Bécassine

De Bruno Podalydès. Avec Emelyne Bayart, Denis Podalydès, Karin Viard, Michel Vuillermoz…

(c) Anne-Françoise Brillot

Adapter à l’écran l’œuvre de bande dessinée Bécassine, d’Émile-Joseph Porphyre Pinchon (et la plume de Jacqueline Rivière), c’est un peu comme de vouloir faire rentrer un menhir dans une boîte d’allumettes. Sur le papier, ça paraît déjà à peine faisable, alors sur écran… Les bandes dessinées au cinéma, sauf exceptions, demeurent compliquées. C’est la troisième adaptation de Bécassine après celle de Pierre Caron en 1940 et un film d’animation réalisé par Pierre Vidal en 2001. Les récents Quai d’Orsay de Bertrand Tavernier (adaptation de Christophe Blain et Abel Lanzac) ou Gaston Lagaffe de Pierre-François Martin-Laval l’ont montré : la singularité du mouvement d’un personnage de BD rend parfois mal à l’écran, malgré l’énergie déployée par un comédien pour le rendre crédible par ailleurs.

Le dodelinement du derrière rendant unique la démarche de Bécassine est un peu du même tonneau : on voir très bien ce qu’il donne en strip, un peu plus difficilement en plan séquence. Et ce ne sont pourtant pas les efforts d’Emelyne Bayart qui lui font défaut ! Avec un certain brio il faut bien le reconnaître, elle incarne donc cette candide jeune femme née dans une modeste ferme bretonne, un jour où un vol de bécasses passait au dessus de la maison. Son rêve est de rejoindre Paris, mais sur son chemin elle va rencontrer Loulotte, bébé adopté par la marquise de Grand-Air (Karin Viard) qui va changer le cours de sa vie. Elle en devient la nourrice, s’y attache, et tout semble le mieux dans le meilleur des mondes. Sauf que les ennuis arrivent en même temps qu’un étrange et peu fiable marionnettiste grec (Bruno Podalydès). Les dettes s’accumulent pour la marquise de Grand-Air, et Bécassine va se révéler être la femme de la situation.

Rastaquoueros, curieux marionnettiste grec…

Il faut d’abord sortir de la polémique bretonne sur le nouveau film de Bruno Podalydès : Bécassine n’est pas la caricature d’une gourde remplie de chouchen que certains veulent bien y voir. À peine une petite crêpe beurre salé – sucre, et encore… L’énergie déployée par l’actrice Emelyne Bayart dans le rôle-titre est méritoire : Podalydès n’aurait pas pu trouver mieux pour incarner cette candide héroïne en robe verte et collants rouges, flanquée d’une coiffe qui ajoute encore du pittoresque au tableau. Si l’on cherche – en vain – le sens de l’intrigue la première demi-heure, l’histoire s’emballe un peu au moment de l’arrivée de Rastaquoueros, marionnettiste grec qui, en devenant son amant, va aggraver la situation de la marquise de Grand-Air, déjà passablement au bord de la ruine. De placements hasardeux en petites arnaques déguisées, les dettes s’accumulent et entrainent un peu Bécassine, mais sans jamais vraiment trouver le rythme qu’on avait connu de Le Mystère de la Chambre jaune (2003) ou Le Parfum de la dame en noir (2004), d’autres films réalisés par Bruno Podalydès où la patte de son frère Denis est très présente.

Emelyne Bayart est Bécassine.

Après quelques picotements sous les paupières, on reste un peu sur sa faim, tout en profitant quand même de ce qui fait la marque de fabrique des Podalydès : une savoureuse poésie, une façon d’habiller délicatement les sentiments de ses personnages, un brin de loufoquerie dont on ne se lasse pas dans ce monde de brutes. Et le sens de l’enfance, surtout, avec cette foire aux inventions sorties de nulle part sauf de leur imagination joyeusement foutraque.

Bécassine devrait trouver son public, familial – comme il se doit – à moins que l’accoutrement de cette gentille petite « cruche bretonne » selon les uns, « femme énergique qui ne s’avoue jamais vaincue et le cœur sur la main » pour d’autres, ne suscite désormais auprès de la très jeune génération – souvent blasée – que ricanements et sarcasmes. Ce qu’on ne lui souhaite pas… !

F.Sabourin

Commentaires

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  1. “Il faut d’abord sortir de la polémique” dites-vous mais vous terminez en indiquant que cela peut susciter, auprès de la jeune génération ricanements et sarcasmes.
    Je crains donc, pour ma part, que l’image bretonne soit effectivement écornée.
    Mon nom de famille fait comprendre que l’on est là dans un domaine (dolmen…) qui m’interpelle.

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