Ce qui est aussi magique au cinéma, c’est de pouvoir voyager à travers le monde pour quelques euros, dans des lieux où l’on ira sans doute jamais… et quand en plus ce voyage nous emmène dans un bar de Kinshasa écouter la musique locale d’un groupe de musiciens, avec une chanteuse à la voix envoutante, (admirable Véronique Beya Mputu), on ne regrette pas le prix de son billet !
Mais Félicité n’est pas qu’un film musical, c’est aussi et surtout un beau portrait de femme africaine qui choisit son destin par sa volonté de maitriser les aléas d’une vie toujours sur le fil de la misère. D’un pas lent mais assuré, Félicité, celle qui déjà, est ressuscitée, s’avance dans la vie comme dans son rêve, pour affronter l’accident de moto de son fils dont les conséquences vont l’entrainer dans une recherche dramatique d’argent pour payer son indispensable opération. Plongée dans la réalité sociale d’un pays d’Afrique dont les images de Kinshasa nous révèlent sans ambiguïté le contraste criant entre ces commerces miséreux le long d’avenues rectilignes et défoncées jouxtant dans le lointain des immeubles modernes.
Mais le réalisateur vient distancier la démarche réaliste de la fiction sociale pour nous entrainer dans une aventure amoureuse lorsque Félicité rencontre Tabu, un joyeux buveur, réparateur de frigidaire à ses heures perdues, mais surtout, celui qui trouvera le chemin d’une sensualité retrouvée avec la femme qu’il aime, la ramenant oniriquement à la vie, pour affronter le monde réel et la décider de continuer à chanter. Ce voyage initiatique et sentimental s’immisce dans le récit, transcendant les personnages et devenant comme une fable quasi mythologique, dont les apparitions de l’orchestre symphonique de Kinshasa formeraient les chœurs répondant à la chanteuse de bar.
Gérard Poitou
“Félicité” un film de Alain Gomis 2 h 03
Ours d’argent au festival de Berlin 2017