Jean Germain cultivait le secret. Et une passion immodérée pour sa ville et la Touraine. On évitera ici de se demander quelle face cachée du personnage, que le procès risquait de mettre au grand jour, l’a poussé à son geste fatal. Sa liaison passée avec Lise Han était de notoriété publique. Et dès lors que cette relation tenait à la fois de son action publique et de sa vie privée comment reprocher à la justice et à la presse d’en avoir fait état?
Lors de l’inauguration du tramway de Tours, entre Marisol Touraine et François Bonneau.
Homme politique brillant, intelligent, fin et travailleur acharné, Jean Germain jouait, derrière un physique et des postures débonnaires, de son personnage mystérieux, taiseux, pudique, “replié sur lui-même” disait un proche après le drame. Une posture qui ne manquait pas d’alimenter tous les fantasmes.
A Tours le “système germain” dont l’ont accusé ses adversaires avait mis la ville en coupe réglée avec la complicité de Philippe Briand, son adversaire politique (UMP) en façade mais avec qui il s’entendait comme cul et chemise. Jean Germain était partout. lors d’une enquête de l’express en 2013 sur les cumulards de la République, le maire de Tours était arrivé deuxième derrière Michel Delebarre.
Pour ne citer qu’un épisode de cette mainmise sur le monde politique tourangeau, Claude Roiron fut son élève au PS mais dès lors qu’elle s’émancipa et n’en fit qu’à sa tête à la présidence du département, Jean Germain manoeuvra pour la faire éjecter par Marisol Touraine.
Au conseil régional, durant 13 ans, (1998 à 2011), Jean Germain tour à tour avec Michel Sapin puis avec François Bonneau (et entre temps avec Alain Rafesthain) fut le grand argentier.
Tout le monde reconnait sa gestion saine. Mais Jean Germain fut aussi considéré comme “l’œil de Tours” sur le conseil régional.
Quoi qu’en disent les langues de bois de tous bords, la région Centre-Val de Loire souffre de son péché originel et capital(e), la rivalité Orléans-Tours. Déjà qu’Orléans est considérée sur les rives du Cher comme une usurpatrice avec son titre de capitale régionale (un règlement de compte Debré-Royer), de tout temps il a été interdit à un Orléanais de présider la Région.
La défense de son Université
Lorsqu’il fut vice-président puis président de l’Université de Tours (entre 1983 et 1993) Jean Germain, allié à son ennemi politique Jean Royer, sauva la fac de droit de Tours, menacée d’être annexée par celle d’Orléans. Maintenant les deux universités collaborent. Ce qui est autant à mettre à l’actif de Jean Germain que de François Bonneau.
Les anciens des services du conseil régional rapportent que Jean Germain n’était pas un acharné de l’instance orléanaise. Mais il savait se tenir au courant de ce qui s’y passait par des réseaux personnels. Lorsque Michel Sapin quitta pour la seconde fois la présidence de la région pour transmettre le flambeau à François Bonneau le Loirétain, on estima aussi que Jean Germain, qui avait favorisé son élection, avait aussi placé des gens à lui au cabinet. Toujours l’œil de Tours…
Au cours d’un discours en mairie de Tours.
Homme courtois à l’esprit carré et au langage structuré, Jean Germain, en homme de synthèse à la Hollande, savait installer des passerelles avec ses adversaires sans jamais mettre son drapeau rose dans sa poche. Pudique, alors que Jean Royer s’éteignait dans une maison de retraite à Saint-Avertin, Jean Germain lui rendait régulièrement des visite discrètes.
Franc-maçon, il “planchait beaucoup”
Reste que son appartenance à la franc-maçonnerie et au Grand Orient a aussi alimenté derechef les rumeurs sur les rapports privilégiés de Jean Germain avec Philippe Briand (qui n’est pas de la même obédience) et avec d’autres personnalités tourangelles réputées de l’autre bord. “C’était un bosseur, il planchait beaucoup” dit un membre du GODF.
Tours aura eu deux maires, deux bâtisseurs, deux “architectes” en un peu plus de cinquante ans, Jean Royer, Voix de stentor et raideur de la nuque façon instituteur hussard noir, baptisé “père la pudeur”, et Jean Germain, ton doucereux et tout en rondeur épicurienne façon “troisième république”, roué et madré à souhait. Le tram, même arrivé avec quelques longueurs de retard sur celui d’Orléans et les quartiers nouveaux des Deux lions et Tours Nord resteront parmi les grandes réalisations de Jean Germain maire.
Philippe Briand est réputé innocent dans l’affaire Bygmalion. Mais la garde à vue éprouvante et la mise en examen du patron de l’UMP d’Indre-et-Loire et par ailleurs patron du réseau immobilier Cytia, suivi du suicide médiatisé de l’autre figure de la Touraine dans l’affaire des “mariages chinois”, sont les signes que Tours vit la fin d’une époque.
Ch.B