Alors qu’au stade vélodrome, un lieu de mémoire idoine pour un exploit du coureur cycliste Alaphilippe, l’OM a difficilement renoué avec la victoire grâce à un but de Germain dans le temps additionnel – les anciens “arrêts de jeu” – Édouard Philippe a créé la surprise en s’invitant à la dernière minute, en vedette américaine, au congrès des régions de France, au lendemain du vibrant “Appel de Marseille” lancé solennellement par les élus des grandes associations territoriales, unies, une fois n’est pas coutume contre la menace de “recentralisation”, de rupture de la confiance et du dialogue du gouvernement mené par l’ancien maire du Havre.
Par Pierre Allorant
En marche pour les libertés locales ?
Et pourtant, tout s’annonçait bien, pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles, entre le jeune président de la République formé dans les cercles girondins de la deuxième gauche rocardienne et de grands élus irrités par une décennie de coupes franches dans leurs dotations globales de fonctionnement sous les deux quinquennats précédents.
C’était sans compter sur les maladresses des uns, les postures des autres, les calculs et enjeux électoraux de tous à la veille du cycle décisif des européennes de 2019 et des municipales de 2020. A l’évidence, la marche des territoires unis n’est pas dépourvue d’arrière-pensées, ce qui n’a rien de scandaleux ou d’inédit dans l’histoire politique française depuis deux siècles et l’échec, en 1819, du premier projet Siméon-Villèle d’élection des conseils municipaux et départementaux.
Philippiques, des chiffres et des lettres d’intention
Derrière les vifs reproches de mettre en péril les moyens de la libre administration des collectivités territoriales, garantie par la constitution, au sein de notre République décentralisée, c’est bien le combat majeur qui s’engage, lutte qui n’est pas pour déplaire au boxeur de Matignon. Désireux de répondre point par point aux attaques du President de la Normandie réunifiée, Morin le conquérant, mais aussi du président du Sénat décidément sur tous les fronts, Édouard Philippe a montré du cran, de la fermeté courtoise, un humour ponctué de flèches acérées à l’encontre des mousquetaires de la decentralisation outragée, des libertés locales humiliées, mais des franchises régionales libérées par elles seules sur les terres de Gaston Defferre, le père des lois de décentralisation de juillet 1981.
Précisément, avec habileté, le premier ministre a renvoyé ses contradicteurs à… leurs contradictions, anciens ministres de Sarkozy, apôtres récents de la purge des fonctions publiques derrière Fillon ou anciens fidèles de Hollande. Et il a martelé quelques chiffres simples : quand l’Etat ne fait progresser ses dépenses que de 0,7%, est-ce réellement assassiner les collectivités que de leur proposer de contractualiser pour une maîtrise de leurs dépenses à 1,2%, très loin des saignées des années récentes ?
Combat des chefs, autant en emporte le centre-droit
Au-delà des controverses et des appels à la reprise du dialogue, l’enjeu politique est ailleurs. Évidemment, une meilleure entente des territoires et de l’Etat est indispensable pour permettre – enfin ! – le redressement du pays, la sortie du chômage de masse, le renouveau industriel et commercial du made in France. Mais à qui profiterait cette sortie de crise ? Vu l’état de division de la gauche et la catatonie des socialistes, le centre-droit apparaît le lieu et l’enjeu névralgiques. Or, sur ce centre de l’échiquier, c’est le trop plein plus que le vide. Si l’affrontement télévisé de Philippe et de Wauquiez fournira de premières pistes, le vrai combat se situe sans doute ailleurs, dans d’autres territoires que le Sud vanté par Renaud Muselier : Qui de Xavier Bertrand et de Valérie Pecresse saura incarner une alternative crédible, apte à séduire un large électorat modéré, des cadres aux retraités, des employés aux habitants de la “France périphérique”? Et au pouvoir, qui au sein des deux têtes de l’exécutif sortira le moins abîmé, le plus crédible pour la France des métropoles, résolument tournée vers l’Europe, en 2022 ou en 2027 ?
Si le Phocéa ne mouille plus sur le Vieux-port, rappelons qu’un carton rouge et un savon de l’arbitre sont vite arrivés. Et quai Marcel Pagnol, il ne suffit pas de hurler le plus fort au théâtre de la Criée pour emporter la mise et faire tapis à la partie de cartes du bar de la Marine, puis sortir par le haut du Panier.