Les rafales de locéan, le ciel cristallin de printemps, le génie de la lampe, un collier en saphir, les yeux du garçon derrière le bar, et tout un bric à brac de vie et dhistoire
Tiré du roman graphique de Julie Maroh, « Le bleu est une couleur chaude »,Abdellatif Kechiche nous propose, avec « La vie dAdèle » un long métrage de 2h59.
Le bleu. Cest le rêve, la sagesse, la sérénité, la vérité, la loyauté et la fraîcheur, mais aussi la mélancolie. Le bleu. Celui du Grand Bleu ? Le bleu nous rappelle tout un tas de conte et dunivers, allant de la période « froide » de Picasso aux bonbons menthe industriels, en passant aujourdhui par « La vie dAdèle. ».
“Oubliez tout ce que vous savez… Plongez !” recommandait le metteur en scène et réalisateur Luc Besson.
Le travail exprimé par le réalisateur, qui est essentiellement basé sur le gros plan, nous met irrévocablement dans une position de voyeur. Il nous plonge malgré nous, dans un univers très intimiste. Durant trois heures nous serpentons dans les profondes étroitesses des âmes et longeons les tréfonds du drame.
Un chemin parfois sombre et mouillé, un chemin auquel nous ne sommes pas habitués. Un « sous tes reins » féminin sentrouvre à nous, et cest à petites bouchées et petites gorgées, que nous nous régalons, dabord frileusement, puis frénétiquement, de cette humeur parcourant incandescence et fulgurance presque douloureuse.
Nous ne manquerons pas de soulever lincroyable sincérité de ce film interprété par deux comédiennes dont le jeu sert les éclats bruts et nature de la mise en scène. Quelle belle invitation à la contemplation de la vérité des larmes, de lanimalité naturelle, simplement de lhumain.
Agitateur de conscience
Très controversé, le film à fait lobjet de nombreuses critiques, où les termes « manipulation, ridicule, ennuyeux, et porno navet
» on parfois été, utilisés sans égard et sans secret ! Quoi quil en soit Abdellatif Kechiche à vraiment endossé, et avec classe, ce rôle dagitateur de conscience.
Pour quun film ne soit pas piétiné, ne faudrait-il quil soit parfaitement calibré, mesuré, et argumenté haut et fort dun raisonnement sans faille ? Ne serait-ce finalement pas là, quil y aurait manipulation ?
Notre société à souvent détrange réaction vis à vis de la nudité, comme vis-à-vis du sexe. La nudité et le sexe sont pourtant bien deux points communs, que nous possédons. Ils sont les états les plus banals du monde ! Même en gros plan.
A lheure actuelle, si lon a vu et vécu beaucoup de choses en matière damours, avouons quil en faut beaucoup plus pour nous choquer.
Indéniablement, il semblerait quon ne puisse aujourdhui sempêcher de sans cesse et toujours se blanchir, sans mauvais jeu de mot, lorsquil sagit de sexe. Il nest pas ici question de provocation, devenue si souvent source de discussion sociale et économique si ce nest quasi cosmique.
Un grand et beau travail de production
Avec « La vie dAdèle », il est incontestable que nous sommes confrontés à un grand et beau travail de production. En définitive, notre société friande de battage et gourmande de controverse, soucieuse dalimenter une soupe de discussions sans consistance, semble oublier que la vraie question nest pas celle de la manipulation mais celle de lhonnêteté : celle de cette place immense et ample quoccupe le sexe à notre époque.
Par ailleurs, en laissant de côté cette humeur stellaire et singulière, en étant le plus objectif possible, ne pourrions-nous pas nous interroger ? En effet, si les deux personnages principaux étaient deux hommes, le film aurait-il été jugé, à certains passages, comme provocateur électrique et pornographique ?
Ana Elle
“La vie d’Adèle” 3 h.
de Abdellatif Kechiche avec Léa Seydoux, Adèle Exarchopoulos