Orléans : Nacer Meddah, le préfet “différent” sera regretté dans toute la région

Qu’il le veuille ou non, Nacer Meddah n’aura pas été un préfet comme  les autres. Non parce qu’il a été estampillé dès sa première nomination par la presse, “préfet de la  diversité”, “une formule infâme”, comme il l’a qualifié hier lors de sa cérémonie de départ. Mais bien parce qu’il a été lors de son trop court passage dans le Loiret, un préfet différent. Sa différence? Nacer Maddah a fait preuve au quotidien d’une empathie et d’une bienveillance, d’une écoute, dont ne sont pas toujours coutumiers les plus hauts représentants de l’Etat.

Nacer Meddah proche, très proche de Marianne.

Attaché par dessus tout au service public, sa référence, Nacer Meddah n’était pas pour autant coulé dans le moule raide de l’énarchie, glanant des postes au fil de sa carrière. Ainsi, Il n’est pas courant de voir un représentant de l’Etat remercier à la fin de son discours son épouse de l’avoir accompagné durant ces dix ans de préfectorale. Et joignant le geste à la parole, clairement ému, de lui offrir un bouquet de fleurs devant le ban et l’arrière ban des officiels du département. “Ma motivation n’a jamais été de jouir d’un statut. Je n’ai jamais conçu mon engagement professionnel comme serviteur de l’Etat en me laissant porter par le long fleuve tranquille de l’avancement, à prendre le moindre risque possible et à ne veiller qu’à sa carrière”, a t-il indiqué.

Une nomination dans quelques semaines

Emmanuel Macron, avec Nacer Maddah, le préfet de région.

Quel rôle réservent le chef de l’Etat et son ministre Gérard Collomb à ce haut fonctionnaire hors norme? Vendredi, tant dans son discours d’adieu, qu’un peu plus tard lors d’un point presse informel, il n’a voulu révéler sa future mission. Secret. Mais toujours pour servir.

Pour l’instant, dès lundi, il revient à son corps d’origine, la Cour des Comptes, mais il n’a pas caché qu’une nomination interviendrait dans quelques semaines au Journal Officiel. Aura t-il un rôle dans le nouveau dispositif du renseignement, un secteur qu’il connait bien et qui a besoin de tous les talents. Ou dans l’aménagement du territoire qu’il décline avec passion, comme lorsqu’il parle des deux métropoles émergentes d’Orléans et Tours, “son dossier préféré” lors de ce “mandat”?

Une chose est sûre, la carrière préfectorale de Nacer Meddah s’arrête à Orléans. Après cinq étapes dont il a relaté vendredi quelques faits saillants, d’abord dans l’Aube, puis en Seine-Saint-Denis, en région Franche-Comté, en région Lorraine, Nacer Meddah avait été nommé à Orléans à la tête de l’Etat en région Centre-Val de Loire en janvier 2016. Modestement, simplement, le préfet a expliqué ainsi sa méthode:  “Je me suis employé comme dans mes précédents postes à montrer ma proximité, ma capacité d’écoute, ma disponibilité et mettre mes compétences, mon expérience et mon efficacité au service des projets territoriaux et pour le bien de nos concitoyens.”.

“Fils d’une mère courage”

Les élus et responsables d’administration à l’écoute du préfet sur le départ.

A propos de son terreau social, Nacer Meddah a dit joliment, “Je suis l’un des fils d’une mère courage qui n’a eu de cesse que de voir ses enfants trouver leur place dans la société et se rendre utile à notre grand pays en mettant l’accent sur la culture du service public, notre bien commun, boussole de l’intérêt général”. Pour autant, Nacer Meddah, issu d’une famille originaire d’Algérie,  élevée dans un presque bidonville, refuse d’être mis dans la case de “préfet issu de la diversité”. “Cela ne veut strictement rien dire et cela est même indigne. Pourquoi vouloir toujours réduire une personne à une formule vide de sens et la ramener à ses origines. Non pas que je ne sois pas fier de mes origines familiales, mais voilà ce n’est pas de la diversité dont je suis issu. Je suis comme dit la chanson, natif d’Arras, ou plus exactement des faubourgs d’Arras, chef-lieu du Pas-de-Calais. Je suis pupille de la Nation et je sais ce que je dois aux services de l’État. Je suis un enfant de l’école républicaine et des bibliothèques municipales”. Cette carrière dans la préfectorale Nacer Meddah la doit, comme il l’a rappelé au service public :  “J’ai accompli plus de 25 ans de service public après avoir passé des concours administratifs et des examens professionnels. 15 ans dans le creuset de la haute fonction publique des finances, à me frotter à nos élites au sein de la direction du trésor à laquelle je dois beaucoup et qui m’a beaucoup donné en retour.”

Même les responsables du zoo de Beauval, ici Rodolphe (à gauche) et sa mère, avaient tenu à saluer Nacer Meddah.

Auparavant il avait été en poste à l’étranger, à Madrid, à Bruxelles puis dans les cabinets ministériels. On ajoutera, mais Nacer Meddah ne l’a pas rappelé, qu’il fut  aussi à l’Élysée, sous Nicolas Sarkozy, à la coordination des services de renseignement dans un rôle juridique puis secrétaire général lors de la campagne de François Hollande en 2011 et 2012. Au passage Nacer Meddah a rendu hommage à Philippe Seguin qui lui a permis à la fois de travailler à la réforme budgétaire de la Cour des Comptes lorsque celui-ci en était le président, puis de rejoindre la préfectorale.

Honneur, considération, gratitude, c’est ce triptyque  au service de l’État que le préfet en partance a décliné devant une salle suspendue à ses paroles. Il est revenu sur des épisodes de sa carrière comme dans l’Aube, “du sauvetage d’entreprises en difficulté, les chaussettes Olympia, les
cristalleries royales de Champagne. Des dossiers agricoles, sociaux. d’initiative, comme de promouvoir des événements favorisant le dialogue interreligieux.”

Un job dating au Stade de France

De son passage en Seine-Saint-Denis, le 9-3, département sinistré, entre friches industrielles et voies de chemin de fer, il se souvient du “projet que j’ai initié d’un grand job dating au Stade de France avec nos plus belles entreprises françaises. On m’avait dit que c’était difficile à monter et que l’on n’y parviendrait pas. Nous y sommes parvenus. Quelle joie de voir ces milliers de jeunes la plupart endimanchés un jour de pluie affluer au Stade de France pour essayer de trouver un emploi…”. Il cite encore ses actions avec le procureur Molins (procureur de Paris) et avec l’actuel ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer. En Lorraine, il se rappelle son arrivée en pleine crise de Florange et de la fermeture de la base aérienne de Metz ,alors qu’il a fallu bâtir dans ces conditions un  contrat de plan État-Région.

Loiret : la crise des inondations de juin 2016

Avec Olivier Carré àa Orléans La Source à son arrivée à Orléans.

Enfin en région Centre-Val de Loire Nacer Maddeah comme préfet du Loiret a eu à gérer les terribles inondations de juin 2016. “Je ne me suis pas contenté de gérer au mieux les crises terribles qui ont frappé la région (les inondations et les calamités qui ont frappé le monde agricole), j’ai voulu que l’on progresse dans la prévision, l’anticipation, le renforcement des moyens pour mieux y faire face.” Il a encore cité en matière agricole, “la transformation de  la cellule régionale d’urgence qui a le mérite d’associer tous les acteurs du monde agricole en une structure permanente pour travailler à l’accompagnement des évolutions structurelles, et de mieux valoriser la richesse agricole régionale”, saluant au passage la figure de Xavier Beulin, l’ancien patron des agriculteurs, aujourd’hui disparu.

Nacer Meddah a ensuite déclaré sa flamme au Centre-Val de Loire, “j’aime cette région…qui a des atouts extraordinaire, le tourisme, la culture, l’économie avec notamment la pharmacie, le cosmétique, la logistique…“. Il l’aime a tel point que s’il n’avait pas récemment acquis une maison dans l’Yonne, il aurait installé son point d’ancrage à Orléans.

Il s’est enfin félicité de la qualité de ses relations avec les élus et avec les services de l’administration. À notre connaissance, un jugement réciproque, tout ceux qui l’ont côtoyé vont regretter ce préfet “différent”. Nacer Meddah a eu un mot sincère pour toute sa “garde rapprochée”, ses assistantes, son chauffeur et jusqu’au  cuisinier Arnaud.  Un préfet différent s’en va. Il sera remplacé dès la semaine prochaine par Jean-Marc Falcone, actuel patron de la police nationale.

Ch.B

Commentaires

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  1. Très bel article sur un homme remarquable en toute simplicité.
    Merci Christian !

  2. On cherche un patron pour la Caisse des dépôts. Ce serait un candidat de grande qualité.

  3. comme tout les préfets du Loiret, il ne sera pas resté longtemps.
    Comment faire quelques choses de constructifs, si les préfets du Loiret ne restent pas un minimum de temps.

    • Je me pose la même question, depuis des années… Et j’ai pu constater que ce n’est pas propre à notre Région.
      Le jeu des chaises musicales des préfets, sous-préfets et secrétaires généraux de préfectures (qui ont rang de préfets) est une mascarade que, je l’espère, quelqu’un (Macron ?) fera cesser un jour…

      • La Cour des comptes a pondu un rapport sur le sujet il y a quelques années. La moyenne de rotation est tous les 2 ans. C’est en effet très bref et souvent problématique.

  4. ce n’est en aucne façon problématique, cela permet au président d’avoir des gens en place correspondant aux besoins du moment

    faire des commentaire sans connaitre le fonctionnement d’une pref et de l’état , relève de la bétise

    • Quand on est aussi affirmatif, c’est certainement que l’on a raison !
      Quelques éléments pour alimenter votre science, sauf à considérer que la Cour des comptes ne connaît pas non plus l’administration de l’Etat et fait preuve elle aussi de bêtise quand elle critique la “gestion des préfets” dans un référé (pas un rapport) : https://www.ccomptes.fr/fr/documents/27982

  5. C’est curieux comment un homme ou un événement peuvent être vus d’une manière différente suivant le lieu où l’on se trouve.
    En Touraine, on n’a aucun regret concernant le départ de cet homme qui a tout fait pour faire capoter le projet de métropole pour Tours…

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