À l’approche des fêtes johanniques, le collectif de gauche « Orléans maintenant » a voulu lors d’un débat avec l’ex-insoumis Alexis Corbière questionner le destin politique de son héroïne ? Pari difficile pour la gauche de se réapproprier ce symbole récupéré par la droite et l’extrême droite.
Jeanne d’Arc dans le cœur des Orléanais. Photo Magcentre
Par Jean-Jacques Talpin.
Depuis quelques jours les rues d’Orléans sont pavoisées annonçant l’imminence des fêtes de Jeanne d’Arc programmées fin avril, le 1er et surtout les 7 et 8 mai. Avec un déroulé immuable depuis plus de cinq siècles (après la délivrance d’Orléans en 1429), la moitié de la ville regarde défiler l’autre moitié avec un cortège mêlant militaires, ecclésiastiques, élus, enfants des écoles et associations. Face à cette fête à la fois politique, militaire et religieuse, la gauche orléanaise s’est longtemps interrogée sur son positionnement alors que l’extrême gauche organisait même des « contre-Fêtes de Jeanne d’Arc ». D’où la bonne idée de questionner ce positionnement au cours d’un débat organisé mercredi 16 avril en partenariat avec la fondation Jean Jaurès sur « l’inspiration républicaine » de Jeanne avec un plateau d’intervenants questionnant la place de la « pucelle d’Orléans » : l’historienne Françoise Michaud-Fréjaville pour le parcours de la « sainte » en armes, l’ex-sénateur Jean-Pierre Sueur pour l’histoire parlementaire, Anne Audouin, co-présidente du Planning familial du Loiret pour le regard des femmes.
Arracher les étiquettes
Et enfin Alexis Corbière, député de Seine-Saint-Denis redevenu fréquentable par la gauche modérée depuis qu’il a été éjecté de LFI par Mélenchon. Il y a peu encore pour un homme de gauche, se réclamer de Jeanne était idéologiquement honteux tant la libératrice d’Orléans a été récupérée par la droite et l’extrême droite au cours du 20e siècle.
Paul Klotz, expert de la fondation Jean Jaurès s’est d’ailleurs interrogé pour introduire le débat : « Jeanne d’Arc peut-elle être une incarnation républicaine » car « comment arracher toutes les étiquettes laïques, cléricales, républicaines, progressistes, conservatrices, féministes ou patriotiques apposées sur sa statue au fil des ans ? ». Pourtant au tournant du 19e et du 20e siècle, Jeanne, dans la foulée de l’historien Jules Michelet, était considérée comme « une icône républicaine », « une fille du peuple, libératrice de la France et ayant contribué à bouter les Anglais hors du sol national ». Un beau récit historique qui viendra buter sur le roman national quand l’Église récupérera Jeanne, cinq siècles après l’avoir brûlée.
Plateau relevé pour questionner Jeanne d’Arc. Photo Magcentre
Récupérée par l’église, par la droite et l’extrême droite
Car Alexis Corbière l’a rappelé, « Jeanne a été victime de l’institution catholique et de l’obscurantisme catholique ». Il faudra attendre la mobilisation de Félix Dupanloup, évêque d’Orléans au 19e siècle, pour que Jeanne soit béatifiée puis canonisée mais seulement en 1909 et 1920. Jean-Pierre Sueur s’est d’ailleurs attelé avec légèreté à rappeler les débats parlementaires et les joutes entre droite et gauche pour donner à Jeanne une statue et un jour de fête nationale. Devenue sainte, Jeanne pouvait alors être récupérée par l’Église, par la droite et l’extrême droite comme les fêtes d’Orléans en furent souvent l’expression.
Rappelons en 1995 le fameux « Jeanne au secours ! » lancé par Le Pen. Depuis quelques années la gauche tente donc de se réapproprier Jeanne tandis que certains mouvements en font même une « icône féministe » qui a « cassé les codes » comme le reconnaît Anne Audouin du Planning, pour qui l’image de Jeanne reste pourtant « urticante ».
Jeanne d’Arc soluble dans la gauche ?
Pourtant Jeanne incarne « le courage, le refus de l’obscurantisme » même si les fêtes d’Orléans la représentent mal avec des jeunes filles « toutes issues des mêmes quartiers, de la même religion et des mêmes lycées privés ».
Alors que « peut faire la gauche avec Jeanne d’Arc ? » questionne l’ancien professeur d’histoire Corbière. Après avoir abandonné l’héritage de Jeanne, comme elle a laissé en partie à l’extrême droite, le combat pour la laïcité, ou même la défense de l’écrivain embastillé à Alger Boualem Sansal, la gauche peut-elle se réapproprier Jeanne d’Arc ? Pour Jean-Pierre Sueur qui a rappelé son expérience de maire avec les fêtes johanniques comme pour Alexis Corbière, la réponse est oui.
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