Sur fond d’élections dans les chambres d’agriculture, Laurent Wauquiez — jamais à court en matière d’idées populistes — a qualifié l’Office français de la biodiversité de « coalition d’idéologues » et a demandé sa dissolution. Ce qui lui vaut d’être visé par une plainte déposée par un élu écologiste, plusieurs syndicats et associations. Faisons le point sur les missions des agents de l’OFB et la dangerosité de leur métier.
Le respect des règles de la chasse n’est qu’un aspect des missions des agents de l’OFB – photo OFB
Par Izabel Tognarelli.
Ces dernières semaines, l’OFB s’est retrouvé plusieurs fois en première ligne de l’actualité, bien malgré la volonté de ses agents. Il y eut d’abord une grève, en janvier, à la suite de propos malheureux de François Bayrou, qui n’est pas à ça près (il les accusait d’humilier les agriculteurs lors de leurs contrôles). À présent, c’est Laurent Wauquiez qui leur en remet une couche, de concert avec Fabrice Pannekoucke, qui lui a succédé à la tête de la région Rhône-Alpes. Dans l’intervalle, il y a eu cette interpellation dans le Cher, une affaire hors normes pour l’OFB, qui leur a notamment permis de saisir un arsenal d’armes illégales, et qui a eu de l’écho bien au-delà de la région Centre-Val de Loire. Car les policiers de l’environnement exercent un métier dangereux, en témoignent les noms des 85 agents tués dans l’exercice de leurs fonctions, gravés sur la stèle érigée en leur mémoire au Centre national de formation de l’OFB, installé à Dry, à une trentaine de kilomètres au sud-ouest d’Orléans. Nous avons contacté Jean-Noël Rieffel, directeur régional de l’OFB en région Centre-Val de Loire, pour qu’il nous décrive les missions des agents de l’OFB. Mais d’abord, faisons le point sur cette affaire de braconnage.
Une affaire hors normes
Une affaire de braconnage d’une ampleur exceptionnelle a récemment été mise au jour dans le Cher par l’OFB, en collaboration avec la gendarmerie nationale. L’enquête s’est étalée sur deux ans. « C’est une affaire peu fréquente en termes de nombre de personnes interpellées et de gravité des faits », indique Jean-Noël Rieffel. Les faits reprochés sont les suivants : des chasseurs de vénerie en recherche de sensations fortes ont été surpris de nuit en train de braconner, utilisant des armes non déclarées et se servant de leurs véhicules pour percuter des animaux.
Tous les tribunaux gèrent le contentieux environnemental, mais celui de Châteauroux est chargé des dossiers les plus importants en matière d’atteinte à l’environnement, aussi cette affaire sera-t-elle jugée par ce pôle régional environnemental : « Ce dossier va montrer l’importance pour nos agents – qui sont inspecteurs de l’environnement – de porter l’uniforme, d’être dépositaires de l’insigne de la police de l’environnement, et d’être porteurs d’un bâton de défense et d’une arme. Les braconniers sont parfois surarmés, ce qui représente des situations potentiellement dangereuses », souligne le directeur régional de l’OFB. Cette affaire sera jugée en avril. Les protagonistes encourent des peines allant jusqu’à 4 ans d’emprisonnement et 150 000 € d’amende.
Les bords de Loire sont un milieu sensible dans lequel un véhicule va déranger la faune et détruire l’habitat – photo OFB SD45
Les missions des agents de l’OFB
Au-delà des affaires de braconnage, l’OFB a un rôle crucial dans la surveillance et la préservation de l’environnement. Les agents veillent au respect des règles en matière de chasse – notamment l’interdiction de tirer en direction des habitations et l’obligation de réaliser des tirs fichants – travail réalisé en collaboration avec les fédérations. La région Centre-Val de Loire compte près de 110 000 chasseurs, soit environ 10 % du nombre total de chasseurs en France : assurer la sécurité de la population est une nécessité.
L’OFB est également amené à s’occuper des quads, moto-cross et personnes circulant dans des zones sensibles, où l’on a tôt fait de causer des dégâts sur la flore et perturber la faune. Les forêts domaniales, les bords de Loire et les parcelles agricoles sont particulièrement concernés. Là aussi, la mission n’est pas sans danger : à Sandillon en 2020, lors d’un refus d’obtempérer, un agent de l’OFB a été grièvement blessé par un motard qui l’a percuté de plein fouet.
Pourquoi est-il important d’avoir une police de l’environnement ?
Ces derniers mois, l’OFB a été la cible de nombreuses pressions, que ce soit au moment de la campagne pour les élections dans les chambres d’agriculture, mais aussi de la part du gouvernement. « Nos agents ont parfois l’impression d’être des boucs émissaires : on s’en prend aux contrôleurs au lieu d’interroger la pertinence des normes », estime Jean-Noël Rieffel. Pourtant, l’OFB ne cherche pas à opposer agriculture et biodiversité. « Un écosystème en bonne santé est nécessaire à la production agricole. Sans biodiversité, les cultures deviennent plus vulnérables aux ravageurs et aux aléas climatiques ». L’OFB intervient peu en milieu agricole, où les interventions concernent surtout la réglementation de l’usage de l’eau en période de sécheresse, ainsi que des rappels de la réglementation, valables pour les agriculteurs comme pour tous citoyens.
Les enjeux liés à la protection de l’environnement et de la biodiversité échappent encore à certains : « On a parfois l’impression que la biodiversité est un concept abstrait, qui ne parle pas forcément aux gens dans leur vie quotidienne », poursuit le directeur régional de l’OFB. Aussi abstrait qu’une alouette dans nos champs ou un saumon dans la Loire par les temps qui courent, a-t-on envie d’ajouter : la diminution de ces populations est scientifiquement documentée. « En fait, nous faisons partie de cette biodiversité. Nous en avons besoin, car elle nous soigne, elle sert notamment l’agriculture. Si la biodiversité s’érode, au bout de la chaîne, c’est nous qui allons trinquer. Notre mission est de faire comprendre à l’ensemble de nos concitoyens que préserver la biodiversité est une façon de préserver un pan d’eux-mêmes », conclut Jean-Noël Rieffel.
La sensibilisation passe souvent par les enfants et le biais de l’école – Photo Guillaume Souvant/SIPA
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