP

Maurice Dubois, acteur et témoin de l’épopée Mailfert

“C’était un homme très bon, attentif, devant son chevalet, avec ses pinceaux, son appuie-main. Il peignait tout le temps. C’est mon papa, il me manque toujours”. Tels sont les mots émus de Michel Dubois, galeriste et sérigraphe orléanais à l’adresse de son père et que l’on retrouve dans le livre “Hommage à mon père” qu’il avait publié en 2012 à l’occasion de l’intime célébration de Maurice Dubois, pour les 110 ans de sa naissance. C’était à l’occasion d’une exposition à la galerie Le Garage, espace ouvert en 2003, et qui n’est autre que l’atelier paternel des années 30, totalement rénové.

En vérité, c’est la troisième fois que Michel Dubois célèbre le travail de son père et il le fait avec reconnaissance et estime dans le cadre de la réédition du livre d’André Mailfert, patron des ateliers où Maurice œuvra de 1923 à 1936, dans le bel écrin Renaissance de l’Hôtel Toutin de la rue Notre-Dame de Recouvrance.

Bien de ses œuvres, huiles sur toile et peintures sur mobilier élégant, rehaussent ainsi physiquement la sortie de l’ouvrage de Corsaire Edition “Au pays des antiquaires, confidences d’un maquilleur professionnel », réédition annotée et commentée par Josiane Guibert.

Un homme qui aurait tout donné

Ma maman disait affectueusement et modestement, quand on la complimentait pour le travail de son époux, qu’il ne travaillait qu’avec son cœur”témoigne Michel.

Trumeaux des “anges musiciens” peint et vieilli par Maurice Dubois

Le cœur, voici le mot lâché : “Papa Dubois était un homme qui aurait tout donné car il ne se souciait pas de l’argent” affirme, en effet, Michel Dubois. Si Maurice Dubois était peintre de la belle équipe de Mailfert, il était aussi, comme son fils, ouvert à tous. Ouvert à tous les amis commerçants du village du haut de la rue de Bourgogne pour laquelle il réalisa du reste en 1952, la fausse porte Bourgogne que franchissait Jeanne d’Arc en ouverture des fêtes johanniques. Pour la Préfecture du Loiret il exécuta par ailleurs un plafond peint aujourd’hui disparu.

A l’école d’une belle vie

Dans son atelier de la rue de Bourgogne, Maurice Dubois s’inspirait de Fragonard, de Boucher, de Lancret, de Watteau, peignait de manière joliment figurative des paysages de Sologne, des bouquets de fleurs, des marines et prenait de charmantes libertés dans des reproductions de toiles de maître. Michel Dubois : “Pour lui, aucun genre n’était mineur et j’étais subjugué par l’habileté avec laquelle il peignait. C’était un enchantement de voir l’image prendre corps, petites touches par petites touches, et je mesure qu’au-delà de la vocation et du don, tout cela était le signe de l’expérience Mailfert, établissement pour lequel il avait du reste effectué la décoration de la chambre à coucher du Shah d’Iran dans un style vénitien”.

Comme quoi Michel Dubois peintre en lettres, sérigraphe de renommée internationale et galeriste, a été véritablement à l’école d’une belle vie, celle d’un père dont l’œuvre appartient au patrimoine orléanais et qu’il n’a de cesse d’admirer et de vouloir transmettre. Avec une éternelle et légitime reconnaissance.

Jean-Dominique Burtin

Exposition « Maurice Dubois, acteur et témoin de l’épopée Mailfert”

Galerie Le Garage, 9, rue de Bourgogne, Orléans.

Samedi 8 et dimanche 9 décembre de 15 heures à 19 heures.

Entrée libre.

Possibilité de prolongation le week-end suivant.

Conférence par Jean Louis Derenne

Jeudi 6 décembre 18 h 30

Musée des Beaux Arts 1 rue Fernad Rabier 45000 Orléans

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