Les moins de soixante ans n’ont jamais entendu à la TSF le « Attendez-vous à savoir… » suivi de « J’ai encore appris… » de Geneviève Tabouis, journaliste et éditorialiste du siècle dernier. Magcentre va tenter de reprendre à son compte, par écrit cette fois, au niveau qui est le sien, un vendredi sur deux, le modèle mis en lumière par une figure du journalisme d’antan. Et même si cette rubrique ne revient que dans quinze jours, comme dirait Geneviève, « Au revoir, Mesdames et Messieurs, et à dimanche prochain, pour les dernières nouvelles de demain. »
Déresponsabilisation
Campagne de sensibilisation de la SNCF
Par Fabrice Simoes.
Pousser l’incivilité, ou l’imbécilité, à franchir une voie ferrée, quand un train arrive, est d’une connerie innommable. Et pourtant… Aux abords d’un passage à niveau de la ligne Paris-Limoges, des « gilets orange » siglés SNCF font le pied de grue. C’était là, au PN 131, mais cela aurait pu être à n’importe quel endroit du réseau ferré. Au passage des trains, barrières fermées, les petites mains de SNCF Réseau distribuaient, sourire aux lèvres malgré l’heure tardive, des goodies sur lesquels on pouvait lire : « Au passage à niveau quand le feu clignote, s’arrêter c’est faire que la vie continue. Aux passages à niveau, évitez les comportements dangereux ». Désormais on est obligé de prévenir qu’un train, pris en pleine poire, ça fait mal ! Simplement parce que, quel que soit le sujet, ce n’est jamais sa propre faute mais toujours celle d’un autre et que le responsable n’est jamais celui qui est concerné (ça peut s’écrire en deux mots !). On ne va pas dire que c’était mieux avant mais Coluche expliquait déjà en 1976 qu’il avait raté son train parce que « un train peut en cacher un autre… mais on fait pas gaffe ». Depuis, beaucoup de trains sont passés sur des passages à niveau, beaucoup aussi en ont caché un autre. Des accidents arrivent encore… C’est pas la faute du gars qui a cassé la barrière et s’est aventuré au milieu des voies. Que nenni, ce serait celle du train qui ne s’est pas arrêté à temps qu’on n’en serait pas surpris. Déresponsabilisation quand tu nous tiens…
Cette déresponsabilisation de plus en plus prégnante, vrai début d’infantilisation, associée à un niveau éducatif à la ramasse, est une méthode assumée de manipulation des masses. Si en 1970, on ne comptait que 20 % de bacheliers dans une classe d’âge, le taux est autour des 80 % désormais alors que le nombre d’étudiants a quasiment doublé depuis 40 ans. Et pourtant, de plus en plus de gens croient que la terre est plate… Les mêmes sont persuadés qu’avant eux le monde n’existait pas, les boomers étant une génération de vieux déjà vieux dès le départ. Une aubaine, ou résultat positif d’une vaste opération bien préparée en amont, pour les maîtres démagogues es-populisme, que ce soit au niveau international avec les Trump, Orban, voir le duo Le Pen-Bardella à l’échelon national, régional ou local, ou encore simples grouillots de la toile. Pour les politiques, ceux qui ont pignon sur rue, pour les bas du front, nazillons plus ou moins masqués derrière une image lisse et conforme à des critères d’un autre temps, gendre idéal ou belle-fille parfaite, chacun fait de la vérité alternative un mode de fonctionnement éducatif. Tout ce qui n’est pas leur pensée n’est pas vrai puisqu’elle n’est pas la leur. CQFD. Fonctionnement simpliste qui permet de promettre monts et merveilles, même cinquante vierges des fois, sans en assumer les choix. Petit rappel, selon Henri Queuille, « les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent… »
La facilité d’accès à l’information, vrai ou fausse, fait le reste. Les réseaux asociaux, ce vecteur de transmission des idéologies de la bêtise humaine, en sont le parfait exemple. C’est là que se retrouvent, outre les trolls salariés ou pas, pour encenser chaque publication, outre les fans, tous les anciens habitués du café du commerce, du bar-tabac-PMU Le Balto et la Poste réunis sur ce bout de territoire marqué comme une émission de Cyril Hanouna. Il suffit d’une seule phrase bien sentie, ni vrai, ni fausse, juste ce qu’il faut, et sous couvert d’une sémantique débridée, d’oublis sélectionnés, et les plus rances des idées peuvent être éructées, souvent sans concession pour le Petit Larousse et/ou le Bescherelle. Selon Albert Einstein, « il n’existe que deux choses infinies, l’univers et la bêtise humaine », et s’il ajoutait que « pour l’univers, je n’ai pas de certitude absolue », on peut confirmer que, pour la bêtise, les preuves s’empilent à une vitesse qui dépasse celle de la lumière.
Comme quoi Coluche avait bien raison : « un train peut en cacher un autre… mais on fait pas gaffe ».