Tous les ans, en février, nous avons droit à l’exposé de la municipalité d’Orléans sur la baisse de la délinquance en conseil municipal relayé par les médias locaux sans aucune analyse ni vérification. Je me propose de vous aider à déconstruire les peurs que les politiques de rejet et de stigmatisation ont fait germer dans les têtes, décortiquer les chiffres que l’on vous offre sans aucune analyse.
Par Yves Bodard
Les chiffres, on leur fait dire ce que l’on veut et ils ne sont que l’alibi d’une politique menée à grand renfort médiatique et d’effet de manches. A ceux qui veulent nous faire croire comme à Orléans que la délinquance a diminué de façon spectaculaire ou à ceux qui veulent nous faire croire que la délinquance juvénile à explosé, je les renverrai dos à dos et je leur dirai: “Vous êtes des usurpateurs, des manipulateurs car vous instrumentalisez les peurs, les émotions, les faits divers à seule fin de renouveler vos mandats. “De l’insulte au meurtre” écrit Laurent Muchielli, sociologue et directeur de recherche au CNRS “tout est est appelé ‘violence'”. Nous sommes des amnésiques et le “c’était mieux avant” n’est pas une réalité!
Des chiffres, des chiffres, des chiffres !
Notre société et nos politique raffolent de chiffres, tant sur la sécurité que sur le chômage. Comme il est difficile de faire croire à une situation de plein emploi quand on constate les effets dévastateurs du manque de travail, les élus-technocrates et les élus locaux amènent de la confusion sur l’espace public en “manipulant” avec un surprenant amateurisme les chiffres de la délinquance toujours flatteurs pour leur action. Les statistiques que l’on nous produit ,de source policière et de la police municipale dans le cas présent ne peuvent constituer “les statistiques de la délinquance” car elles ne résultent que du comptage des procès verbaux dressés par les policiers qui ne connaissent que les actes délinquants portées à leur connaissance.
Poussons le raisonnement par l’absurde. S’il n’ y avait pas de policier, il n’ y aurait pas de chiffres de la délinquance donc pas de délinquance! Dans ce jeu de remplissage de l’espace médiatique, l’ancien adjoint à la sécurité de l’équipe municipale d’Orléans a fait dire aux chiffres ce que lui veut leur faire dire. Par exemple il expliquait en 2013 que la délinquance avait diminué de 87 % à Orléans mais il n’existe aucune statistique au niveau des communes et il n’existait aucun chiffre de référence en 2002, date du début de son action.Si ces chiffres existent que l’on cite les sources et qu’on nous les donne.Je vous défie de les trouver.
Puis dans un courrier qu’il m’a adressé pour me convaincre et me disqualifier en début d’année 2013, il écrit que c’est le nombre de plaintes qui a diminué de 87 %… De combien?? Et là, c’est plus pareil, puisque, par exemple les mains courantes ne sont pas comptabilisées comme plaintes et les attentes trop longues finissent par décourager les victimes etc.
La délinquance est ce que le droit pénal définit comme tel: “Est délinquant celui qui commet une infraction au code pénal”. Or le droit pénal n’a cessé d’évoluer depuis 2002. A Orléans plus qu’ailleurs où on pénalise la mendicité, la misère où en pénalisant le regroupement des jeunes sur certains espaces (anti-bivouac), on pénalise l’oisiveté, l’ennui, le désespoir et j’en passe… Dès lors mécaniquement, la délinquance ne peut qu’augmenter. Des comportements d’incivilité, des bagarres dans les enceintes scolaires, des faits de violence notamment verbales dans les institutions médico-sociales ou encore les violences faites aux femmes qui étaient passées sous silence autrefois sont aujourd’hui judiciarisés.
Pour les même faits, c’est plus le comportement des plaignants qui a changé que celui des auteurs (conflits de voisinage, incivilités, chahut dans l’espace publique). Affirmer, chiffres à l’appui que la délinquance a baissé pour toutes ces raisons est mensonger et impossible. Et pourtant… On nous les assène comme des vérités! Les jeunes et notamment ceux des quartiers sont les coeurs de cible. Et pourtant, savez- vous que sociologiquement et sur le plan statistique, on n’a pas constaté d’augmentation de la délinquance juvénile ces dernières années mais il y a bien une augmentation de la pénalisation des comportements des jeunes ce qui est une nuance importante.
Olivier Geffroy
Pour résumer, l’augmentation de la délinquance des mineurs traitée par les institutions policières et judiciaires ne correspond pas à une aggravation du comportement des jeunes mais bien à une judiciarisation croissante de comportement peu graves qui préexistaient manifestement. Je demande donc à Monsieur Geffroy, le statisticien de la délinquance locale de m’extraire l’existence et la durée de l’ITT (Interruption temporaire de travail) qui donnent la vraie indication des violences subies chez les jeunes. Si on expose des chiffres, Monsieur l’adjoint à la sécurité, qu’on les expose tous!
Pour connaitre les chiffres au niveau national, je peux affirmer que la proportion d’affaires dans lesquelles les violences ont donné lieu à des ITT a baissé et le nombre de jours d’ITT accordés a également baissé.
Pourquoi dissimuler ces chiffres?
Parce que,nous sommes dans un management de la sécurité et les données recueillies reflètent non pas l’état de la délinquance mais les divers arrangements trouvés par les fonctionnaires pour rendre aux décideurs les chiffres qu’ils attendent. Voilà comment on finit par répondre à une commande politique. L’augmentation “des atteintes aux personnes” dans les statistiques provient de la judiciarisation nouvelle de problèmes anciens dont les violences juvéniles et surtout les violences conjugales. Affirmer que les atteintes de faits de violence ont baissé sur Orléans signifierait que les femmes victimes de violence seraient moins nombreuses sur Orléans ou moins “reçues” dans leur statut de victime et pour le coup ce serait un sacré camouflet pour une municipalité qui serait incapable d’assurer la sécurité des femmes victimes de violence sur son territoire.
Voilà aussi ce que l’on peut faire dire aux chiffres!