Trois ans après le carnage à Charlie Hebdo, il faut lire d’urgence le numéro paru le 3 janvier. Riss son directeur y écrit dans un édito: « Nous avions jusqu’alors fait le choix de ne pas étaler sur la place publique les conditions dans lesquelles notre journal devait vivre. Trois ans après, il est difficile de rester silencieux sur cette question car, contrairement à ce que nous avions espéré, la situation ne s’est pas améliorée. Au contraire.»
Riss explique les sommes astronomiques que le journal doit débourser pour assurer la sécurité à la rédaction dont l’adresse est tenue secrète. Si la sécurité et la protection des personnes menacées de mort est assurée par l’État, celle du journal est à sa charge, un dispositif estimé par le directeur de Charlie à 1 à 1,5 million d’euros par an, soit l’équivalent de 800 000 exemplaires annuels. “Est-il normal“, demande Riss “pour un journal d’un pays démocratique que plus d’un exemplaire sur deux vendus en kiosque finance la sécurité des locaux et des journalistes qui y travaillent ? “. Bonne question.
La liberté d’expression est-elle en train de devenir un produit de luxe? Alors reconnait Riss, “c‘est vrai Charlie Hebdo possède une trésorerie importante suite aux ventes exceptionnelles de 2015. C’est vrai…C’est pour cette raison que cet argent a été sanctuarisé et affecté exclusivement au fonctionnement du journal car nous en aurons besoin pour garantir sa pérennité dans les années à venir ». « Mais qu’arrivera-t-il à Charlie Hebdo le jour où ces réserves seront épuisées, s’inquiète-t-il, après avoir été dépensées pour la protection des locaux du journal ? ».
Fabrice Nicolino qui décrit dans un long papier ce qu’est la vie à Charlie depuis le funeste 7 janvier, entre déménagement, souffrances des blessés et protection policière permanente, lance à l’adresse d’Emmanuel Macron qui participera à des cérémonies du souvenir le 7 janvier:. “Monsieur le président, est-il bien juste que nous soyons contraints d’acheter ainsi notre vie en payant une police privée ? ». Et à l’attention de nous, les lecteurs de Charlie, il termine ainsi: “quant à vous, chers lecteurs, d’hier, d’aujourd’hui et de demain, sachez ce que vous n’avez jamais ignoré: nous avons besoin proprement vital de votre présence, de votre soutien, de votre vigilance, de vos cris et protestations, même quand ils nous visent. Nous ne continuons que pour cela. On rira, on rira encore, mais il faudrait nous aider”. Il est urgent d’acheter Charlie parce que l’humour, l’impertinence et l’irrévérence n’ont pas de prix.
Ch.B