”L’heure de plomb” ou les destins croisés de Bruce Holbert

Dans le cadre du mois avec un éditeur – ici Gallmeister-, la Librairie Nouvelle d’Orléans recevra l’écrivain américain Bruce Holbert. Cet auteur, né au pied des Okanogan Moutains dans l’Etat de Washington et diplômé de l’Iowa où il enseigne aujourd’hui, a écrit son premier roman, Animaux solitaires, d’après un drame personnel. Mercredi 28 septembre, il présentera son deuxième livre, L’heure de plomb.

L’Etat de Washington connait pendant l’hiver 1918 un des pires blizzards de l’histoire du pays. Matt, âgé de 14 ans, est pris dans ce moment apocalyptique avec son jumeau, Luke. Leur institutrice, Mme Jefferson, les retrouve mais parvient seulement à sauver Matt. Le jeune garçon perd son frère et son père dont il recherche le corps désespérément.

Dans cette quête, il est aidé par Wendy, une fille de son âge dont il s’éprend très rapidement. Matt, Wendy et Mme Jefferson ont malgré eux liés leur destin. De 1918 aux lendemains de la Seconde Guerre Mondiale, chacun des trois est hanté par le souvenir et la présence des deux autres.

Pendant plus de trente ans, ils se croisent, se retrouvent et partagent un moment de vie.

Extrait

“Matt grimpa l’échelle jusque dans le grenier et saisit les extrémités des fils qui maintenaient les couvertures en place sur son frère. Il dénoua les deux fils, puis souleva le corps. Des années auparavant, lorsque leurs parents les laissaient seuls, leur mère demandait à Luke de s’occuper de Matt et à Matt de faire attention à Luke. Matt était plus vieux de seize minutes, mais à l’école Luke avait su lire en premier, et quand il écrivait, il formait des lettres minuscules impeccables qui suscitaient l’admiration de Mme Jefferson. Quand ils luttaient, Luke lui faisait des prises nouvelles, inattendues, et Matt était forcé de s’avouer vaincu. Il s’était inquiété, se demandant s’il n’avait pas égaré quelque chose de vital quand ils étaient bébés, quelque chose que Luke aurait trouvé et qui lui permettait d’apprendre avant lui tout ce qu’il y avait à savoir. Désormais, Matt comprenait qu’il avait perdu un rival de qualité et, avec le temps, il en vint à considérer que c’était pire que de perdre un bon ami. Les muscles de sa poitrine saillirent, ses biceps et ses avant-bras portèrent le poids de Luke avec facilité, et Matt ne put s’empêcher de penser que la moitié de sa taille était imméritée.”

Ce roman polyphonique commence très violemment par la perte de l’innocence de Matt. La mort simultanée de son frère jumeau et de son père le pousse à devenir un homme portant encore en lui les maladresses de l’enfance et les doutes de l’adolescence. Construit en trois parties, ce roman dissèque les conséquences de ce terrible drame. Matt découvre ses failles dans cet amour naissant pour Wendy. Il découvre la nature humaine et toute sa complexité 13 ans plus tard en travaillant dans la ferme de Rolland. Enfin, la troisième partie, crépusculaire et bouleversante, place face à face des personnages qui ne devront leur salut que dans l’affrontement.

En mettant en scène les personnages et les relations humaines sur plusieurs décennies, l’auteur étoffe les sentiments et la volonté de ces êtres qui observent de loin une société qui semble les exclure. L’après 1918 résonne comme l’abandon d’un lien avec la nature et d’une industrialisation féroce augmentant la pauvreté de Matt et Wendy. L’écriture de Bruce Holbert est poétique dans les descriptions de ce paysage métamorphosé par l’Homme et sincère dans les dialogues. L’auteur met en scène une grande introspection émouvante et pudique.

Ce qui sous tend les relations est le sentiment amoureux. Loin des caricatures et des raccourcis, Bruce Holbert parvient à faire naître chez chacun de ses personnages l’envie de l’amour et sa nécessité. Que ce soit dans la liaison à l’autre ou dans la procréation, les personnages souhaitent atteindre un épanouissement impossible par d’autres moyens. L’intensité des sentiments donne à ce récit la force des légendes antiques. La question de la parentalité et de la filiation est tellement présente qu’on pense au mythe d’Œdipe. Ce roman a comme ces histoires fondatrices un mystère envoutant, une profondeur incroyable et la force d’une tragédie époustouflante. Chaque partie s’ouvre sur un poème d’Emily Dickinson, ce qui place L’heure de plomb sous le signe des amours tragiques et passionnées.

L’heure de plomb de Bruce Holbert, traduit par François Happe, ed. Gallmeister. 24€. 368 pages.

Rencontre avec Bruce Holbert

Mercredi 28 septembre à 18h30

Librairie Nouvelle d’Orléans 2 place de la République 45000 ORLEANS

http://www.librairienouvelleorleans.fr

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