Trahison en politique ou “émancipation d’une nouvelle génération”, se demande Jean Garrigues

Jean Garrigues est à la fois un bon client, politiquement modéré, pétri de culture politique mais qui, en même temps, parle clair. Pas sur un ton universitaire. Il est donc devenu une bête de télé. Surtout, le professeur à l’université d’Orléans et à Sciences Po Paris est aussi, un puits de science en matière d’histoire et d’histoire politique.

Jean Garrigues (au micro), Pierre Allorant, mercredi à la fac de Droit d’Orléans.

Résultat, le « vu à la télé »,  marche toujours et comme l’Orléanais, à l’image de tout bon téléspectateur français, apprécie à leur juste valeur les interventions multiples et variées du politologue sur les plateaux des chaines d’info, ils étaient plus de 200 à se serrer dans un amphi Revigny bourré, mercredi soir à la fac de Droit d’Orléans.  Dont une poignée non négligeable de jeunes, d’étudiants à priori, ce qui est rassurant.

Interrogé sur le mode de la conversation dans le cadre des « Amphis de l’actualité » par son non moins pertinent complice Pierre Allorant (chroniqueur à Magcentre), vice-président de l’université et doyen en Droit et Sciences Eco, qui n’oublie jamais de teinter ses questions d’une pointe d’humour, Jean Garrigues a commenté quelques chapitres de son dernier ouvrage consacré à la trahison en politique, « La République des traîtres de 58 à nos jours » (Tallandier), coécrit avec quelques grandes plumes du journalisme parisien.

Alors, trahisons que celles de Pompidou vis-à-vis du grand Charles (De Gaulle), de Chirac contre VGE, de Sarkozy vis-à-vis de Chirac, de François Hollande contre la mère de ses enfants Ségolène Royal, double « trahison », et bien sûr trahison que le dernier coup de poignard en date de cette cinquième République, celle d’Emmanuel Macron, contre le « père » tué à la dernière Présidentielle, François Hollande, empêché même de se représenter ?

Chirac: faire voter Mitterrand pour faire battre Giscard

Charles-Eric Lemaignen est intervenu mercredi soir mais pas pour évoquer d”éventuelles “trahisons” à la mairie d’Orléans.

Pas si simple.  Jean Garrigues admet derechef que Jacques Chirac est passé maître en trahison. D’abord en 1974 lorsqu’il se présente comme “dépositaire de l’héritage de Georges Pompidou “, contre un Chaban-Delmas auteur d’une campagne calamiteuse. Il réitérera sept ans plus tard, en 81, cette fois en coulisse, en faisant  voter Mitterrand aux troupes du RPR, pour faire battre Giscard et jouer le coup d’après…

Mais à chaque fois, s’agissant de Pompidou en 1969 et du fameux référendum sur la décentralisation qui fera chuter de Gaulle, de Sarkozy qui réussira l’exploit en 2007

Jean Garrigues.

d’apparaître comme un « homme neuf », Jean Garrigues nuance : « Il faut s’émanciper de la tutelle des plus anciens ».  Et cette “émancipation du successeur potentiel», apparaît comme trahison du fait de l’hypermédiatisation de la politique”. Les chaines d’infos, les réseaux sociaux, accentuent encore la personnalisation du roman politique, accentué par notre constitution qui fait de l’élection du Président de la République la clé de voûte de notre système. Sous la troisième République, « les idées, le programmes, le collectif » pouvaient être trahis, bien plus que les hommes. ». Mais Jean Garrigues n’est-il pas de ceux qui justement participent de ces storytelling des hommes politiques,  de cette hyperpersonnalisation ?

Pour installer de nouvelles générations

Que ce soit en 1958, en 1981, en 2007, en 2017, c’est une « nouvelle génération » qui  a pris le pouvoir. « On peut considérer que ces formes de trahison sont nécessaires pour installer une nouvelle génération ». Exemplaire encore, la « trahison » interne de François Hollande et des éléphants du PS , « qui ont saboté la campagne de Ségolène Royal », en 2007. Une trahison qui est revenue comme un boomerang contre François Hollande dont le quinquennat a été pourri par les « frondeurs ».  Lesquels considéraient que c’était le Président de la République le “traître à la gauche”, lui qui s’était présenté au Bourget comme l’ennemi des puissances de l ’argent. Et qui ensuite avait pris un « virage social libéral », conforté par son Premier ministre Manuel Valls…D’ailleurs au chapitre règlement de compte intrafamilial, suite à une question de la salle, Jean Guarrigues n’a pas oublié la saga de l’extrême droite au sein de la famille Le Pen, un bijou du genre conflit de génération.

Bayrou le “traître” à la droite qui n’en n’est pas un…

François Hollande à la Librairie Nouvelle à Orléans.

Comment cet homme, François Hollande, rompu aux arcanes de la politique par onze ans à la tête de Solférino n’a-t-il pas vu venir le « traître » Macron ? « Il était trop occupé à parler avec les journalistes », ironise Jean Garrigues.

Reste le “traître” par essence de la droite, François Bayrou, qui a rompu la tradition d’un centre de tout temps, comme l’UDF, allié avec la droite, pour appeler à voter Hollande en 2012, puis participer aux gouvernements de Macron. Pour Jean Garrigues, au contraire, alors qu’un Wauquiez a « trahi » l’engagement de ses débuts aux côtés du centriste humaniste Jacques Barrot, Bayrou est toujours resté droit dans ses bottes de démocrates-chrétien. « Il a été trahi par les siens, comme Douste-Blazy » et bien d’autres…Et Jean Garrigues d’évoquer alors les guerres Picrocholines du Loir-et-Cher sans prononcer le nom du « traître » auquel tout le monde pense, Maurice Leroy. « C’est à cause de cette fidélité à ses idées que François Bayrou est considéré comme un traître par la droite ». Reste à savoir combien de temps, Marc Fesneau, l’homme de la nouvelle génération du MoDem, devenu ministre d’importance d’Edouard Philippe, attendra pour « trahir » le père François (Bayrou) et en passant, la « mère » Jacqueline Gourault.

Ch.B

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