Un peu chahuté en fin de journée à Bourges, hier, le Premier ministre a pris ses dispositions pour que son deuxième jour dans le Cher soit moins perturbé. Pari réussi sans problème à Henrichemont, avec l’aide des moyens de l’État à Bourges et Vierzon.
François Cormier-Bouligeon accompagnait Édouard Philippe ce jeudi matin, Loïc Kervran hier.
Un bâtiment orange, tout neuf, sur fond de ciel bleu, posé sur un carré de verdure. Le long de la ligne droite à la sortie de la cité fondée par Sully, Henrichemont, se trouve la Silicone Valley du Cher et du Berry réuni. Au cœur de l’ex-principauté de Boisbelle le Premier ministre, Édouard Philippe, doit venir soutenir les entreprises innovantes » en visitant les laboratoires GeniAlis, et en « échangeant avec les chercheurs, des startupers et des élèves entrepreneurs ». On n’est jamais trop prudent, le chien renifleur d’explosif a déjà fait son tour. Il peut désormais jouer avec son maître. Les forces de l’ordre sont déjà en place. Effectif normal pour accueillir Édouard. Ici, on ne craint pas trop de recevoir des cailloux. Les Blacks Blocs sont rares au fond de la campagne du Pays Fort.
Une voiture. Deux voitures. Trois voitures se garent sur le parking de la petite entreprise de charpente métallique, en face pile poile de GeniAlis. Un gendarme. Deux gendarmes. Trois gendarmes font le barrage filtrant et trient qui des uns et des autres à accès. Une voiture noire. Deux voitures noires. Trois voitures noires précédées de deux motards : le pool presse et les « délégations » passent une fois. Un pied. Deux pieds. Trois pieds de caméras s’installent de l’autre côté de la route. Les télés sont là, de France 3 à BFM, en passant par LCP. Le pool a droit au All inclusive, comme dans les promos des hôtels…
Pascal Blanc, le maire de Bourges, Michel Autissier, le président du département, les secrétaires d’État, tous sont là. Manque plus qu’Édouard. Un quart d’heure de retard est annoncé. Comme pour une étape du Tour de France, il se démultiplie. Le pied de grue dure un peu. Une bonne 1/2 heure plus tard, Monsieur le Premier ministre est là. Photos pour la presse locale, le député François Cormier-Bouligeon est sur son secteur. Il prend la place de Loïc Kervran qui s’y était collé mercredi du côté de Nérondes et Sancoins. Tantôt ce sera le tour de Nadia Essayan sur Vierzon. La visite peut commencer. Les pools photos, rédacteurs et autres sont autorisés… pas les autres. Tout va bien. Les oiseaux chantent et pas un bruit hors nature ne vient perturber la déambulation ministérielle. On s’attend à autre chose pour l’après-midi.
Tous ensemble, tous ensemble à Vierzon
On annonce du rififi sur Vierzon. C’est que demander à des syndicalistes, cheminots en grève entre autres, de ne pas manifester pour la venue d’un ministre, surtout si c’est le Premier, c’est chercher la petite bête aussi ! Centre-ville quadrillé. Deux costards-cravattes cintrés, trop cintrés et ça fait des bosses sur le côté (droit en général) à chaque intersection de rues. Une rangée de barrières, des CRS derrière, pour empêcher les possibles manifestants d’aller plus loin, l’état de siège n’est pas loin. La maison de la presse est dans le périmètre de sécurité. Un après-midi de vente de perdu… et il paraît qu’Édouard vient aussi pour parler de revitalisation des commerces en centre-ville.
Un no mans land séparait les manifestants du site potentiel d’accueil du Premier ministre.
Une petite rue oubliée débouche sur l’hôtel de ville. Six manifestants, quatre drapeaux, quinze CRS. Le tour est bouclé et l’oubli réparé ! Édouard Philippe peut arriver, le panneau d’information municipale lui fête sa fête, celle de tous les Philippe. Si ce n’est pas de l’accueil ça. Jacques Muzard, le Ministre de la Cohésion des territoires, celui qui devait venir conclure les débats du colloque national sur la revitalisation des villes, à Vierzon, cet hiver, et n’était pas venu, est bien présent cette fois. C’est au côté de Nicolas Sansu qu’il accueille le Premier de cordée gouvernementale, avec les élus du coin itou. Édouard. est content. Seul un rang pas épais est derrière la balustrade. Ce n’est pas la foule. Il saute sur un parapet, sourit et serre des mains. Il signe aussi l’autographe facile. Petit moment de stress pour la sécurité. Ça se passe bien. Bon enfant même. Vierzon n’est décidément pas Mossoul !
On passe à l’intérieur de l’hôtel de ville, enfin ceux qui ont le bon badge. Pour les autres c’est dehors que ça se passe.
Six manifestants, quatre drapeaux, quinze CRS. Le rapport de forces n’était pas en faveurs des manifestants.
Du côté de l’Esplanade de La Française, les Carriers, des Solognots de Romorantin vont bientôt pointer au chômage pour cause de délocalisation, ont rejoint les quelques quatre cent manifestants. Il ne fallait pas être à la bourre à la manif. Un retardataire en passera la nuit au poste. En garde à vue, il s’est retrouvé, un peu pour être arrivé tout seul et en retard, beaucoup parce que apporter une machine à tirer les pétards SNCF avec les engins qui font du bruit dans la musette, la police locale n’a pas hésité.
Rendez-vous à Orléans
De Vierzon, d’Orléans, des environs, pendant que le convoi gouvernemental visite les entreprises au Sud de la Vierzon, il sont venus se rassembler, à l’Ouest où y a comme du nouveau, sur le parvis de La Française. Une partie de l’esplanade seulement. Un immense no mans land, double rangée de barrières, cordons de CRS, casques et outils contondants au ceinturon, boucliers sur pied, séparent l’endroit possible où pourrait venir Édouard et les porteurs de drapeaux des syndicats. A 17h, personne à l’horizon. Une dernière fois restons Motivés, motivés. Un dernier Comandante Che Guevara poussé dans la sono et le gars dans la camionnette se rappelle qu’il a un bout de chemin pour rentrer chez lui et qu’il donne rendez-vous à Édouard. Dès la semaine prochaine, à Orléans. Il sera là, avec ses potes de la CGT, et Édouard est prévu aussi !
L’innovation et le tracteur, c’est le principe de base de la Silicone Valley façon Pays Fort.
Pas de rencontre, comme espéré un temps mais « c’était à la condition de ne pas manifester trop fort » explique un responsable de la manif. Et puis, au petit matin les manifestants qui devaient intervenir sur le site du CREPS de Bourges ont été priés d’aller voir ailleurs si le Premier ministre passerait par là. Seul trois représentants cheminots ont eu droit à un petit quart d’heure d’entrevue avec, comme on peut s’y attendre, absolument rien de concret à se mettre sous la dent pour égayer un nouveau jour de grève. C’était déjà un geste fort pour la communication, non ?
Fabrice Simoes