Paul Gauguin à la Fondation Beyeler (Bâle)

Depuis le 8 février 2015 et pour quelques jours encore (jusqu’au 28 juin), la Fondation Beyeler présente, à Bâle, une cinquantaine d’œuvres majeures de Paul Gauguin provenant de collections particulières et de grands musées du monde entier.

Le Synthétisme

Escamotant la période impressionniste de l’artiste, l’exposition s’ouvre sur ses années bretonnes (1886-1891) durant lesquelles il met au point son style personnel, antinaturaliste et symboliste : le synthétisme (simplification des formes, traitement d’aplats de couleurs pures, accentuation des contours). Les innovations du peintre se manifestent particulièrement dans les tableaux qui empruntent leurs motifs à l’iconographie chrétienne, par exemple La Vision du sermon, Le Christ jaune ou encore Le Christ vert, toiles que le visiteur peut à loisir contempler dans la première salle.
A cette époque, Gauguin est en fait à la recherche d’un nouvel art sacré et sa quête rejoint celle de Van Gogh : pour l’un comme pour l’autre, il s’agit de découvrir les moyens d’expression d’une spiritualité susceptible de remplir le vide laissé par des systèmes religieux qu’ils ont abandonnés mais qui ont laissé une marque indélébile dans leur conscience, leur philosophie de la vie.

Paul Gauguin : Le Christ jaune (1889)

Paul Gauguin : Le Christ jaune (1889)

Toujours animé d’une volonté de porter son art au-delà des apparences du monde sensible, c’est à Tahiti que Gauguin décide d’émigrer en 1891 pour un premier séjour (jusqu’en 1893). Il croit trouver là-bas un paradis tropical intact mais il va hélas découvrir une des plus lamentables images de la société coloniale : « Le sol tahitien devient tout à fait français et petit à petit tout cet ancien état de choses va disparaître », écrit-il à son épouse Mette, en juillet 1891.

Il va toutefois compenser sa déception en célébrant la beauté exotique rêvée des paysages polynésiens et de leur population indigène dans des toiles aux coloris somptueux et à travers des sculptures remarquablement expressives s’inspirant, elles aussi, des mythes et du langage iconographique des peuples océaniens.

 Paul Gauguin : Arearea (Joyeusetés), 1892


Paul Gauguin : Arearea (Joyeusetés), 1892

Un testament

Beaucoup de visiteurs restent méditatifs devant l’immense tableau aujourd’hui conservé au Museum of Fine Arts de Boston : “D’où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ?” Peinte à la fin de l’année 1897, soit deux ans après le retour définitif de Gauguin en Polynésie, cette toile est en fait son testament artistique et spirituel à un moment où, en proie à de multiples difficultés matérielles et morales, il songeait à se donner la mort.

Paul Gauguin : D’où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ? (1897)

Paul Gauguin : D’où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ? (1897)

Certes, la triple interrogation de cette œuvre est celle de tout homme, mais elle renvoie particulièrement Gauguin à un questionnement qui le taraude en fait depuis les années orléanaises.

Entre Renan et Rousseau

Même si, influencé par Renan et les théosophes, il rejette (et avec quelle véhémence dans ses écrits !) les dogmes qui lui ont jadis été enseignés à La Chapelle-Saint-Mesmin, il a néanmoins gardé de sa jeunesse une évidente propension à la réflexion métaphysique. Sans doute faut-il chercher aussi, dans la théologie du petit séminaire, les racines profondes de cette nostalgie du Paradis perdu dont Rousseau transpose l’image dans le mythe du « bon sauvage » et que Gauguin ne cesse de décliner à Tahiti puis aux Marquises à travers la représentation idéalisée des Maoris.

Paul Gauguin : Oviri, grès émaillé (1894)

Paul Gauguin : Oviri, grès émaillé (1894)

L’énigmatique déesse Oviri ( la « sauvage ») dont un tirage en bronze orne aujourd’hui la tombe de Gauguin à Hiva Oa, se dresse au cœur de l’exposition comme un symbole du renoncement de l’artiste à une Europe à ses yeux tout aussi corrompue que crispée sur des pseudo-morales, raisons qui l’ont poussé à fuir vers un monde primitif : « Tous mes doutes sont dissipés. Je suis et je resterai ce sauvage », proclame-t-il en 1902, dans “Avant et après”.

Christian Jamet

Auteur de “Gauguin à Orléans” (éditions La Simarre/Christian Pirot), monographie qui lui a valu un « Laurier vert » lors de la Forêt des livres 2013, Christian Jamet prépare un second ouvrage sur Paul Gauguin (“Les chemins de la spiritualité”) qui paraîtra aux éditions Cohen & Cohen en 2016, soit un an avant une autre exposition Gauguin, prévue à l’automne 2017, à Paris, au musée d’Orsay.

Jusqu’au 28 juin

Fondation Beyeler Baselstrasse 101, 4125 Basel, Suisse

http://www.fondationbeyeler.ch/fr/Home

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