Allumez la Lumière, le cinéma est là !

Thierry Frémaux, délégué général du festival de Cannes et directeur de l’Institut Lumière de Lyon, persiste avec bonheur dans la restauration et la large diffusion des films des frères Lumière, « inventeurs » du cinéma. Pour célébrer les 130 ans de la première prise de vue, il sort aujourd’hui Lumière, l’histoire continue. Une centaine de films époustouflants des Lumière où tout le cinéma est déjà là.

 

Une vue des frères Lumière. Photo Institut Lumière.



Par Bernard Cassat.


Il y avait eu Lumière ! L’aventure commence, en 2017. Cette année, Thierry Frémaux sort Lumière, l’aventure continue. Pour célébrer les 130 ans de l’invention du cinéma, il donne une suite à son premier travail, dans le même esprit. Quoi de plus naturel, en effet, que de projeter ces films dans une salle de cinéma, que les initiateurs ont aussi créée.

Les films originaux des frères Lumière sont des bobines de 50 secondes dont certaines sont de véritables films avec un début, un milieu, une chute. Louis, Auguste et les opérateurs qu’ils ont formés en ont amassé des milliers, tournés dans le monde entier. Thierry Frémaux en a choisi plus d’une centaine, les a fait restaurer en obtenant une qualité d’image incroyable, les met bout à bout en les liant les uns aux autres par un commentaire éclairé. Bien classés par thèmes, avec une analyse subtile d’un fin connaisseur du cinéma.

La sortie des usines Lumière

Pour leur premier film, les frères Lumière ont planté la caméra devant le portail de leur usine de Lyon. Ils fabriquaient les plaques au bromure, technique photographique de l’époque, puis ensuite les papiers photosensibles. Ils tournent donc la manivelle lorsque les portes s’ouvrent et que les employé.e.s sortent, et captent un plan fixe de 50 secondes. Fixe, mais pourtant très animé !

Photo Institut Lumière


Pour ouvrir son propre film, Thierry reprend cette séquence, la recadre et joue sur le rythme de défilement. La pavane de Gabriel Fauré par-dessus en fait une sorte de chorégraphie incroyablement fluide, gaie, lumineuse, qui concentre l’intensité de la découverte de ce nouvel art. Ce sera le seul moment où les images sont « trafiquées » par l’intervention des opérateurs modernes. On apprendra plus tard dans le film qu’il y a eu trois prises de vue identiques. Donc un travail réflexif sur l’image, sur la position de la caméra par rapport au sujet filmé, sur l’intérêt de ce sujet lui-même. Un travail de cinéma, en quelque sorte.

Car dans ces plans fixes que Louis et Auguste réalisent dans des circonstances différentes, « le cinéma est là d’emblée, tel qu’on le connaitra toujours ». Thierry insiste sur ce point. Cette captation de la réalité appartient plutôt à ce qu’on appellerait aujourd’hui le documentaire. Mais le film démontre brillamment qu’il y a déjà dans ces vues de moins d’une minute à la fois Rossellini et la Nouvelle Vague.

Photo Institut Lumière.


Avec une séquence militaire filmée en Italie, il démontre la construction implacable de l’image et de l’action qui s’y déroule, la fumée envoyée au juste moment et le cadrage d’un ruisseau dans le bas de l’image. La caméra reste fixe, mais la mise en scène, comme au théâtre, réside dans les mouvements des « acteurs », des personnages qui rentrent et sortent du champ.

Photo Institut Lumière


Certaines vues sont de véritables ballets, comme cette prise dans une caserne espagnole ou des agents à vélo se rapprochent de la caméra puis tournent en deux files de chaque côté pour revenir. C’est presque surréaliste, d’une beauté d’image tellement forte, dans les noirs, les gris et les blancs, que le sujet n’a plus grande importance. Ce n’est pas la compréhension de quelque chose, mais juste une captation sublime d’un moment présent sans doute mis en scène, sans doute répété. Ou cette autre séquence avec le château de Prague en fond, un cheval blanc et des cavaliers voltigeurs. Il y a quelque chose de complet, la lumière, la construction de l’image dans le cadre fixe, la rigueur de l’action, qui comble totalement le regard. Effectivement, la puissance de l’image cinématographique est là en majesté.

Devant le château de Prague. Photo Institut Lumière


D’autres comme Meliès apporteront l’imagination, la création totale de fictions par l’image. Mais les Lumière ont créé des films qui instaurent tout de suite un rapport direct à la réalité qui appartient au grand art !


Plus d’infos autrement :

Convocation en huis clos au pays de Bergman

Commentaires

Toutes les réactions sous forme de commentaires sont soumises à validation de la rédaction de Magcentre avant leur publication sur le site. Conformément à l'article 10 du décret du 29 octobre 2009, les internautes peuvent signaler tout contenu illicite à l'adresse redaction@magcentre.fr qui s'engage à mettre en oeuvre les moyens nécessaires à la suppression des dits contenus.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

Centre-Val de Loire
  • Aujourd'hui
    • matin 7°C
    • après midi 15°C
  • jeudi
    • matin 9°C
    • après midi 20°C
Copyright © MagCentre 2012-2025