C’est dans une Pologne dévastée par quatre ans de guerre et de crimes nazis (20% de sa population exécutés, pendus ou fusillés, 97% de sa population juive exterminés et assassinés dans les camps et les ghettos) que sont entrés les libérateurs de l’Armée Rouge après trois ans d’une guerre à l’est, qui fit vingt mille morts par jour parmi les combattants et la population civile soviétique.
Hiver 1945. Dans cet après guerre dantesque et glacial, un poste de la Croix Rouge Française, entouré de quelques orphelins errants, soigne les derniers survivants des camps. Lieu clos où s’investit une jeune médecin débutante (Lou de Laâge), motivée par ses convictions de fille de parents communistes. Et puis de l’autre coté de la forêt, il y a cette autre lieu caché, crépusculaire, ce couvent de bénédictines où la jeune française découvre, déstabilisée, l’insupportable atrocité du viol collectif des religieuses par la soldatesque soviétique.
Le monde cartésien du dévouement humanitaire se confronte soudain au monde du sacrifice dans la foi et de façon très subtile le film va établir un dialogue lent et difficile entre la volonté médicale de sauver ces femmes et les bébés qu’elles portent, et la peur mortifère engendrée par le traumatisme du viol des corps et des consciences. Aux marges de notre humanité, le film interroge ainsi le lien entre l’ignominie du viol et la justification religieuse de l’infanticide.
L’avertissement du film nous dit que le récit est basé sur des faits réels, la vérité est que les religieuses violées dans ce couvent (les cas furent, officiellement, isolés en Pologne contrairement aux femmes allemandes dont on sait aujourd’hui, qu’elles furent systématiquement violées pour les punir des crimes nazis), ces femmes furent en réalité, pour la plupart d’entre elles, assassinées, mais Anne Fontaine, la réalisatrice, en adaptant ces faits historiques, nous livre ici une confrontation très forte entre deux postures de femmes, entre un athéisme humanitaire et une foi sacrificielle, description humaine où l’émotion est partout présente, tant par le jeu remarquable des actrices que par ces naissances multiples, sorte d’hymne à la vie dans ce monde dévasté.
GP
“Les Innocentes” un film d’Anne Fontaine 1 h 55
avec Lou de Laâge, Agata Buzek, Agata Kulesza, Vincent Macaigne
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