Emmanuel Macron a du revenir en deuxième semaine pour arriver à remanier le gouvernement. Il lui a fallu quinze jours après la démission de Gérard Collomb, le 2 octobre, pour constituer une équipe destinée à donner « un nouvel élan à une politique qui reste dans la continuité de la politique menée par le gouvernement et du calendrier des réformes pour les mois à venir ». Le nouveau gouvernement comprend outre le Premier ministre Edouard Philippe, 34 membres dont 17 femmes dans un strict respect de la parité. Quatre ministres évincés, huit entrants et six membres changeant de portefeuille ou dont les attributions ont été modifiées.
Ce gouvernement new-look compte 28 ministres dont un seul ministre d’Etat, François de Rugy, ministre de la Transition écologique, le successeur de Nicolas Hulot. Ce titre honorifique dont bénéficiait Gérard Collomb n’a pas été attribué à son successeur Christophe Castaner, un fidèle du chef de l’Etat qui était demandeur du poste. Aussi on peut s’interroger sur le poids politique qu’aura ce nouveau ministre qui perd aussi les collectivités territoriales et auquel est adjoint un secrétaire d’Etat, Laurent Nuñez, un technicien, jusque-là patron de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) ce qui n’est pas rien au moment où leur sécurité est la préoccupation principale des Français.
Macron renoue avec le Modem
Emmanuel Macron et Edouard Philippe ont « été extrêmement attentifs à ce que les équilibres, femme/hommes, hommes politiques/société civile, droite/gauche, soient respectés comme au début du quinquennat. », a fait savoir l’Elysée. Cependant ce remaniement n’est pas celui des grands changements annoncé mais plutôt un rééquilibrage politique, en quelque sorte un retour inavoué à l’ancien monde.
Jacqueline Gourault et Marc Fesneau
La preuve en est la part belle qu’il fait au Modem. Lors de la constitution du gouvernement Philippe I, le parti de François Bayrou avait effectué une entrée en force avec son leader, le maire de Pau, Marielle de Sarnez et Sylvie Goulard. Mais à la suite de leurs démissions plus ou moins forcées, il ne restait plus que Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre de l’Intérieur dans le gouvernement suivant seule présentatrice du Modem. Les collectivités territoriales sont désormais dévolues à un grand ministère qui lui est confié. d prend du galon et sera épaulée par deux secrétaires d’Etat, Sébastien Lecornu et Julien Denormandie. Bien que super-adjointe de Gérard Collomb chargée de « faire de la pédagogie » afin d’éviter qu’un fossé se creuse entre les élus de terrain et l’exécutif, malgré le rôle qu’elle a tenu dans le difficile dossier corse avec de spectaculaires dérapages elle est peu connue du grand public.
Professeure d’histoire et Géographie pendant plus de vingt ans, Jacqueline Gourault s’est engagée en politique auprès de Giscard d’Estaing et est devenue par la suite maire de la Chaussée-Saint-Victor près de Blois. Figure historique du Modem, catholique pratiquante opposée au mariage pour tous, la sénatrice du Loir-et-Cher s’est décidée en 2017avec une poignée de sénateurs centristes à soutenir Emmanuel Macron. Devenue ministre de plein exercice dans un domaine où l’exécutif est très critiqué saura-t-elle rétablir le lien abimé depuis le début du quinquennat avec les élus locaux ?
Marc Fesneau
Le renforcement du Modem a été complété avec l’arrivée de Marc Fesneau, jusque-là président du groupe Modem à l’Assemblée nationale, élu de Marchenoir en Loir-et-Cher, proche de François Bayrou et fils spirituel de Jacqueline Gourault. Devenu ministre des relations avec le parlement il a connu son baptême du feu avec les questions au gouvernement au Sénat oùi devra faire preuve de beaucoup de finesse lors de la discussion sur la réforme de la Constitution. Mais il a la réputation de savoir mettre de l’huile dans les rouages et sera donc un ministre utile pour établir des ponts entre la majorité LREM /Modem et les groupes Agir , Constructifs et l’UDI.
Rééquilibrage à droite et à gauche ?
Sébastien Lecornu
La droite gagne un poste avec l’entrée à la Culture de l’ex LR et député Agir, Franck Riester, un proche d’Edouard Philippe. Sébastien Lecornu, autre proche du Premier ministre a également été promu. Mais le scénario visant une ouverture à droite en vue des européennes de 2019 a fait long feu. A gauche, Didier Guillaume, jadis proche d’Emmanuel Valls, ancien président du groupe socialiste du Sénat passé comme simple sénateur au RDSE, qui attendait depuis 2017 d’entrer au gouvernement succède au ministère de l’Agriculture à Stéphane Travert victime de son bras de fer avec Nicolas Hulot au moment de la loi sur l’Agriculture et l’Alimentation. Gabriel Attal, 29 ans seulement, jeune député LREM et ancien conseiller ministériel sous le quinquennat Hollande vient renforcer le ministère de l’Education nationale et de la Jeunesse.
Pas de grand chambardement
Françoise Nyssen lors d’un déplacment à Orléans.
Le Premier ministre, sentait des faiblesses chez certains membres du gouvernement. Il a obtenu gain de cause en ce qui concerne Françoise Nyssen qui n’est jamais parvenu à s’imposer à la Culture.
Mais Emmanuel Macron lui a refusé le grand chambardement qu’il souhaitait, persuadé que ce n’était pas le moment et qu’il vaudrait mieux prévoir un gouvernement de combat après les européennes de mai 2019 et avant les municipale de juin 2020. Edouard Philippe , comme d’autres personnalités issues de la droite plaidait pour une personnalité emblématique au ministère de l’Intérieur. On a beaucoup parlé de Darmanin ou de Péchenard , ce dernier étant proche de Nicolas Sarkozy et cela aurait pu apparaître comme une mise sous tutelle. Aussi le président de la République a-t-il dit non d’autant plus que faire vivre le macronisme suppose de maintenir un équilibre gauche-droite et donc de fidéliser les centres.
Par ailleurs les redécoupages ministériels traduisent l’accent mis sur les objectifs prioritaires de l’exécutif. Ainsi le secrétariat à l’Egalité entre les femmes et les hommes de Marlène Schiappa est étendu à la lutte contre les discriminations et le ministre de L’Education nationale, Jean-Michel Blanquer va être épaulé par Gabriel Attal , étoile montante de LREM, dans la mise en place du service universel.
F.C.
Réactions
« Tout ça pour ça », ce leitmotiv revenait sans cesse dans les couloirs des palais Bourbon et du Luxembourg. “A quand un changement de politique ?” réagissait Laurence Sailliet, porte-parole des Républicains. « Rafistolage et bricolage sont les mamelles du macronisme… Ce remaniement ne changera rien », prédit Alexis Corbière de la France insoumise tandis que Marine Le Pen ironisait « Castaner à l’Intérieur, avec Emmanuel Macron, le pire est toujours sûr ». Seul Richard Ferrand déclarait « le besoin de nouveau souffle est bien incarné avec ce remaniement ».
« Un mécano gouvernemental, constitué de façon durable, un gouvernement de coalition à l’allemande, une forme de cohabitation. Exit les paillettes glamour de la campagne, nous sommes dans l’âge de raison, dans la politique pure et dure. Ce remaniement ne marque pas vraiment un rééquilibrage à gauche. Permettra-t-il à Emmanuel Macron de combattre l’impopularité ? Ce n’est pas sur » disent les politologues.
Modifications au gouvernement
Sur proposition du Premier ministre, le Président de la République a mis fin aux fonctions de :
– Monsieur Jacques MÉZARD, ministre de la Cohésion des territoires ;
– Madame Françoise NYSSEN, ministre de la Culture ;
– Monsieur Stéphane TRAVERT, ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation ;
– Madame Delphine GÉNY-STEPHANN, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Economie et des Finances.
Il a nommé :
– Monsieur Jean-Michel BLANQUER, ministre de l’Education Nationale et de la Jeunesse ;
– Monsieur Christophe CASTANER, ministre de l’Intérieur ;
– Madame Jacqueline GOURAULT, ministre de la Cohésion des Territoires et des Relations avec les Collectivités Territoriales ;
– Monsieur Franck RIESTER, ministre de la Culture ;
– Monsieur Didier GUILLAUME, ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation ;
– Monsieur Marc FESNEAU, ministre auprès du Premier Ministre, chargé des Relations avec le Parlement ;
– Monsieur Sébastien LECORNU, ministre auprès de la ministre de la Cohésion des Territoires et des Relations avec les Collectivités Territoriales, chargé des collectivités territoriales ;
– Monsieur Julien DENORMANDIE, ministre auprès de la ministre de la Cohésion des Territoires et des Relations avec les Collectivités Territoriales, chargé de la ville et du logement ;
– Madame Marlène SCHIAPPA, secrétaire d’Etat auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations ;
– Madame Emmanuelle WARGON, secrétaire d’Etat auprès du ministre d’Etat, ministre de la transition écologique et solidaire ;
– Madame Christelle DUBOS, secrétaire d’Etat auprès de la ministre des Solidarités et de la Santé ;
– Monsieur Mounir MAHJOUBI, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’économie et des finances et du ministre de l’action et des comptes publics ;
– Madame Agnès PANNIER-RUNACHER, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Economie et des Finances ;
– Monsieur Gabriel ATTAL, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Education Nationale et de la Jeunesse ;
– Monsieur Laurent NUNEZ, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Intérieur.
Le Président de la République réunira le Conseil des Ministres, avec l’ensemble des membres du Gouvernement, ce mercredi 17 octobre 2018, à 10 heures.