Les moins de soixante ans n’ont jamais entendu à la TSF le « Attendez-vous à savoir… » suivi de « J’ai encore appris… » de Geneviève Tabouis, journaliste et éditorialiste du siècle dernier. Magcentre va tenter de reprendre à son compte, par écrit cette fois, au niveau qui est le sien, un vendredi sur deux, le modèle mis en lumière par une figure du journalisme d’antan. Et même si cette rubrique ne revient que dans quinze jours, comme dirait Geneviève, « Au revoir, Mesdames et Messieurs, et à dimanche prochain, pour les dernières nouvelles de demain. »
Une journée par an, c’est court
Les Rosies, symbole de résistance féministe, souvent visibles le 8 mars. Photo Magcentre
Le billet de Fabrice Simoes.
Le 8 mars, c’est la journée internationale des droits des femmes. Entre exposition de portraits de femmes engagées dans la Résistance, spectacles, animations dans la ville et visite de l’écrivaine Leïla Slimani, prix Goncourt en 2016, la ville de Bourges, par exemple, met en exergue la gent féminine. Dans la capitale du Berry, la journée durera finalement un peu plus que 24 heures. Ici, la féminisation est l’un des crédos de Yann Galut, le maire de la ville. Ici, c’est une femme, Irène Félix, qui préside à l’agglo. Depuis longtemps, l’un et l’autre trouvent qu’une journée par an, pour les droits des femmes c’est court.
Au niveau national, l’an passé, parmi les divers coups de projecteurs, était annoncée la création de pièces de monnaie à l’effigie de trois femmes emblématiques de la République : Simone Veil, Joséphine Baker, Marie Curie. S’inscrire dans des valeurs faciales supérieures aurait fait « un chouia » moins mesquin mais ces nouvelles pièces de 10, 20 et 50 centimes d’euro mettaient à l’honneur des femmes, une Juive, une Afro-américaine et une immigrée polonaise, toutes les trois au Panthéon. Trois femmes au parcours hors du commun et fortes de valeurs pas seulement féministes, comme Olympe de Gouges, Louise Michel, Simone de Beauvoir et d’autres encore. Trois femmes qui ne seraient pas restées insensibles aux relents puants du populisme, à la xénophobie et à la déshumanisation d’une société en mal de repères. Le symbole de ces effigies monétaires se voulait fort mais est resté cantonné aux pièces jaunes tout de même, celles qui sont en sursis et risque de disparaître. Peut-être parce que ce sont ces pièces-là que l’on balance dans le gobelet en carton des SDF à la sortie du métro, sur le parvis des églises ou à la collecte de la Croix-Rouge dans les supermarchés. Quand on en donne. Peut-être parce que ce sont celles qu’on pose dans la coupelle, en pourboire, au restaurant. Quand on en laisse. Un geste fait souvent plus pour se débarrasser – des pièces, du SDF, de la Croix-Rouge et du serveur réunis – que pour se donner bonne conscience, faire œuvre de bonté d’âme ou en remerciement d’un service réussi. Une mise en lumière des femmes avant l’effacement complet. Comme quoi une bonne idée de départ peut s’avérer bien mauvaise au final. Alors, une journée par an, pour les droits des femmes, c’est court.
Tandis qu’en Afghanistan on retire jusqu’au droit de chanter, de réciter, de parler même, aux femmes après les avoir rendues invisibles, pour ce jour-là comme pour les autres, nous allons regarder ailleurs et jouer faux une partition sur le thème de l’égalité homme-femme. Comme tous les ans. Fêter les femmes une seule journée… Un jour, comme pour les câlins. Un jour comme pour la journée internationale de défense des chiens, en août, celle des chats, en septembre. Un jour pour la gent féminine avant la fête des Mères, merci mon Maréchal, qui n’a rien de féministe. Un seul jour, c’est aussi conforter les chiennes de garde dans un combat sexiste trop souvent hors sujet, trop souvent hors-sol. Accabler les mâles de tous les maux et vouloir, dans un effet de grand balancier, remplacer le patriarcat par le matriarcat n’est pas seulement excessif mais aussi contre-productif. Preuve que, même si elles en sont l’avenir, les femmes sont bel et bien des hommes comme les autres, pourvues de qualités identiques et de défauts similaires. Pourtant, l’énorme succès du film italien Il reste encore demain, de Paola Cortellesi, démontre que les lignes bougent. La question du féminisme a parfaitement infusé dans une société occidentale pourtant un peu perdue, oscillant entre les intolérances du wokisme et celles des anti-woke. Une société où des poches de résistance machistes maintiennent l’illusion d’un statuquo d’un autre âge, d’un autre siècle. On espère que ce ne sont que les derniers sursauts spasmodiques de vieux barbons incontinents, et/ou de jeunes branle-bouillie éjaculateurs précoces. À moins qu’une forme de réécriture, une espèce de réalité alternative à l’américaine, en mode trumpiste, ne distille ses idées aussi nauséabondes que détestables.
Alors, une journée par an, pour les droits des femmes, vraiment, c’est court.