Les treize présidents des Régions de France, réunis en congrès national à Orléans jeudi 28 septembre, attendaient le Premier ministre Édouard Philippe de pied ferme, après les annonces de baisses de dotations qui leur étaient réservées. Très déçus par son discours, ils ont unanimement décidés de quitter la Conférence nationale des Territoires, instance mise en place en juillet dernier et présidée par le Premier ministre censée instaurer un pacte de confiance entre les pouvoirs locaux et l’État. Le dialogue est rompu.
« Les Régions se retirent de la Conférence des territoires. Ce qui s’est passé ici à Orléans est grave, c’est une façon de faire qui est inacceptable ! Un mépris total ! ». Philippe Richert, président de la Région Grand-Est et président des Régions de France, a la colère froide, mais la colère quand même.
Derrière lui se rangent, d’une voix unanime quel que soit le bord politique, les 12 autres présidents de Régions, réunis en congrès annuel au théâtre d’Orléans jeudi 28 septembre. Ils attendaient le Premier ministre au tournant : ce dernier a dû avoir les oreilles qui sifflent, même s’il n’a pas traîné à l’issue du discours qu’il a tenu durant 33 minutes, devant eux et les élus régionaux.
La pomme de discorde : la baisse des dotations normalement dévolues aux Régions, en compensation des nouvelles compétences accordées par l’entrée en vigueur de la Loi NOTRe. Transports, ferroviaire, économie, compétences accrues en matière de formation et d’apprentissage, agriculture… « C’est inscrit dans la Constitution : chaque transfert de compétences s’accompagne de moyens supplémentaires ! » insiste François Bonneau, président de Centre-Val de Loire. Dans son discours, Édouard Philippe a infligé – avec les formes et la manière, courtoise et poli – une sorte de camouflet aux présidents de Région qui l’ont en travers de la gorge. « Nous ne sommes pas revenus que la promesse de verser une ressource fiscale dynamique, avec la part de la TVA. C’était une ligne rouge que vous aviez demandé à ne pas franchir. Nous ne sommes pas revenus sur cette promesse ». Mais c’est sur le fond exceptionnel de 450 M€ que les présidents de Régions s’étranglent : elle ne sera pas versée en compensation des nouvelles compétences économiques, autrefois prises en charge par les Départements, « et je l’assume », a déclaré le Premier ministre.
“Nous ne signerons pas le pacte État-collectivité”
« Choquant ! » ; « C’est un étranglement ! » ; « Un étouffement ! » ; « Nous sommes pris à la gorge ! » ; « C’est un coup dur pour nous ! »… Tour à tour, les 13 présidents de Régions – ou leurs représentants – se sont exprimés au cours de la conférence de presse qui a suivi les propos d’Édouard Philippe. « On ne peut avoir confiance en aucune manière en un gouvernement qui nous retire de façon totalement injuste 450 millions d’euros », a martelé François Bonneau. Avant d’ajouter : « Il est faux de dire que les budgets des Régions vont augmenter ! Ce sont nos charges qui augmentent, pas les moyens ! ». Les présidents de Régions souhaitent aller encore plus loin en déposant une « QPC », question prioritaire de constitutionnalité, afin de savoir si « l’État a bien le droit de faire ce qu’il fait là », précisait Philippe Richert. Les Départements, représentés par Dominique Bussereau (LR, président de l’ADF, Assemblée des Départements de France) suivront-ils le mouvement ? « Nous ne signerons pas le pacte État-collectivité tant que nous ne connaîtrons pas le coût des dépenses sociales, alors que nous sommes favorables à la contractualisation ». Ce pacte engage les 319 principales collectivités à maîtriser leurs dépenses en contrepartie de plus de liberté d’action et d’organisation.
C’est un doux euphémisme : le torchon brûle et la tension est forte entre les Régions et l’État, et on ne voit pas bien ce qui pourrait, pour l’heure, apaiser cette surchauffe.
F.Sabourin.
Verbatim des présidents de Région :Renaud Muselier (Région Paca, LR) :
« Quel exploit du Premier ministre. L’ensemble des présidents de régions étaient positifs au sujet du gouvernement, et ce matin la fronde est totale contre le discours du Premier ministre, et forcément contre le Président ».
Alain Rousset (Nouvelle-Aquitaine, PS) : « J’appelle Édouard Philippe à se ressaisir : on efface ce qui s’est passé ce matin et vous faites un autre discours ».
Xavier Bertrand (Hauts-de-France, LR) : « C’est une pieuvre technocratique qui cherche à économiser trois francs six sous. La révolte gronde, dans les communes, les Départements, les Régions. Il faut couper les ponts. Qu’on ne nous fasse pas la leçon ; on est à la fin d’un chemin dans le dialogue avec l’État ».