Rétro: le musée Saint-Roch, une oasis d’art contemporain dans la plaine berrichonne

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Date initiale de publication 12 janvier 2017

Le musée Saint-Roch d’Issoudun, contrairement à la légende de son saint patronyme ne vous guérira pas de la peste, mais il ne manquera pas d’étancher la soif de tout amateur d’art contemporain qui aura fait l’effort de parcourir cette campagne indolente du Berry pour le découvrir. Classé dixième dans le palmarès national 2016 du Journal des Arts, ce musée d’une petite ville a réussi en quelques décennies grâce à une politique artistique volontaire, à se hisser aux tous premiers rangs des lieux d’art contemporain de la Région Centre-Val de Loire, la récente donation Zao Wou Ki venant couronner ces années d’intense activité entre acquisitions et expositions.

Entre?e contemporaine muse?e d’Issoudun – Ekta J.Bernard

Le musée dit de l’hospice Saint-Roch se divise en deux parties d’à peu près égales dimensions : l’hospice, un bâtiment ancien qui abrite les collections patrimoniales notamment une apothicairerie, et un bâtiment contemporain, conçu par Pierre Colboc architecte du Musée d’Orsay, deux constructions que quatre siècles séparent mais qui se mêlent harmonieusement  pour offrir au visiteur un étonnant parcours qui le mène d’une collection d’objets et d’œuvres artistiques réunis par un musée de province, à une entrée de plain pied  dans l’art contemporain, en faisant un détour dépaysant par une collection océanienne offerte par une congrégation de pères missionnaires.

Un peu d’histoire racontée par le directeur du musée, Patrice Moreau

« C’est une histoire qui se met en place au début des années 80 avec une volonté municipale très forte de soutenir et de développer ce musée. Il y avait un musée antérieurement comme un peu dans la plupart des petites villes de province, existant depuis la seconde moitié du XIXe, et qui a eu quelques soucis et en partie détruit puisqu’il a été bombardé en juin 1940. Il connaît une première restructuration importante en 1966, mais on ne s’intéressait alors qu’à des collections patrimoniales anciennes et  surtout à une réinstallation du musée avec des collections très générales pluridisciplinaires aussi bien beaux arts qu’histoire naturelle, installés dans l’ancien hospice, orienté alors sur les collections hospitalières. 

Les débuts

Mais dès les années 80 il y eut la volonté de réorienter ce musée vers l’art contemporain, et pour cela, on créa une première galerie qui avait été conçue de manière temporaire en attendant qu’un ensemble de terrains soit racheté par la mairie pour construire l’agrandissement qui a été réalisé en 1995. C’était une première tranche de travaux importants qui permettait de repenser la scénographie du parcours des collections anciennes, patrimoniales et puis cette nouvelle salle de 300 m² destinée aux expositions temporaires  d’art contemporain.

C’était une première phase de la politique d’exposition et d’acquisition, une phase d’exposition d’art contemporain, avec des premiers artistes déjà assez marqués comme Henri Cueco ou Maunory,  des artistes de la scène française actifs et assez importants dans les années 80, avec une première politique d’achat autour de ces artistes là évidemment, avec l’aide du Fram (Fonds Régional d’Achat des Musées). Le musée posait les bases de la constitution de la collection contemporaine plutôt orientée sur les arts graphiques contemporains et les dessins et gravures d’abord pour des raisons budgétaires parce qu’à l’époque les arts graphiques étaient d’un budget plus accessible pour une ville comme Issoudun de 14.000 habitants, mais aussi pour ne pas être en concurrence avec d’autres structures qui avaient à l’époque une politique d’acquisition un peu plus forte en art contemporain, comme le musée des beaux arts de Chartres, ou d’Orléans.

Lors de l’inauguration

Cécile Reims et Frédéric Deux

Cette première orientation art graphique contemporain s’est ensuite plus orientée vers le courant surréaliste et post-surréaliste grâce surtout à une donation importante de la collection de Cécile Reims et Fred  Deux qui s’installent dans les années 80 à La Châtre. Ils constatent qu’il y a ce musée qui a une ligne particulière sur l’art contemporain et ce rapprochement permet une première exposition en 89 de Fred Deux, un peu plus tard de gravures d’Hans Belmer en 92 , puis une exposition de Léonor Fini, tous des gens qui gravitaient autour du travail de Cécile Reims et en même temps du travail personnel de Fred Deux.  C’est alors une première donation  importante de dessins d’atelier de Fred Deux suivie ensuite de diverses donations de gravures surtout de Cécile Reims et de dessins complémentaires .

L’année 2002 voit arriver une donation, dans un domaine qui n’était pas du tout celui du musée,  la collection des missionnaires du Sacré-Cœur, une collection océanienne que le musée peut accueillir dans une nouvelle aile contemporaine de qualité apte à recevoir d’importantes collections. C’est alors que Fred Deux et Cécile Reims ont fait don de leurs propres collections personnelles avec des artistes de leur univers soit plus proches de l’art brut comme Pierre Béttencourt soit autour du surréalisme comme Max Ernst avec surtout des dessins et des gravures, mais aussi en abondant, avec leur collection d’art premier, un domaine  autour des arts extras-européens.

La Donation Zao Wou Ki

Donation de Zao ou ki

Notre musée a aujourd’hui une structure moderne apte à recevoir des expositions plutôt contemporaines avec des surfaces suffisamment importantes, assez vastes et  modulables ce qui résulte de la très bonne conception architecturale du musée.

Par choix,  on ne s’oriente pas forcément sur ce qui est à la mode ou ce qui est en vogue, on ne recherche pas un retour presse immédiat, mais plutôt vers un univers d’artistes qui travaillent dans l’intimité, en retrait, un peu comme Fred Deux mais pas uniquement et c’est vrai que ce musée crée une proximité, une relation, des affinités avec les artistes et la confiance qui se met en place  favorise effectivement des propositions de donation. La collection Zao Wou Ki  est liée à la fois à une relation personnelle de l’épouse de l’artiste qui est originaire de la région, et une première exposition Zao Wou Ki qui s’est réalisée par cette opportunité géographique. En même temps les affinités ont bien fonctionné, il y a un sentiment d’accueil, de compréhension réelle pour les artistes pour leur travail un peu une osmose qui peut se mettre en place .

Si l’exposition actuelle de Christian Foussier  a pu se mettre en place, c’est parce qu’il y a un esprit qui s’est installé autour la constitution de ces collections. Christian Fossier est un artiste important au début des années 80 qu’on a un peu oublié aujourd’hui mais dont la veuve s’est rapprochée du Musée parce qu’elle y avait vu justement la donation Cécile Reims qui associe aussi les arts extra-européens à son univers personnel. Ce qu’elle souhaitait, c’était effectivement ce coté plus intimiste de l’artiste en montrant aussi l’aspect collectionneur et l’intérêt personnel de l’artiste en complément de son œuvre personnelle. La collection de Zao Wou Ki reste aussi dans cet esprit ».

La collection Zao Wou Ki

Cette donation faite au musée par la veuve de l’artiste, Françoise Marquet-Zao est exceptionnelle à plus d’un titre. D’abord par les œuvres que cette donation réunit: quatre vingt dix tableaux, gravures, esquisses et objets de cinquante six artistes différents, parmi lesquels Picasso, Hartung, Michaux, Artaud, Soulages, Ernst, Giacometti, Klee, Alechinsky, Tal Coat,.., liste impressionnante** par sa richesse et sa diversité d’artistes, tous du XXe siècle.

La collection des amitiés artistiques

Car ce qui caractérise cette collection personnelle de l’artiste et qui la rend inestimable, c’est que beaucoup de ces œuvres, amassées durant cinquante ans, souvent dans des petits formats, sont le fruit des relations amicales qu’entretint Zao Wou Ki avec le milieu artistique parisien dès son arrivée de Chine en 1948.

« J’aime mes amis comme je soigne chaque matin, à l’heure du petit déjeuner, en buvant du thé, les bonsaï, orangers et orchidées de ma salle à manger. Je cultive l’amitié car j’ai besoin de cette harmonie avec le monde extérieur. Ces amis rencontrés dès 1949, dans la fidélité réciproque, m’ont aidé à m’enraciner dans ce pays, au point de ne plus penser retourner vivre en Chine ».
(
Zao Wou Ki in Autoportrait, Fayard, 1988). 

 Le peintre des deux rives

Paul Klee

En effet, Zao Wou Ki, jeune lettré chinois formé à la calligraphie et à la peinture chinoise classique à l’école des Beaux Arts de Hangzhou, arrive à vingt huit ans à Paris fasciné par la peinture européenne et se plonge dès son arrivée dans le milieu artistique parisien pour forger son style personnel, au contact d’artistes qu’il découvre et admire. On verra ainsi  à l’entrée de l’exposition, un triptyque composé d’un petit tableau de Paul Klee et de deux petits formats de Zao Wou Ki qui illustre parfaitement le travail de recherche pictural du jeune peintre chinois.

Ainsi, ces affinités de l’artiste,  restituées par cette collection, donnent-elles à lire une histoire vivante de l’art de la deuxième moitié du XXe siècle, au travers du foisonnement  créatif de l’École de Paris, et permettent de parcourir une passionnante maïeutique de l’œuvre de cet artiste “des deux rives”, qui deviendra un peintre majeur de son siècle, dont trente toiles et calligraphies complètent (de façon malheureusement, temporaire) cette donation.

En nous éloignant un peu de nos repères urbains, la visite du musée Saint-Roch à Issoudun est sans doute l’occasion de porter un regard neuf sur l’apport de l’art contemporain à notre sensibilité artistique, nous rappelant ainsi sa nécessaire diffusion comme ciment commun de notre civilisation.

Gérard Poitou

* L’exposition Léonor Fini a été suivie de l’acquisition du salon de l’artiste reconstitué dans une salle du musée, une magnifique collection d’objets et de meubles art déco, reconstituant « l’âme et l’esprit d’un lieu mythique ».

Musée de l’hospice Saint-Roch
Rue de l’hospice Saint-Roch – BP150  36100 Issoudun. 
Tel : 02 54 21 01 76
https://www.museeissoudun.tv/ (Gratuit)

Horaires
Du 1er février au 30 Avril 2015 : Mercredi / jeudi / vendredi / samedi / dimanche = 10h-12h / 14h-18h (Fermeture : Lundi et Mardi).
Du 2 mai au 30 juin & du 1er au 30 septembre 2015 : Lundi / mardi = 14h-18h et Mercredi / jeudi / vendredi / samedi / dimanche = 10h-12h / 14h-18h.
Du 1er juillet au 31 août 2015 : Lundi / mardi = 14h-18h et Mercredi / jeudi / vendredi / samedi / dimanche = 10h-12h30 / 14h-18h.
Fermetures : 1er mai, 1er et 11 novembre, du 24 au 26 décembre, du 31 décembre au 31 janvier.

**Les artistes de la collection personnelle de Zao Wou Ki donnée à Issoudun :

Pierre Alechinsky, François-Marie Anthonioz, Antonin Artaud, Willy Baumeister, Pierrette Bloch, Norman Bluhm, Christine Boumeister, James Brooks, Eduardo Chillida, Jean Dubuffet, Bernard Dufour, Max Ernst, Albert Féraud, Johann Frühmann, Alberto Giacometti, Henri Goetz, Etienne Hadju, Hans Hartung, Claire Illouz, Paul Jenkins, Asger Jorn, Kim Nguyen, Paul Klee, Fay Lansner, John Levee, Alfred Manessier, Conrad Marca-Relli, André Marfaing, Georges Mathieu, Roberto Matta, Jean-Michel Meurice, Henri Michaux, Joan Mitchell, Robert Muller, Zoran Music, Pablo Picasso, Mario Prassinos, Hans Reichel, Jean-Paul Riopelle, Bernard Saby, Gérard Schneider, Gustave Singier, Pierre Soulages, Sugaï, Sam Szafran, Arpad Szenes, Pierre Tal-Coat, Walasse Ting, Mark Tobey, Bram Van Velde, M. H. Vieira Da Silva, Jean-Charles Viguié, Wols. 

 

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