Emmanuel Macron va effectuer mardi, date anniversaire de l’assassinat du préfet Erignac, un voyage à haut risque en Corse. Un faux-pas dans la négociation peut entraîner de multiples complications et des dérapages incontrôlés .
Le président de la République déposera une gerbe au pied de la plaque apposée sur la façade de la préfecture d’Ajaccio avant de se rendre avenue du Colonel Colonna-d’Ornano où Claude Erignac fut abattu par un commando nationaliste le 6 février 1998. Puis il s’adressera aux Corses et aux nouvelles autorités insulaires élues en décembre à une majorité écrasante et incontestable.
Depuis leur arrivée à la tête de la collectivité, les nationalistes Gilles Siméoni, président du Conseil exécutif et Jean-Guy Talamoni, patron de l’Assemblée de Corse font cause commune car « les enjeux du moment dépassent les querelles stériles ».Pour eux , sans l’ombre d’un doute, le président de la République détient les clés de la situation. « Aujourd’hui, en France, il fixe le cap. S’il en a la volonté, il peut être l’homme d’Etat qui ouvrira la voie à une solution politique négociée permettant de construire entre la Corse et la République française une relation forte et apaisée », nous déclarait Gilles Siméoni à la suite de son entretien la semaine dernière avec le premier ministre puis le président du Sénat dont il sortait déçu.
Jusqu’où aller ?
Face à l’exécutif, Jean-Guy Talamoni et Gilles Siméoni ont joué la mobilisation populaire avec samedi une grande manifestation réussie à Ajaccio. Jusqu’où l’Elysée est-il prêt à accorder un droit de différentiation à la Corse afin que la législation nationale coïncide avec ses revendications principales et ses besoins ? Après en avoir défini le principe encore faudra-t-il s’accorder sur le contenu et le faire entrer dans la réalité. Jusqu’où l’autonomie, jusqu’où la langue corse ?
Rapatriement des détenus « politiques »
Autre question épineuse mais plus circonstancielle, le rapatriement sur l’île des détenus dits « politiques », autrement dit les condamnés du commando Erignac, toujours détenus sur le continent. Ferrandi et Alessandri sont libérables depuis deux ans, Ivan Colonna le sera en 2021. Gilles Siméoni qui fut l’avocat d’Ivan Colonna, s’exprimant en tant que l’avocat qu’il fut et non en président de l’exécutif corse dit « quand une peine est exécutée , maintenir la détention c’est infliger une double peine, un peu comme s’il y avait une forme de vengeance » .
C’est la crédibilité de sa gouvernance et la force de son autorité qu’Emmanuel Macron va jouer en Corse. Il est un premier de cordée sur la corde raide
Françoise Cariès