Tout est glacial dans ce film crépusculaire où le soleil ne brille jamais sur ce plat pays de l’Oise, comme le visage impassible de ce gendarme tueur, sa froideur dans le meurtre de jeunes filles qui ont le malheur de croiser sa route.
Et pourtant, s’appuyant sur l’étonnante composition du personnage de Guillaume Canet, le réalisateur maitrise parfaitement la double tension qui tétanise le spectateur pendant tout le film. Il y a d’abord la tension de savoir, le film est entièrement construit du point de vue du gendarme meurtrier, qui tue comme s’il avait peur de lui même, entretenant une fascination/répulsion pour ce personnage, dont la psychologie semble désespérément ordinaire.
Bien sûr, ce n’est pas terrible avec les femmes, bien sûr il est frustré dans ses envies de servir dans l’élite de la gendarmerie, mais on ne trouve là que bien peu de prises pour expliquer cette folie meurtrière, cette rage destructrice, que ce gendarme modèle décrit dans ses courriers (dont est extraite la phrase du titre), adressés à ses propres collègues gendarmes… et le réalisateur a une jolie formule dans le dossier de presse : « À la limite, il aimerait s’arrêter lui-même. » Ce vertige est esquissé sans jamais que sa schizophrénie soit explorée, juste cette scène presque drôle où le tueur-gendarme présente à d’éventuels témoins, un portrait-robot qui lui ressemble étonnamment…
Et puis, il y a la tension de la traque: le tueur sait que, forcément, il sera pris tôt ou tard, et ce quand bien même il bénéficie d’un coup d’avance, puisqu’il participe lui-même à la recherche du meurtrier. Inexorablement, il tisse son propre piège et le spectateur suffoque quand le nœud se resserre…
Alors si “La prochaine fois je viserai le cœur” n’a pas la densité d’un film noir de Melville, auquel quelques critiques ont cru bon de comparer Cédric Anger, il signe néanmoins là, un film marquant dans lequel Guillaume Canet trouve un personnage à la mesure de son talent.
Gérard Poitou
“La prochaine fois je viserai le cœur” un film de CédricAnger 1h 51
avec Guillaume Canet, Ana Girardot, Jean Yves Berteloot
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