Mais, qu’aurions-nous fait en juin 1940, quand les Panzers de la Wehrmacht enfoncèrent les lignes de défense « infranchissables » de l’armée Française, la meilleure du monde ?

Orléans aux lendemains de son bombardement, photographie, collection Daniel Joseph (Arch. dép. du
Loiret, 28 Fi 360)
Par Philippe Voisin.
Et moi, qu’aurais-je fait ? C’est la question qui taraude l’esprit quand on referme l’ouvrage « Les Orléanais face à la défaite, de septembre 1939 à Septembre 1940 » d’Alexis Lecocq.
La période a déjà fait l’objet de plusieurs recherches en s’appuyant sur les archives nombreuses et disponibles. Mais l’historien qui documente cette courte période ajuste la focale et fait la netteté sur le quotidien de la population orléanaise envahie par le doute avant d’être envahie par l’occupant allemand.
Loin des conversations de salon remplacées aujourd’hui par les plateaux de télévision, le chercheur de l’Université d’Orléans raconte l’Histoire au coin de la rue, sous la queue du cheval de Jeanne. Terrés dans les caves, les témoins avaient dix ans lorsque les bombes détruisirent la rue Royale.
Alexis Lecocq pratique l’écriture moderne de l’Histoire, à hauteur d’homme et de femme. « Un jour, ma mère m’a dit : il faut qu’on parte ». Et l’enfant laisse ses jouets, sa poupée, son animal de compagnie. On se tasse dans des automobiles qui fuient les uniformes verts des revenants de 14-18 et les bombardements en piqué. C’est l’exode, la débâcle, la débandade. Vers la Sologne, le Limousin, la Touraine…
En panne d’essence, des familles restent au bord de la route !
Entre le 15 et le 16 juin, derrière Marcel Lemoine son préfet qui quitte Orléans sans donner de consigne, la ville est vidée de toute autorité laissant la population désemparée. Orléans a une position stratégique. Sur ses ponts se pressent des milliers de réfugiés qui fuient le front de l’Est pour franchir la Loire. Hébergement, approvisionnement, circulation, la désorganisation est totale quand Orléans se vide presque intégralement de sa population à la mi-juin quarante.
Alexis Lecocq décrit la complexité des échanges entre des populations si différentes qui partagent les mêmes inquiétudes. Il décrit la brutalité des évènements et l’effondrement qui en résultent. N’oublions pas « comment cette société… a pu exploser si vite » !
Ce livre reste le résultat d’un fin travail universitaire qui n’est malheureusement pas servi par l’éditeur l’Harmattan qui n’a fait aucun effort pour rendre la lecture agréable. Cartes illisibles, photos sombres, titrage incertain. Cette Histoire d’Orléans mérite un autre sort parce qu’elle est une œuvre de préservation et de synthèse, qu’elle fournit des pistes pour l’étude des autres conflits, passés ou présents.
Avec « Jean Moulin, préfet de la Résistance », de Pierre Allorant, autre ville, autre histoire
En juin 1940, Chartres est administrée par l’étoile montante du corps préfectoral avant la guerre. Jean Moulin fait un parcours sans faute de haut fonctionnaire, de sous-préfectures à cabinet ministériel. La préfecture d’Eure-et-Loir est sa première affectation de plein exercice. Ville moyenne à une heure de Paris, Chartres aurait pu être un tremplin à sa brillante carrière si… Weygand et sa troupe avaient remporté la bataille de France.
Fin de la « drôle de guerre »
On ne peut pas s’empêcher de rapprocher le comportement héroïque de Jean Moulin, fidèle à son poste pour protéger sa population et la fuite de son homologue en charge du Loiret.
Face aux Allemands, Jean Moulin qui revendique son devoir de protéger les populations civiles, incarne « une armature sociale et morale digne de notre pays ». S’inspirant des figures révolutionnaires du général chartrain Marceau et de Lazare Carnot, Jean Moulin affirme les convictions républicaines qui l’animeront dans son combat pour la liberté de la nation derrière De Gaulle en honorant sa fonction préfectorale.
Professeur d’Histoire du droit et des institutions, Pierre Allorant signe cette nouvelle biographie de Jean Moulin. Encore une, oui ! Mais c’est dans un format très accessible.
Car il faut saluer l’initiative de l’éditeur, Calype, qui propose une approche nouvelle du savoir et de la connaissance en s’efforçant de conjuguer l’exigence scientifique, l’originalité et la lisibilité. Pari réussi. Mise en page soignée, textes courts et compacts, idées claires.
Entre Richelieu, Coco Chanel ou Alexandre Dumas, le Jean Moulin de Pierre Allorant, a trouvé sa place dans cette collection nommée Destins.
Les Orléanais face à la défaite, septembre 1939-septembre 1949
Alexis Lecocq – Historiques L’Harmattan – 30€
Jean Moulin, le préfet de la Résistance
Pierre Allorant – Destins Calype – 11,90€
Plus d’infos autrement :
DazibaO, regard dans le rétro sur la politique orléanaise de 2004 à 2013