Le film débute par un très lent traveling sur le drapé d’un tissu rouge nous découvrant une statuette soigneusement emballée, petit fétiche au phallus castré, objet hitchcockien qui réapparaitra plusieurs fois dans le film, rythmant la fatalité tragique du récit. Car c’est tout le génie d’Almodovar de construire une narration où les événements qui se produisent dans la vie de Julieta sont toujours marqués du doute intérieur de la culpabilité, créant une tension dramatique qui transcende le hasard en destin.
“Tu emplis ma vie autant que tu la détruis”
Grâce à un scenario très maitrisé, le film nous raconte donc la vie de Julieta par une série d’aller et retour entre deux périodes de sa vie, interprétées par deux actrices (Emma Suarez et Adriana Ugarte), parfaitement “raccord” dans cet exercice de mise en scène et de direction d’actrices pour le moins difficile, qui aurait sans doute mérité une mention à Cannes pour la subtile création de ce personnage formée de deux actrices. Almodóvar déploie ici tout son génie du récit filmé, passant d’une époque à l’autre avec une virtuosité virevoltante, utilisant dans sa progression des personnages secondaires qui gardent une part de leur mystère et où les péripéties s’enchainent dans une parfaite convergence vers une scène finale, qui laissera ouverte la réflexion du spectateur sur la vie de Julieta.
https://www.youtube.com/watch?v=YH5_4osOZK8
Au travers de cette lancinante blessure de la mémoire, Almodovar nous offre ainsi le magnifique portrait d’une femme et d’une mère, dont l’étrange destin finit par nous envouter par la magie de son désespoir rédempteur.
Gérard Poitou
Julieta, un film de Pedro Almodóvar, 1 h 39. Avec Emma Suarez, Adriana Ugarte, Daniel Grao, Dario Grandinetti, Rossy de Palma
Sélection officielle, en compétition au Festival de Cannes 2016