“Madame Marguerite”, la maitresse absolue

Manouchka Récoché

Le théâtre, c’est parfois magique: lorsque Madame Marguerite, après nous avoir demandé de nous asseoir, nous a invités à remplir la fiche pour le passage en sixième, j’ai soudain intimement revécu ce premier jour de ma dernière année d’école primaire, où remplir une fiche administrative beige et cartonnée, distribuée par mon instituteur (c’était un maître) m’avait fait soudain prendre conscience qu’un avenir m’attendait après l’école…

Retour donc à l’école, cette seconde famille “obligatoire”, dont la première règle édictée par Madame Marguerite, la maitresse,  est l’obéissance (“une classe en or, avec une discipline de fer”). Et cette maitresse, tendre et sévère, au savoir universel, qui peut tout aussi bien faire un cours de biologie, de mathématiques ou d’histoire, tout en nous inculquant ses préjugés sur le sexe, la société ou la mort, cette maitresse absolue métamorphose la salle de classe en un petit théâtre délirant, que notre crédulité naïve d’ élèves bien disciplinés autorise, entre folie drôlatique et bon sens  rigide, avec au final cette mémorable leçon de grammaire où les verbes s’égrainent comme un discours sur la vie.

Et Madame Marguerite réussit ce tour de force de nous replonger dans cet univers étrange et incertain, où les derniers rêves de l’insouciance enfantine se dissipent dans l’apprentissage d’une obéissance  à l’autorité du maitre ou de la maitresse, réflexion entre humour et sérieux sur ce curieux rapport entre pouvoir et savoir qui se noue dans ce monde protégé de l’école.

Tour à tour menaçante, colérique ou mielleuse et bienveillante, autoritaire et séductrice Madame Marguerite use d’une infinie variété de registres et Manouchka Récoché investit le personnage de Madame Marguerite avec une telle conviction et une telle passion (à croire qu’elle regrette sa vocation d’institutrice ?…) qu’elle sort de ce spectacle d’autant plus épuisée qu’elle nous a ravis par son inépuisable talent de comédienne !

Gérard Poitou