À la suite de la volonté de la mairie de Vendôme de décaler, post élections municipales, une cérémonie de remise de médailles de Justes parmi les nations, les réactions se sont multipliées. La campagne municipale est lancée.
Le maire de Vendôme Laurent Brillard au centre d’une polémique sur la remise de médaille à un couple de Justes parmi les nations. Crédit photo Jean-Luc Vezon.
Par Jean-Luc Vezon.
À l’origine de cette polémique, un long article du Point intitulé « Quand honorer les Justes devient compliqué en France ». Il y est écrit que la municipalité de Vendôme, avec à sa tête le maire UDI Laurent Brillard, a tenté de différer l’organisation par la ville d’une cérémonie en hommage à un couple de Justes parmi les nations (Jean et Jeanne Philippeau, savetiers à Vendôme), qui ont caché deux fillettes juives lors de l’occupation nazie. Il s’agirait d’un fait grave et sans précédent en France.
Motifs affichés : « La proximité des élections locales et le contexte géopolitique actuel, marqué par le conflit opposant l’État d’Israël et le Hamas, qui suscite des sensibilités particulières au sein des différentes communautés vendômoises ». En filigrane, on comprend que, par ce report envisagé d’une cérémonie prévue initialement le 28 mai, la ville de Vendôme ne souhaitait pas heurter certaines communautés (turque et magrébine) qui sont aussi sources d’électeurs potentiels. On sait que son maire Laurent Brillard est d’ores et déjà candidat à sa succession.
Indignation générale
Cela a déclenché la colère d’Arlette Testyler-Reiman, l’une des deux fillettes, aujourd’hui âgée de 92 ans et présidente de l’Union des Déportés d’Auschwitz, de Patrick Klugman et Paul Sebaoun, respectivement président et délégué régional du Comité français pour Yad Vashem (CFYV), organisme coordinateur des cérémonies pour les Justes mais aussi des réactions du cabinet de François Bayrou et de la sous-préfecture pour lesquels l’obligation morale due aux Justes n’est pas négociable.
« Je ne baisserai pas la tête, je ne me coucherai pas …/… Je vois bien qu’en ce moment, la frilosité est en train de monter, qu’on a peur d’honorer des Français qui ont aidé des Juifs parce qu’ils étaient juifs », déclare ainsi avec force Arlette Testyler-Reiman dans le Point.
Face à ce report totalement incompréhensible compte tenu de la nécessité de faire vivre le devoir de mémoire du génocide, les opposants au maire ont naturellement saisi la balle au bond. « Si vous avez été prompt à annoncer que vous seriez une nouvelle fois candidat aux prochaines élections municipales, il apparaît que vous êtes tout aussi rapide à ne pas froisser certaines communautés quitte à privilégier la lâcheté au courage politique qui devrait animer tout élu de la République dans la conduite de son mandat », écrit ainsi le conseiller municipal Christophe Chapuis, l’un des principaux opposants au maire de Vendôme et 1er secrétaire du Parti socialiste de Loir-et-Cher.
« Meilleur ennemi » du maire et ancien 1er magistrat, Pascal Brindeau y va aussi de sa diatribe avec un argument sous-jacent : « En plus de réduire nos compatriotes musulmans à une communauté qui serait antisémite et donc rapporterait la cérémonie d’hommage à des Vendômois qui ont caché des Juifs à l’affirmation d’une position dans le conflit entre Israël et le Hamas, c’est insulter la capacité des femmes et des hommes pleinement intégrés à notre ville à ne pas mélanger l’histoire et le présent ». Ambiance
Face à cette tempête médiatique, Laurent Brillard tente de donner le change en annonçant la tenue d’une réunion mardi 22 avril pour « définir les modalités de l’organisation de la cérémonie en accord avec le délégué régional du comité français de Yad Vashem et la sous-préfecture ». Car c’est finalement cette dernière qui va organiser la cérémonie en juin prochain, la ville se contentant du vin d’honneur…
L’antisémitisme, sujet brûlant
Au-delà de cette tempête médiatique, la polémique traduit le fait que la question de l’antisémitisme devient un sujet devenu hautement inflammable dans notre pays, ce dont les médias se font à juste titre l’écho. Sa montée en puissance, illustrée par l’horrible agression du rabbin Arié Engelberg à Orléans, est corrélée au conflit israélo-palestinien en cours. Elle se fonde sur un antisionisme décomplexé et virulent, attisé notamment par les déclarations et propos ambigus de certains dirigeants politiques.
Mais, comme le pensent à tort certains, honorer les Justes, ce n’est pas honorer une communauté, c’est rappeler que nous ne formons qu’une seule république qui partage un destin commun et qui doit parfois s’élever contre les réflexes les plus vils pour sauvegarder l’essentiel : la vision d’une société unie par des valeurs universelles de liberté, d’égalité et de fraternité.
Les Justes, au nombre de 28 217 dans le monde, ont fait honneur à l’humanité. Crédit photo Jean-Luc Vezon.
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