Mercredi 26 mars 2025, la commission des Affaires sociales était réunie afin d’examiner la proposition de loi (PPL) de lutte contre les déserts médicaux. La salle de la commission, présidée par Philippe Valletoux, éphémère ministre de la Santé, était comble. La liberté d’installation des médecins libéraux et l’accès aux soins pour tous étaient en jeu.
Une commission des Affaires sociales remplie (capture d’écran)
Par Jean-Paul Briand.
Guillaume Garrot
Le rapporteur et initiateur de la PPL contre les déserts médicaux, le député socialiste de Mayenne Guillaume Garot, ferraille depuis des mois afin de rassembler un maximum de députés sur son projet de loi pour ensuite le faire adopter par l’Assemblée nationale. Son premier objectif est atteint. Il a obtenu la signature de 256 députés appartenant non seulement à toutes les tendances de la gauche, mais aussi au groupe Liot, au MoDem, à Horizons et à Renaissance.
« Les politiques d’incitation ne suffisent plus »
Son deuxième objectif est loin d’être gagné. Le rapporteur de la PPL transpartisane avoue « il n’existe pas de remède miracle » pour combler la chute des effectifs médicaux. Bien que le nombre de jeunes toubibs formés soit en augmentation, cette hausse ne permet pas de compenser les départs à la retraite des médecins en fin de carrière. Tous les députés présents sont unanimes pour constater que la désertification médicale s’accentue. Pour Guillaume Garot le plus grave est que cette pénurie délétère de médecins frappe toujours aussi inégalement les territoires. Les mieux dotés en praticiens continuent à l’être de plus en plus, les plus démunis en sont de moins en moins pourvus. Guillaume Garot en conclut que « les politiques d’incitation ne suffisent plus ».
Sa PPL propose d’améliorer la situation par quatre leviers :
- Une régulation de l’installation des médecins par les Agences régionales de Santé (ARS).
- La suppression de la majoration du ticket modérateur pour les patients sans médecin traitant qui subissent actuellement une double peine.
- La mise en place d’un cursus de première année d’études médicales dans chaque département car beaucoup de médecins s’installent près de leur lieu de naissance ou de formation.
- Le rétablissement de l’obligation de la permanence des soins ambulatoires (garde).
Des clivages au sein même des familles politiques
Ces quatre propositions ont été discutées durant plus de quatre heures par la commission. Les clivages sont clairement apparus au sein même des familles politiques entre les partisans de la régulation et ses adversaires.
Deux élus du Centre-Val de Loire : la rhumatologue hospitalière Stéphanie Rist, députée du Loiret, et le député d’Eure-et-Loir, Philippe Vigier, pharmacien biologiste ont croisé le fer.
Philippe Vigier
Pour Philippe Vigier la PPL n’est pas coercitive, ce n’est pas une remise en cause de la liberté d’installation des médecins mais un « modeste aménagement » attendu par nombre d’élus locaux. Il rappelle que la régulation de l’installation a été mise en place pour de nombreuses professions de santé (sages-femmes, infirmiers libéraux, kinésithérapeutes) aussi pourquoi ne pas l’instaurer pour les médecins, généralistes comme spécialistes. Il soutient et défend totalement la PPL.
Stéphanie Rist
Stéphanie Rist estime au contraire que cette loi sera contreproductive. Elle s’y oppose farouchement. Pour la députée loirétaine c’est une fausse bonne idée qui pénalise prioritairement la médecine générale. « Gérer la pénurie, ne supprime pas la pénurie, ça ne marche pas ! » déplore-t-elle. D’après elle, cette loi risque de détourner les étudiants de la médecine générale libérale. Nombre d’entre eux arrêteront leur cursus pour se diriger vers des spécialités moins contraignantes ou vers des postes salariés car partout on manque de médecins. Les propositions attractives de postes salariés ne manquent pas et déjà les chiffres montrent que l’effectif des médecins en activité ayant un statut libéral exclusif a diminué de -4,7% entre 2015 et 2025 tandis que celui des salariés a augmenté de + 18,8% sur la même période. Pour Stéphanie Rist il faut prioritairement augmenter le temps médical. Organiser rapidement le transfert de tâches, permettre l’accès direct à certaines professions de santé avec la mise en application des lois qu’elle a portées mais dont les décrets d’application sont en attente.
Des discussions acharnées et un vote indécis
Dans un premier temps, la mesure de régulation à l’installation semblait en passe d’être adoptée puisque les amendements de rejet n’ont pas été votés à une voix près. Mais au vote final la tendance s’est inversée : 29 députés ont voté pour l’adoption de l’article premier et 32 contre. Le premier article de la PPL a donc été rejeté alors que les autres articles du texte furent acceptés.
Ce mardi 1er avril prochain, en séance publique de l’Assemblée nationale les discussions risquent d’être acharnées et le vote final indécis…
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