Les Dernières nouvelles de demain

Les moins de soixante ans n’ont jamais entendu à la TSF le « Attendez-vous à savoir… » suivi de « J’ai encore appris… » de Geneviève Tabouis, journaliste et éditorialiste du siècle dernier. Magcentre va tenter de reprendre à son compte, par écrit cette fois, au niveau qui est le sien, un vendredi sur deux, le modèle mis en lumière par une figure du journalisme d’antan. Et même si cette rubrique ne revient que dans quinze jours, comme dirait Geneviève, « Au revoir, Mesdames et Messieurs, et à dimanche prochain, pour les dernières nouvelles de demain. »

Droits de douane

On a planté les patates le 19 mars. Le Printemps est de retour. Le ciel est comme il convient à l’approche des saints de glace, pas encore figue et pas vraiment raisin. On ne se découvre pas d’un fil. Le printemps de Bourges est de retour et son lot de concerts en in et en off. Le printemps est de retour. La voilure du festival est à l’image du moment, de sa chasse aux gaspis financiers et budget réduit d’une grosse poignée de milliers d’euros. Les chanteurs, les chanteuses, les musicos, même les batteurs bûcherons, les roadies, les techniciens et les ingés-son, même ceux qui font pleurer les oreilles, ça coûte ! Malgré ses quasi cinquante balais et les restrictions budgétaires, les allées sont à peine moins denses que les années passées, les salles sont pas moins pleines itou, pour ce rendez-vous aussi culturel que mercantile. Si Merguez-street n’est plus ce qu’elle était depuis longtemps, banale zone de chalandise pour buveur de bière et bouffeur de frites et de fricadelles, on se fout, un peu, beaucoup, passionnément, des droits de douane réciproques. Les hamburgers – Français, Monsieur – font des sourires aux andouillettes dans le rayon casse-croûte, le pan bagnat aussi. On fait même de la raclette, des pastas et des ramens, des crêpes et de la barbe à papa. En Berry, quand le printemps est de retour, on s’en carre nettement des 25 % de Donald Trump. Le coca est toujours au même tarif. Pas plus et surtout pas moins que l’an passé. On a bien cherché le Berry Cola, rien, pas une goutte, pas une bulle dans les estaminets qu’ils soient temporaires ou non. Quel que soit l’endroit, quelle que soit la manifestation, alors que le Gwenn ha Du flotte sur tout ce qui bouge, on n’a même pas trouvé de Breizh Cola. Au pays des festivaliers, le boycott des produits états-uniens n’est pas ancré dans les gènes, puisqu’il n’y aurait pas de plaisir ! Ainsi est la loi du marché comme le veut le libéralisme décomplexé. Un festival, même responsable, même ouvert aux idées les plus progressistes, cela reste de la bouffe et des pompes à bières, des chiottes par rangées et des buvettes alignées.

Y’a bien que sur la scène que le Franco-Français – Canadien inclus – fait quasiment le plein. Approximatif certes, arrangé comme un vieux rhum qu’aurait pris de la bouteille, revisité comme un plat de Cyril Lignac, le rap omniprésent est tout de même en langue de Molière. Vraiment, la population du PDB fait un doigt levé aux droits de douane réciproques. Avant, c’était plutôt un poing serré. Mais ça, c’était avant. Ici, c’est décidé, le cunnilingus anal fantasmé par le président des States ne se discute pas. C’est pas que l’on est moins vulgaire que la tête de gondole de la plus grande démocratie du monde. Mais on préfère penser à autre chose que de jouer à celui qui urine le plus loin, dans la neige ou sur la glace du Groenland, ou pas. Dans les rues de Bourges, les crêtes que l’on croise ne sont pas celles des derniers Native Americans, ceux-là ont été sacrifiés au nom de la liberté du commerce et de la démocratie façon ultra-libéralisme anglo-saxon. Que nenni. Ce sont juste quelques bougres, à peine punks à chien élevés aux croquettes – les chiens, pas les punks – passants qui hument l’herbe de calumet de la paix venue d’ailleurs. Personne n’envisage pour eux un nouveau Wounded Knee. Pourtant la beaufitude locale n’entend que peu cette engeance de jeunes tous camés, tous drogués, tout comme leur musique de sauvage. Un peu comme des Retailleau en souffrance d’un Hellfest qui se débrouille tellement bien sans ses subsides régionaux, ils ne comprennent pas plus ce festival que leurs aînés voilà cinquante ans. Pas certain que Polnareff, tête d’affiche du premier soir, trouve grâce à leurs yeux. Le gars montrait déjà son derche à une époque où c’était vulgaire. En plus, il ne fait pas partie de la tournée Âge tendre. C’est suspect.

On promettait la fin du monde économique, voire la fin du monde tout court, avec les droits de douane des cinglés d’outre-Atlantique. Comme un Popeyes, non rien n’a changé, tout a continué, hé, hé. Je consomme, tu consommes, il consomme… Droits de douane ou pas, les gros salaires lèveront toujours plus haut le doigt pendant que la piétaille se fera toujours balader par les populistes et arrivistes de tous étages, de tous niveaux.

Donald pense avoir trouvé des lèche-culs, il n’aura pas besoin de creuser profond pour récupérer les suce-boules !

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Les Dernières nouvelles de demain – Histoire de principes