Le château de cartes

Depuis la débâcle de Nicolas Sarkozy, dès le premier tour de la primaire de la droite, plus rien n’est comme avant, tous les scénarios préétablis s’effondrent comme château de carte. Et c’est logique : à l’instar d’Alain Juppé, Francois Hollande avait bâti toute sa stratégie en fonction du match retour de 2012, sa seule chance de passer sans à nouveau essuyer l’averse, de s’appuyer sur le rejet de l’ex-président pour remobiliser la gauche, voire le centre, répulsif aux gauloiseries et aux soupçons d’indélicatesse d’un candidat décidément peu présentable.
Pierre Allorant

Pierre Allorant
Doyen de la faculté de Droit d’Orléans

Patatras, la mainmise sur un parti de gouvernement n’est plus le graal de la présidentielle, ils sont trop affaiblis. Francois Fillon a déboulé, éliminant les deux favoris de la droite et changeant la donne de l’élection. Qui sera la prochaine victime, qui seront les prochains gagnants de cette ronde infernale ?

La trace du “Schröder français”
Le courage de ne pas tenter le match de trop

Dans ce nouveau contexte, Francois Hollande a sans doute pris la décision la plus douloureuse et la plus inattendue, mais aussi la plus novatrice et la meilleure pour le débat démocratique, pour la gauche et pour sa trace dans l’histoire de la République. VGE n’aurait-il pas, s’il avait décidé de s’effacer en 1981, laissé davantage l’image du réformateur, du modernisateur de la société française que son début de mandat avait imposé ? En tirant les leçons du rejet de son style voire de sa personne en 2012, Nicolas Sarkozy aurait pu, avec la dignité qui a marqué la reconnaissance de ses deux défaites, faire passer au premier plan l’image d’un President actif contre la crise financière et monétaire de 2008.
Fin connaisseur de l’histoire politique française, Hollande fait aujourd’hui le pari de rester comme le “President courage”, non seulement le Schröder français, celui qui aura bravé l’impopularité pour mener des réformes difficiles, mais aussi le chef de l’Etat qui aura affronté “l’adversité” terrible du terrorisme, et la contrariété d’une baisse trop tardive et trop fragile encore du chômage. Enfin aux yeux de la gauche, surtout en reconnaissant son erreur sur la déchéance de nationalité, il assume crânement son bilan tout en préservant les chances de son camp. Et il confirme qu’un President sortant ne peut décidément pas passer par des primaires, inadaptées aux exigences de sa fonction, aux devoirs de sa fin de mandat, et même à ses chances de candidat.

Savoir finir: le sacrifice du roi pour sauver les chances de la gauche

Alors que son allocution rappelait par moment le suspens du renoncement de Jacques Delors en 1995, Hollande réussit à faire tout le contraire : en faisant le sacrifice d’une candidature dont il rêvait, mais qui risquait de diviser, de ruiner la gauche, et d’ajouter l’humiliation a une défaite dans des primaires, il renverse la table et rouvre le jeu, déjà entrouvert par le programme très clivant du candidat plébiscité par les lecteurs de droite.
On peut également voir dans la déclaration du Président sorti du jeu une lointaine réminiscence de ses deux modèles : Mitterrand et Chirac. En effet, si tout le monde souligne le caractère inédit de son geste, c’est un peu vite oublier que la Cinquième République a été marquée par les coups d’éclat de son fondateur, par la démission pleine de panache d’avril 1969. Certes ici, pas de démission, au contraire, une volonté d’assurer jusqu’au bout la fonction, probablement avec un autre premier ministre, Le Drian ou Cazeneuve, un non-candidat entièrement tourné vers les défis de,la sécurité de la France. Mais rappelons-nous aussi que Francois Mitterrand avait mûrement réfléchi en 1995, et n’avait consenti que du bout des lèvres un “oui” qui avait l’apparence d’un “non”. Très affaibli par la maladie et l’âge, il avait naturellement renoncé en 2002 à une 3e candidature, encore juridiquement possible alors, tout comme Jacques Chirac en 2007. Mais qui se souvient de l’intervention de l’autre President corrézien, fustigeant les accointances avec les idées rances de l’extrême-droite, en guise de testament politique et de condamnation du sarkozysme ? Et Francois Mitterrand en 2002 avait distillé savamment les pics et les compliments, faisant clairement comprendre que pour devenir President, il fallait aimer charnellement la France, adoubant clairement Chirac au détriment de Balladur.

Le jour d’après : les adversaires désarçonnés

Après le salut au panache, et le recul étant insuffisant pour évaluer la trace laissée, l’interrogation immédiate porte sur les bénéficiaires et les victimes de cette décision insolite. Il est plus que probable que Marine Le Pen et Francois Fillon auraient préféré affronter un Président exsangue, à la popularité en berne. Il ne leur fera pas ce plaisir. Face à un candidat de gauche inédit et ressourcé par le bain de jouvence de la primaire – si elle est réussie – la partie n’est plus jouée d’avance.
Mais cette déception, voire ce désarroi, n’est-il pas également celui de Jean-Luc Mélenchon, désormais esseulé avec ses outrances sur son plan d’eau, comme orphelin de pédalo, et surtout d’Arnaud Montebourg, qui avait de sérieuses chances de booster sa campagne en gagnant le scalp d’un président sortant dès la primaire de janvier ? L’ancien orateur de la conférence du stage devra trouver d’autres arguments que le simple rejet du bilan du quinquennat pour séduire et convaincre. S’il y parvient, il pourra défier, en combat singulier, d’abord Manuel Valls, son allié d’hier et rival d’avant-hier, en 2011, puis le champion du camp libéral-conservateur.

Filiation ou captation d’héritage

En revanche, les deux fils turbulents du Hollandisme, les Remus et Romulus du social-libéralisme, Macron et Valls, ne peuvent que se féliciter d’avoir eu raison dans leur pari d’ambitieux, d’hommes pressés, au premier chef l’ex-ministre de l’économie, en marche depuis la rentrée. Hollande absent, l’accusation de trahison tombe, d’autant que le bras de fer du premier ministre avec le President ces derniers jours le rend mal fondé à l’attaquer sur ce plan.

Enfin, Francois Bayrou, requinqué par la droitisation fillonniste, ulcéré par la captation de l’héritage centriste par son neveu de province – le jeune premier de Bercy- va à nouveau se sentir pousser des ailes, tout en se voyant partiellement amnistié de l’incrimination d’avoir “fait le lit” du quinquennat Hollande. Mais il devra bien méditer la leçon de la quinzaine politiquement meurtrière que nous venons de vivre : sur l’échiquier présidentiel de 2017 souffle un vent mauvais pour les chevaux de retour. Comme en 2007, les électeurs veulent du sang neuf, des affiches inédites. Et, dans ce grand prix de l’Elysée, les années passent à la vitesse du cheval au galop.
Si le maire de Pau a sans doute peu de chances de l’emporter, sa décision sera pourtant cruciale : s’il devait renoncer, le pari de Macron deviendrait crédible? Réaliser la percée par le centre. Si Bayrou s’obstinait, l’affrontement droite-gauche redeviendrait la mère des batailles. En toute hypothèse, le retrait de Francois Hollande est sans doute, après la victoire surprise de Francois Fillon, la deuxième mauvaise nouvelle de la semaine pour le Front national, qui aurait tiré profit du double rejet des deux derniers présidents. Cela faisait bien longtemps. Un printemps en hiver pour le débat démocratique ? Une chance d’éviter un second tour pour rien, sans confrontation de projet ni alternative.

Commentaires

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  1. “Un d’perdu, dix de r’trouvés”… préparez les mouchoirs… leur messe est dite.

  2. Pour un doyen féru d’histoire politique il devrait corriger les nombreuses erreurs de cette tribune.

  3. « Très affaibli par la maladie et l’âge, François Mitterrand avait naturellement renoncé en 2002 à une 3e candidature, encore juridiquement possible alors, tout comme Jacques Chirac en 2007. »
    j’adore l’uchronie, mais que cache-t-elle lorsqu’elle est inconsciente ?
    J’ajoute donc que le Général de Gaulle, en dépit du soutien de Georges Pompidou, avait également renoncé à se présenter en 1974, afin de préserver les chances du jeune Jacques Chirac….

  4. Bonjour,
    pour spécialiste, universitaire enseignant de sciences politiques que vous êtes, il vous manque une dimension essentielle: l’histoire.
    Votre texte est truffé d’erreurs de dates qui viennent en altérer la sincérité et entraine une analyse très approximative.
    Je plains vos élèves

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