Amélie Nothomb présente son dernier roman à Blois vendredi

« Enceinte à quarante-huit ans pour la première fois, Enide attendait l’accouchement comme d’autres la roulette russe ». Ainsi commence le dernier roman d’Amélie Nothomb qui, chaque année en septembre, revient à la devanture des libraires avec un nouvel ouvrage. Riquet à la Houppe est le 25e opus publié par cet auteur  qui reconnait en avoir écrit 85 qu’elle souhaite ne pas tous livrer à ses lecteurs. Elle sera à la librairie Labbé à Blois le 30 septembre à 15h.

nothomb

Première phrase habile  qui donne le ton du livre, un allant dont il ne se départira pas. L’histoire à laquelle il nous convie est celle de Riquet à la Houppe revisitée. Rien de plus difficile que la rédaction d’une fable. Il faut du talent et du métier pour philosopher avec une parfaite simplicité. Amélie Nothomb y parvient. Elle nous entraine  sans effort dans le sillage de Déodat très intelligent et très laid et de Trémière exceptionnellement belle et mutique. On les suit avec infiniment de plaisir.

Avec une candeur qu’en son temps Voltaire accorda à son Candide, Déodat observe le monde dans lequel il grandit, notre monde, notre société. A propos de la télévision, par exemple : « Déodat essaya de se concentrer sur ce qui était dit. A peine commençait-il à comprendre le sujet abordé que celui-ci changeait. L’unique point commun entre chaque thème était un genre d’ennui sinistre. Des publicités plutôt amusantes interrompirent ce pensum, mais après ce fut pire. Il y eut une dispute entre plusieurs individus qui parlaient chacun au nom de la France comme si elle leur appartenait ».

Le destin mène Déodat vers Trémière, la fille de de Rose et Lierre dotée d’une rare beauté, qu’ils trouvent stupide mais à qui sa grand-mère, la mystérieuse Passerose qui l’élève fait prendre conscience de ses qualités d’observatrice silencieuse.

Nous avons rencontré Amélie Nothomb qui sera à la librairie Labbé, 9 rue Porte-Chartraine à Blois à partir de 15 heures vendredi 30 septembre. Une première en pays blésois pour cet auteur d’origine belge.

Interview

Qu’est-ce qui vous a poussé à revisiter l’histoire de Riquet à la Houppe ?

Enfant j’avais adoré ce comte, l’histoire de deux exclus qui avaient tout pour s’entendre. C’est exactement ce que nous dit Perrault dans son Riquet à la Houppe. En quatre siècles rien n’a changé. Alors mes  héros  contemporains sont parisiens. Ce qu’il y a de plus enfantin chez moi, c’est le bonheur d’être toujours en train de raconter une histoire. Je suis toujours enceinte d’une et chaque fois je la mène à terme.

C’est aussi l’histoire de la belle et de la bête…

Certes, sauf que dans mon histoire la bête ne change pas d’apparence. En lui conservant sa laideur j’ai voulu casser une certaine idée de l’intelligence, celle qu’on nous impose aujourd’hui, celle que l’on mesure uniquement par le QI. Certains possesseurs de QI très élevés sont de parfaits imbéciles, dépourvus de conversation. J’ai voulu restituer l’intelligence telle que Perrault la montre, celle qui a le sens de l’autre. Nous sommes dans un cycle où tout est rigidifié ou du moins tend à se rigidifier.

Vous racontez une histoire d’amour. Pourquoi avoir choisi  de l’écrire  dans un conte ?

La seule possibilité d’écrire une histoire d’amour qui se termine bien sans perdre la face est d’en faire un conte. C’est un genre qui n’est pas facile. Perrault emploie une langue très simple et très recherchée. Il faut qu’elle soit compréhensible  pour les enfants et que les adultes puissent y découvrir des subtilités qui les intéressent à leur tour. J’ai du beaucoup travailler pour être à la hauteur du moins essayer d’un si illustre ancêtre. C’était aussi pour moi un moyen d’élargir mon horizon.

Dans ce livre vous rendez  hommage aux oiseaux et à ceux qui les aiment et les comprennent. Vous les aimez ?

Je suis fascinée par les oiseaux. Mon préféré est la sterne arctique, un petit oiseau blanc avec un chapeau noir qui fait chaque année la migration du pôle nord au pôle sud.

Lire un extrait

Vous avez été élue à l’Académie royale de Belgique

Oui le 16 mars 2015 et reçue le 19 décembre 2015. J’en ai été très fière. Ce n’est pas comme à l’Académie française. On ne candidate pas et on ne fait pas campagne. Ce sont les académiciens qui décident, qui  cooptent. Il n’y a pas non plus d’habit vert. J’aurais pu m’y rendre en jean  si tel avait été mon souhait mais cela ne se fait pas.  J’ai été élue au fauteuil qu’a occupé Georges Simenon. C’est très prestigieux.

Vous avez également été nommée baronne. Est-ce en raison de votre appartenance à l’Académie royale de Belgique ?

Ce sont deux faits complètement différents. C’est le roi Philippe qui m’a faite baronne . 2015 fut une année faste pour moi. Je suis très fière de ce titre parce que je viens d’une famille de barons. Mon père l’est, mon frère l’est, ma mère est devenue baronne parce qu’elle est l’épouse d’un baron. Les filles en Belgique n’ont pas droit au titre familial qui se transmet uniquement par les hommes. J’ai pu dire à mon père « tu vois, je suis baronne  sans m’être mariée »  C’est une revanche pour une femme  dans un pays catholique où la loi salique s’applique encore.

Vous avez dans une grande malle plus de cinquante romans que vous n’avez pas publiés. D’autres vont sans doute les rejoindre. Vous les gardez pour votre postérité ?

J’ai rédigé mon testament dans lequel je dis le sort que je réserve à ces textes qui sont mes créatures. je veux qu’ils soient enrobés dans un bloc de résine . Ainsi ils deviendront immortels sans qu’on puisse les lire. Je n’ai pas encore désigné mon exécuteur testamentaire mais je prendrai quelqu’un de confiance afin qu’ils ne puissent être lus avant.

Propos recueillis par Françoise Cariès.

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