Entre Bergman et Agatha Christie
Ce drame amoureux d’un couple plus que septuagénaire nous plonge dans une introspection poignante sur le déterminisme de notre vie sentimentale: de la révélation d’un amour ancien, enseveli sous des années de vie commune va surgir une transfiguration du conjoint dont la femme découvre soudain qu’il est autre, autre que celui qu’elle croit si bien connaitre, qu’elle voit presque en transparence.
Bien sûr tout cela aurait du rester enfoui dans la glace lointaine des Alpes mais dans un sursaut tragique, le passé s’impose au présent, et le poison de la jalousie va se distiller lentement faisant son office d’autant plus inexorablement qu’il est inoculé par une fantôme. Cette exploration mentale du couple conduit Charlotte Rampling à revisiter pas à pas, dans un lent décompte des jours avant leur anniversaire de mariage, ces quarante cinq ans de vie partagée, butant sur ces interrogations dont chaque réponse est un silence de son conjoint, emmuré avec l’ombre muette d’une souffrance qu’il n’osa jamais hurler.
Et Charlotte Rampling, en tragédienne morbide, s’enfonce dans la quête des indices, des preuves sur le chemin douloureux et vide du détail qui révèlerait le tout, jusqu’à cette scène spectrale où elle projette dans son grenier ces diapositives d’il y a si longtemps, sur un drap que l’air agite doucement, comme pour donner vie à l’image de la rivale disparue.
Et même si la scène de fin se traine en longueur sans issue, le mal est fait: le film nous a rappelé combien il est difficile de vivre avec nos fantômes…
Gérard Poitou
“45 ans” un film de Andrew Haigh 1 h 35
avec Charlotte Rampling, Tom Courtenay