Remarquable est l’exposition Suzanne Valadon qui se tient à Paris, au Centre Pompidou, jusqu’au 26 mai 2025. Il s’agit de l’une des quatre expositions avec celles intitulées « Hans Hollein » (jusqu’au 2 juin), « Paris Noir » (19 mai – 30 juin), « Énormément bizarre » (jusqu’au 30 juin), « Wolfgang Tillmans » (13 juin – 22 septembre), qui sont et seront présentées sur le site avant sa fermeture pour métamorphose.
Par Jean-Dominique Burtin.
D’heureuses correspondances aux cimaises

À l’affiche du Centre. Photo JDB.
Passionnant. Aux cimaises de la galerie située au sixième étage du Centre Pompidou, figurent les huiles sur toiles et les dessins de
Suzanne Valadon (1865-1933), artiste dont l’atelier – appartement où elle vécut de 1911 à 1925 – peut encore être visité au 12, rue Cortot, musée de Montmartre (XVIIIe arrondissement).
Ici, voici l’œuvre de celle qui avait posé pour les artistes et qui se mit à peindre des nus féminins et masculins en rupture avec les conventions de son époque. En 1909, avec « Adam et Eve », il s’agit bien de l’une des premières de l’art réalisée par une artiste représentant un corps nu masculin.
Heureuses correspondances : lors de la déambulation au cœur des espaces de cette exposition sont, en effet, exposées des œuvres de Marie Laurencin et de bien d’autres artistes qui viennent dialoguer, finesse faisant, avec celles de Suzanne Valadon. Force est ainsi de voir se répondre, entre autres, cette « Femme nue par terre se peignant » (1866-1890), pastel et fusain sur papier vergé d
’Edgar Degas, et cette « Catherine nue se coiffant », estampe de Suzanne Valadon (1895).
Pour des tête-à-tête hauts en couleur et en vie
Par ailleurs, de Suzanne Valadon, ses autoportraits, et ses portraits, dont ceux à l’écoute du tourment de son fils, Maurice Utrillo, invitent à vivre des tête-à-tête hauts en couleur et en vie. Place, ici, grâce à nombre d’œuvres, à l’épaisseur affirmée du trait de couleur, à la lascivité brutale et douce de l’intime, à la bourrasque du réalisme et à l’éloge de la vérité. À voir, ainsi, la gouaille de cette femme au cœur de « La chambre bleue », huile sur toile de 1923 qui tient lieu d’affiche pour l’exposition.
De nombreuses citations de propos de l’artiste jalonnent, à Beaubourg, le parcours. Ainsi, ne pas manquer de lire la lettre manuscrite de Suzanne Valadon, « Suzanne Valadon ou l’absolue », en réponse à Germain Bazin pour le numéro spécial « La peinture de l’instinct » de la revue « L’amour de l’art » publiée en octobre 1933 : « Il ne faut pas mettre la souffrance dans ses dessins mais on n’a tout de même rien sans souffrir ».

“À l’orée de La Chambre bleue”. Photo JDB.
Prenante leçon de création
De nombreux autres propos accompagnent de manière éloquente cette heureuse leçon de création que ne peuvent que partager, sans doute moult créateurs et amateurs d’art. Suzanne Valadon : « Rester soi-même, tâcher de traduire les multiples et changeants aspects de la vie, de la lumière, des formes, c’est pour l’artiste la seule loi ».
Ou bien encore : « Je peins les gens pour apprendre à les connaître ». Et aussi : « Quels que soient la dureté du temps, les déboires subis, il faut peindre dans la vérité avec amour ». Autres mots de cette artiste, autrice de petits formats tels des bijoux : « La vraie théorie, c’est la nature qui l’impose ».
Pour mémoire, à partir de l’automne 2025, le Centre Pompidou fermera ses portes le temps de travaux confiés aux agences d’architecture AIA Ingenierie / Moreau-Kusunoki et Frida Escobedo, architecte mexicaine. Tout cela pour permettre au lieu de renouer, dès 2030, avec son utopie originelle. Celle que Francis Ponge, dans “L’écrit Beaubourg” (1977), évoquait ainsi : « Au cœur donc de Paris, un cœur : un muscle, une pompe aspirante et refoulante, aux battements ininterrompus (…) : voilà ce que devait être, serait, sera, est déjà, le bâtiment Beaubourg. Moins donc un monument, que, s’il me faut inventer ce mot : un moviment ».
Exposition Suzanne Valadon
Jusqu’au 26 mai 2025,
Galerie 2, Niveau 6, centre Pompidou. Place Georges-Pompidou, 75004 Paris.
Tous les jours de 11 heures à 21 heures sauf le mardi. Fermeture des caisses à 20 heures.
Catalogue de l’exposition, 42 euros, 280 pages.
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