Le Grand bain de Gilles Lellouche : l’inattendue natation des synchronisés

Gilles Lellouche, réalisateur de Narco (2004) et Les Infidèles avec Jean Dujardin en 2012, signe avec Le Grand bain une comédie collective doucement mélancolique, excentrique et absurde. En employant un des plus beaux castings masculin actuel, personnages malmenés par la vie auxquels répondent des personnages féminins aux caractères affirmés.


Dépressif chronique, mari mal aimé, abandonné et en colère, loser magnifique, père rock star has-been, mythomane en naufrage et employé de piscine timide… Gilles Lellouche rassemble dans Le Grand bain des quadras-quinquagénaires en chute lire, bardés non plus de certitudes – ça fait longtemps qu’ils n’en ont plus – mais de graisses superflues, dans la tiédeur réconfortante d’une piscine pour d’inattendus autant qu’improbables cours de natation synchronisée. Ils sont la risée des autres nageurs, notamment l’équipe de water-polo à la testostérone surdimensionnée. Coachés par deux femmes à poigne – c’est probablement ce qu’il leur faut pour éviter de couler complètement – ils se mettent en tête de préparer les championnats du monde de leur discipline en Suède. Qu’importe le prétexte, Le Grand bain est surtout là pour nous montrer un aréopage improbable, touchant, sympathiquement mélancolique.

« Accepte la femme qui est en toi ! »

Ils n’ont pas de « petits pulls marines » mais touchent le fond de la piscine quand même : Benoît Poelvoorde, Mathieu Amalric, Guillaume Canet, Philippe Katerine, Jean-Hugues Anglade, Alban Ivanov, Félix Moati, Balasingham Thamilchelvan un Sri-Lankais pas très connu mais qui gagne à l’être), la fine fleur du cinéma français actuel.

Gilles Lellouche au Festival du film francophone d’Angoulême, en août dernier

Pour secouer les entrainements de ces « champions » adeptes d’un sport de filles, trois personnages féminins à forte poigne : Virginie Efira, ex-alcoolique qui déclame à ces messieurs des vers de Maria Rilke clope au bec assise sur le plongeoir ; Leïla Bekthi ex nageuse désormais paralysée qui joue la Folcoche en passant sa hargne sur ces hommes en chute libre ; et Marina Foïs, en modèle de femme compréhensive et dévouée à son dépressif de mari (Mathieu Amalric).

Leïla Bekthi

On sait gré à Gilles Lellouche, réalisateur à la périodicité irrégulière, d’avoir su trouver le ton juste dans un film chorale qui aurait pu être casse-gueule autant que casse-bonbons. Le genre comédie au cinéma français regorge de niaiseries convenues aux gags lourds et maquillés comme des camions volés, manquant cruellement de subtilité et de drôlerie véritable. Dans Le Grand bain, rien de cela : un agréable moment de comédie douce-amère, sensible et écornant au passage les « valeurs » surévaluées et surreprésentées de notre « drôle » d’époque : esprit de compétition systématique, beauté, jeunesse, minceur, réussite sociale à tout prix…

« Accepte la femme qui est en toi ! » répète Delphine (Virginie Efira) à ces antihéros quinquagénaires brioches en avant et cuisses de grenouilles en slips de bain au bord de la piscine municipale. Et ça marche : Gilles Lellouche et ses boys mouillent le maillot, en ballet des synchronisés. Sans perdre pied, dans le Grand bain

F.Sabourin

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