“Que Jia Zhangke soit l’un des quelques immenses cinéastes vivants au monde est une chose quasi évidente” Clément Ghys Libération
Comme des poupées russes (même si l’image est un peu malvenue pour un film chinois), ce film propose en fait trois mélos enchâssés se déroulant à trois époques successives soulignées par un artificiel changement du cadre de l’image qui passe de carré à panoramique, l’horizon s’élargissant comme la modernité, puisque le film se termine en 2025.
J’avoue que ces trois histoires, en dépit d’une critique plutôt dithyrambique, m’ont plutôt paru caricaturales dans leur description des rapports sentimentaux, que ce soit la plate rivalité ( 1° épisode, 1999) de deux amants pour la belle Tao, le retour (2014) concomitant de l’ancien amant malade désargenté et du fils (appelé Dollar, tout un programme !) qui a oublié sa mère, et pour finir (2025, en anglais et en Australie), la révolte contre son père du fils devenu grand, qui tombe amoureux de sa prof… tout ça ne décolle jamais vraiment dans une illustration morale où l’argent pourrit inexorablement l’humain.
Les trois périodes distillent une vision de la Chine et de son évolution sociale tout aussi caricaturale que les rapports sentimentaux, critique manichéenne et bien superficielle, d’un capitalisme pervers et immoral, où le patron (le père), victime d’une dictature du prolétariat bien ingrate, se réfugie à l’étranger pour assouvir une passion aussi vaine qu’inutile pour les armes à feu… Finalement, il me reste quelques images d’un exotisme ethnographique, un peu taillé sur mesure pour un public européen (le film est une co-production franco-nippo-chinoise), avec quelques scènes mémorables comme ce camion surchargé de charbon qui s’enlise devant des badauds passifs (métaphore du communisme passé ?), ces funérailles du père dans un décor de zone commerciale ou ces jiao ze (raviolis) élevés au statut de madeleine de Proust…
Mais, peut-être suis-je passé à coté d’un chef d’œuvre, puisque les critiques nous le disent ?
Gérard Poitou
“Au delà des montagnes” un film de Zhang-ke Jia 2 h 6 mn
avec Zhao Tao, Sylvia Chang, Dong Zijian