C’est peu de dire que le premier ministre, Édouard Philippe est attendu ce vendredi sur le vieux port de Marseille. Au Théâtre de la Criée qui porte bien son nom en l’occurrence. Les quelques 80 présidents de conseils départementaux sur la centaine que compte notre pays rassemblés pour leur 87e congrès (19-20 octobre) espèrent de lui une reconnaissance de leurs demandes et leur satisfaction. En ce premier jour, dès l’ouverture et toute la matinée ils n’ont cessé de répéter que ce satisfecit conditionne leur adhésion aux contrats de modération de leurs dépenses proposées par le gouvernement.
Pour Marc Gaudet qui est encore premier vice-président du Conseil départemental du Loiret et qui devrait selon toutes probabilités occuper le fauteuil présidentiel à partir du 13 novembre qu’accompagnait Pauline Martin, vice-présidente chargée des finances, ce congrès fut un baptême du feu très instructif et l’occasion de s’insérer sans retenue dans le concert des récriminations. Une première occasion aussi de s’entretenir d’égal à égal ou presque avec Michel Autissier, président du conseil départemental du Cher. Ces élus de la région Centre-Val de Loire espéraient aussi rencontrer le tout nouveau président d’Eure-et Loir, Claude Térouinard, le doyen des 22 nouveaux présidents de conseils départementaux qui connaissent un important turn-over en raison du non-cumul mais il n’a pas fait le déplacement à Marseille.
Financement des aides sociales : un part de la CSG ?
Accueillis par la présidente du conseil départemental des Bouches-du-Rhône, Martine Vassal, au Théâtre de la Criée, les congressistes ont longuement applaudi le discours d’ouverture de leur président, Dominique Bussereau, président du conseil départemental de Charente-Maritime qui a dressé le portrait d’un mal être général dans lequel chacun se retrouvait. « Nous ne voulons pas que l’État se défausse sur les départements » a-t-il dit en ouvrant son propos. Chargé du social qu’ils ne veulent pas voir recentralisé car ils estiment être les mieux aptes à le gérer, les départements espèrent sans trop y croire que l’État compense le reste à charge qui ne cesse de progresser. « En 2016, l’État ne nous a pas versé environ 4,4 milliards d’euros. Une vingtaine de départements n’ont pas payé en totalité ce qu’ils devaient à la caisse d’allocations familiales ou à la Mutualité sociale agricole. Ce sera aussi le cas cette année. Nous demandons une part de la CSG qui est une recette destinée à la prise en charge des solidarités. Le RSA, l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et la prestation de compensation du handicap (PCH= ne sont pas des prestations décentralisées ; nous les versons au nom de l’État »
Mineurs non accompagnés
Autre sujet très sensible, les mineurs non accompagnés dont le nombre ne cesse de croître. Dans le Cher, en 2016, Michel Autissier a dû trouver une place pour 140 jeunes migrants de moins de 18 ans alors qu’il ne disposait que de 60 pour la petite enfance. « Nous consacrons 2 millions d’euros à l’intégration » dit-il, chiffre qui rejoint celui avancé pour le Loiret par Marc Gaudet. « La pression est de plus en plus forte » a déclaré Dominique Bussereau à la tribune. « Lorsqu’il nous a reçus, début juillet, le président de la République nous a dit que ce n’était pas aux départements, à l’aide sociale à l’enfance, de gérer ce qui est du ressort de la politique migratoire. Aussi nous demandons que l’État prenne en charge ces mineurs bien que cela ne puisse se faire en un jour. Cela passe d’abord par la fin de leur arrivée par des réseaux ».
Concertation et non consultation
Le président du Sénat, Gérard Larcher a clôturé les débats par un discours très politique. Il a regretté que la belle expression « aménagement du territoire ait disparu depuis 22 ans » du vocabulaire politique. Il s’est élevé contre les instructions venues dans haut et a rappelé que « la décentralisation est inscrite dans la constitution, l’oublier conduit à une rupture du cap républicain”. Certes le dialogue a repris avec le gouvernement « mais j’attends comme vous des mesures concrètes. On ne redresse pas la France sans ou contre les collectivités. J’espère que demain sur le vieux port, ce sera mieux qu’à Orléans ». La balle est désormais dans le camp d’Édouard Philippe et d’Emmanuel Macron.
Françoise Cariès.