La Scène Nationale d’Orléans a eu la judicieuse idée de programmer « Le Ring de Katharsy » d’Alice Laloy, sorte de catharsis théâtrale. Sur fond de jeux vidéo, six avatars programmés par deux joueurs se disputent le gain de chaque manche. Exceptionnel !
Par Bernard Thinat.
Les jeux vidéo sur une scène de théâtre, pour être récents, ne sont pas une totale nouveauté. On se souvient de la pièce « Daddy » de Marion Siéfert, en décembre dernier au CDN d’Orléans après son passage au théâtre Olympia de Tours, où une adolescente se faisait happer par le système. Pour autant, le Ring d’Alice Laloy est d’une tout autre nature.

La chanteuse manipulatrice – Photo Simon Gosselin
En fond de plateau, en position surélevée, une femme, chanteuse lyrique, (sorte de Reine de la Nuit peut-être), met en action six personnages, qui déambulent sur la scène en mouvements saccadés, tels des automates, sous une apparence totalement grise. Bientôt immobiles, ils seront évacués par deux autres, qu’on nommera les nettoyeurs, chargés aussi de balayer tous les détritus laissés par ces automates.
Commence alors les matchs entre deux équipes de trois, face à face, avatars commandés par deux joueurs, les gamers, situés sur chaque côté du plateau, leur jetant, ou plutôt hurlant, des ordres de mouvements divers « avance, recule, attrape, mange, frappe… ». Deux écrans totalisent les points de chaque équipe. On a ainsi la séance d’habillement, celle du Click and Collect où deux avatars se disputent de la nourriture, celle du tri des déchets à mettre dans deux poubelles. Et gare à l’avatar qui sortirait du double carré tracé sur le sol, soit le Ring, il serait aussitôt mort et évacué par un nettoyeur.

Match pour la nourriture – Photo Simon Gosselin
Tombent lors de chaque manche d’une structure située à 6 mètres au-dessus du plateau, chaises, table, divan, lit, cinq berceaux avec leurs bébés (plastifiés, on rassure). On aperçoit aussi un lave-linge, lequel ne s’écrasera pas (ouf !), le hublot s’ouvrant au final, un long ruban violet s’en échappant vers une immense toile de même couleur recouvrant toute la scène.
Performance exceptionnelle des six artistes, avatars sur scène, de formation circassienne pour certains et certaines, ne connaissant que le mouvement saccadé durant une heure trente, tombant, se relevant, frappant, se pliant et se dépliant, ou dans une immobilité totale durant de longues minutes.

Un gamer et ses avatars – Photo Simon Gosselin
Spectacle qui demande une précision absolue, millimétrée, notamment lors des chutes des objets tombant de 6 mètres de haut, parfois juste à côté d’un artiste. Avec mille nuances de gris, celles des avatars, des nettoyeurs, et de la chanteuse. Seuls les deux joueurs, hors du Ring, sont vêtus de couleurs vives.
Analyse
Derrière ces jeux vidéo dirigés par deux joueurs, mais peut-être orchestrés par cette Reine chanteuse – on ne sait – on peut voir aussi la manipulation mentale qui gagne une société avide de nouveautés, mais sans garde-fou, prête à se jeter dans les bras d’un manipulateur maniaque, et on a un exemple, cette fois-ci bien réel, de l’autre côté de l’Atlantique. Libre aussi de discerner la société future où l’intelligence artificielle pourrait devenir la maîtresse du monde, ce que certains craignent en lançant des alertes, l’espèce humaine étant réduite à ces pantins, automates, avatars et autres marionnettes. Mais restons optimistes !

Lors des saluts – Photo B.T.
Spectacle créé en octobre dernier au TNP de Villeurbanne, passé par le CDN de Tours (théâtre Olympia) fin février, et qui en est déjà à une quarantaine de représentations. Heureuse Compagnie, celle d’Alice Laloy, « s’Appelle Reviens » ! On en redemande effectivement.
Seconde représentation en ce vendredi 21 mars à 19 heures, au théâtre d’Orléans (Scène Nationale).
La culture debout en ce 20 mars
Après les saluts, en cette journée du 20 mars où les artistes étaient en lutte pour la survie du théâtre, des arts vivants, et de l’ensemble du secteur culturel, une manifestation avait eu lieu le matin même devant le théâtre d’Orléans, une artiste a lu un texte dénonçant les atteintes graves à tout le service public sur fond d’austérité budgétaire. Une photo a été prise, public et artistes debout.
Credit Sandra Diasio
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