“Les Bienheureux”, escapade à Alger

A l’invitation de l’ASLA, la réalisatrice algérienne Sofia Djama est venue présenter en avant première, son  film “Les Bienheureux” (le film sortira en salle le 13 décembre) au cinéma des Carmes, lundi dernier. Et le public était nombreux pour cette ciné-rencontre autour d’un film particulièrement fort sur la vie à Alger, non pas exactement d’aujourd’hui puisque le film se déroule en 2008, donc dans l’immédiat après “guerre civile” (dénommée officiellement “tragédie nationale”), mais qu’y a-t-il de changé en 2017 ?..

Ironie du titre, Sofia Djama construit un double espace dans ce premier film qui croise un couple de quinqua progressistes qui se surprennent d’être restés en Algérie et d’avoir survécu à l’horreur, et un monde de jeunes désinvoltes et sans réponse dans cet après tragédie. Avec une acuité peu commune, cette autodidacte de la caméra jette un regard sur l’Algérie contemporaine sans concession scrutant ce couple, socialement aisé, qui se déchire sur le devenir de leur fils, entre fumette et désœuvrement,  en déshérence dans un système scolaire et universitaire en pleine décomposition.

La valise ou le renoncement

Car la question est encore et toujours de quitter ce pays décapité par cette guerre qui vit disparaitre une génération de chanteurs, d’artistes ou d’intellectuels dans la fuite ou la mort. Comment reconstruire un pays, une identité qui fédère une jeunesse quand ces repères sont perdus et non-remplacés ? La métaphore du fils symbolisant l’avenir de l’Algérie touche à l’universel dans cette confrontation avec les espoirs des parents, et cette promenade dans Alger (tournée en cinq semaines, une sorte d’exploit vu l’intensité du film et la virtuosité de la direction d’acteurs )  ne manque pas de nous rappeler cette islamisation rampante et envahissante dans la vie quotidienne algéroise.

Lyna Khoudri

La seule lueur d’espoir dans ce tableau sévère, c’est justement l’existence d’un tel film, certes produit par l’Europe et sans soutien du cinéma officiel algérien, mais que sa réalisatrice va s’employer à diffuser dans les circuits de diffusion du pays.

Et puis cette langue un peu étrange qui entremêle, parfois avec humour, le français et l’arabe, nous rappelle inlassablement notre proximité avec ce pays.

GP

Les Bienheureux  un film de Sofia Djama  1 h 42 (Sortie en salle le 13 décembre)

avec Sami Bouajila, Nadia Kaci, Faouzi Bensaïdi, Lyna Khoudri

Lyna Khoudri prix d’interprétation féminine dans la section Orrizonti à la Mostra de Venise 2017

 

 

 

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