Par Jean-Jacques Talpin
Cette première manifestation consacrée à la filière agro-alimentaire est une véritable réussite. Mais qui a été fortement contestée par les partisans d’une « agriculture paysanne ».
Open agrifood, un lieu de rencontres et de débats.
Pour la première édition de l’Open agrifood (forum international de l’agriculture, de l’alimentation et de la distribution responsable) qui s’achève cet après-midi au théâtre, les organisateurs peuvent crier « victoire ». Avec près de 1200 inscrits, plusieurs dizaines d’ateliers et de rencontres dans de nombreux lieux éclatés de la ville, cet open a donc rempli ses objectifs : “être un lieu de rencontres et de débats”. Pour cela l’ensemble des partenaires institutionnels de la région s’étaient mobilisé ainsi que les poids lourds de la filière comme le Crédit Agricole, Axéréal
Xavier Beulin, p:résident de la FNSEA et du CESER Centre.
ou Sofiprotéol. Première région céréalière d’Europe mais territoire avec de fortes filières (fromages, viticulture) le Centre (qui depuis hier devient Centre-Val de Loire !) avait naturellement la légitimité à organiser une telle manifestation. Mais alors que les opposants à « l’agriculture industrielle » dénoncent l’impérialisme de l’agrobusiness appelé à devenir le modèle unique, Xavier Beulin l’un des deux initiateurs de l’Open avec Emmanuel Vasseneix plaide au contraire pour la diversité : « il faut sortir des postures convenues et des oppositions entre bio et conventionnel, entre circuits courts et longs, entre import et import ».
Responsabilité sociale et environnementale
Même Philippe Vasseur placé à la présidence du comité d’éthique de l’Open et ancien ministre très libéral de l’agriculture veut « sortir des chapelles car il n’y a pas un mais des modèles qui ne sont pas antagonistes : il faut accepter la diversité sans exclusives ni exclusions et engager le dialogue ».
Mais les grands industriels comme Danone (25 milliards de chiffre d’affaires, 100 000 salariés) peuvent-ils cohabiter avec des PME comme LSDH (dont le patron Emmanuel Vasseneix est corganisateur de l’Open), des petits paysans avec des défenseurs des « fermes de 1000 vaches », des petites structures coopératives avec des grands groupes financiers ou industriels, la grande distribution avec les producteurs locaux ? « Oui » répondent en chœur les organisateurs du Forum pour qui la filière est unique « depuis le champ jusqu’à l’assiette du consommateur ». Et cela d’autant plus que cette filière est désormais engagée dans une démarche de RSE (responsabilité sociale et environnementale), seule capable de répondre aux grands défis mondiaux que sont l’augmentation de la population, le réchauffement climatique et la sous-alimentation qui touche encore 800 millions de personnes dans le monde.
« Les entreprises doivent faire des profits »
Pour illustrer cette « démarche citoyenne » les organisateurs avaient soigneusement choisi les intervenants de la séance d’ouverture avec un paysan japonais partisan de la polyculture associant culture de riz, élevage de canards et production de figues, mais aussi le fondateur belge des restaurants Exki, la créatrice aux Philippines de commerces de cafés ou le responsable sénégalais d’une laiterie en Casamance. Tous ont vanté le besoin d’un « autre modèle agricole » avec des exigences éthiques ou environnementales. Mais tous aussi ont plaidé pour un développement industriel à l’image de Franck Riboud patron de la multinationale Danone. « Les entreprises doivent faire des profits insiste-t-il sinon elle ne peuvent pas investir, créer de l’emploi, former. La véritable question est que fait-on de ce profit ? ».
Une question qui vient appuyer « l’ambition citoyenne » de Danone dans les pays en voie de développement avec plusieurs initiatives dans le domaine alimentaire. Le nouveau modèle alimentaire à créer doit s’appuyer sur les consommateurs comme l’ont rappelé Emmanuel Vasseneix mais aussi le porte parole de Slow Food pour qui « il faut changer de modèle de production et de distribution » au « profit d’un modèle bon, propre et juste ». Une ambition à faire partager par le gros céréalier beauceron, le petit producteur de fromages de chèvre, la multinationale et la PME !
L’enterrement de l’agriculture paysanne
L’agriculture paysanne dans un cercueil…
Invitées de dernière minute à cette manifestation, de nombreuses structures ont préféré manifester leur opposition devant le théâtre. Au total 21 structures associatives agricoles, naturalistes ou citoyennes avaient appelé à un rassemblement avec une procession funéraire « pour symboliser la mort de l’agriculture paysanne » avant un « apéritif festif et convivial » à base de produits issus de l’agriculture paysanne. Porte-voix de cette opposition Laurent Pinatel de la Confédération paysanne nationale a dénoncé l’Open comme « opération de communication permettant aux différents partenaires de raviver leur image auprès de la société civile » et de « verdir l’agro business ». Il est vrai que le coorganisateur de l’Open –Xavier Beulin, outre sa casquette industrielle est aussi patron national de la FDSEA, syndicat agricole majoritaire honni de certains petits paysans. « Il y a deux agricultures qui s’affrontent a expliqué Laurent Pinatel l’une est industrielle et tient salon aujourd’hui à Orléans, l’autre est paysanne avec des paysans ». Ces opposants verts –qui ne sont « ni des djihadistes verts ni des ayatollahs écolos » selon Guy Janvrot président de Nature Centre- entrent donc en « résistance » contre « la dérive industrielle de l’agriculture « qui gangrène la filière » et plaident pour une autre politique agricole. Des thèmes qui ne manqueront pas de rester d’actualité les 25 et 26 novembre 2015, date de la seconde édition de l’Open agrifood qui sera placée sous le thème de « alimentation et citoyenneté ! ».
J.-J.T.