Festival Récidive, l’année 62 dans le monde

Du 16 au 23 mars, le festival Récidive va interroger l’année de cinéma 1962. Année importante en événements avec la fin de la guerre d’Algérie et en cinéma avec de nombreux cinémas nouveaux dans plusieurs régions du monde. Rencontre avec Michel Ferry, animateur du cinéma Les Carmes et père fondateur du festival.

Le joli mai de Chris Marker. Photo Potemkine Films




Propos recueillis par Bernard Cassat.



Une programmation avec 58 films. C’est un grand festival !

Oui, même si l’an dernier on en avait 60. C’est difficile. Il y a un tel foisonnement. Comment choisir tel ou tel film et pas l’autre ? La liste à laquelle on a renoncé est considérable.


42 dans la sélection, qui représente le monde entier…

C’est toute l’idée. On veut essayer de montrer une année dans le monde. On aurait pu rajouter ça en sous-titre du festival. On cherche à être le plus universaliste possible.

Akira Kurosawa sur le tournage de Sanjuro. Photo Toho Company


Trois japonais, et tous les cinémas nouveaux, brésilien, tchèque, etc.

L’année 62 est vraiment un croisement. Le cinéma classique est dans ses derniers feux, et ce n’est pas n’importe quoi. Le jour le plus long, Hollywood toujours intéressant, qui va aboutir quelques années plus tard au nouvel Hollywood. Puis à l’ère du blockbuster, qui nait avec Les dents de la mer. Le cinéma français, Verneuil, classique, pépère. La nouvelle vague bien installée qui devient plus tranquille, sauf Godard qui restera toujours Godard. Et puis un nouveau cinéma thèque, tchécoslovaque à l’époque. Le cinema novo au Brésil, en pleine effervescence. Mais on n’a pas pu récupérer un seul film. C’est d’une tristesse infinie. Il y a un ou deux Rocha disponibles, mais qui ne sont pas de 62. On n’a pas pu trouver les films de Pereira dos Santos ou Ruy Guerra. Il n’y a pas de copies, pas d’ayants droits. Personne en France ne se dit qu’il y a suffisamment d’argent à se faire. Parce que ça se résume à ça. Sur le cinema novo brésilien, je trouve ça terrible. C’est important, pourtant. Le dieu noir et le diable blond, qui repasse de temps en temps, Mais Os fuzis, de Ruy Guerra, sorti en 62, portant exceptionnel, reste introuvable. Vidas Secas, de Pereira dos Santos, sorti en 63, qui est un grand film, non plus. On ne peut plus les montrer, il n’y a plus le matériel.

Mais il y a le documentaire du fils de Glauber Rocha

Heureusement, on va pouvoir le montrer. C’est un distributeur qui, motivé par ça, a décidé de reprendre les droits du film. Le film est passé à Cannes l’an dernier. Grâce à lui, on va parler du cinema novo pendant ce festival, c’est déjà ça. Une manière de ne pas oublier ce mouvement de rébellion sous la dictature. C’était important.

Jean-Louis Trintignant et Vittorio Gassman dans Le Fanfaron de Dino Risi. Photo Solaris Distribution.


De même, on aurait pu trouver des films espagnols tournés sous Franco. José Luis Berlanga que j’adore, par exemple. Mais ses films sont quasi tous introuvables. Il faudrait restaurer les copies, que quelqu’un s’y intéresse. Le festival est aussi l’occasion de faire le point. Par exemple
Le Fanfaron, de Dino Risi, on a dû faire le DCP (Digital Cinema Package : l’équivalent en cinéma numérique de la copie de projection argentique, NDLR) nous-mêmes. Mais je tenais au Fanfaron. Film noir, morale terrible. Les deux acteurs époustouflants. C’est le génie du ciné italien de ce moment-là, des années formidables. Avec L’éclipse, ça fait deux italiens magnifiques.

Richard Burton dans L’espion qui venait du froid, de Martin Ritt. Capture bande annonce.


D’autres films auxquels le festival tenait ?

L’Espion qui venait du froid. Film magnifique de Martin Ritt, qui date de 65, mais le livre de John Le Carré date de 62. Le joli mai, de Chris Marker, pour moi un des plus beaux films de la sélection, sorti en 63. Le commentaire est un très beau texte écrit, les images sont magnifiques. Montand lit le texte. En fait, quelle que soit la personne qui parle, on a toujours l’impression que c’est la voix de Chris Marker lui-même.

Hassan Terro, film de Lakhdar Hamina. Capture Algerian Channel.


Parmi les films exceptionnels, il y a aussi
Hassan Terro. Film de 68, mais c’est un des premiers de l’Algérie libre. Et surtout il y a toute une série de choses qui se croisent. Sans Lakhdar-Hamina, Costa-Gavras n’aurait pas fait Z. C’est ce que raconte l’épisode 1 du Siècle de Costa-Gavras. Costa n’a pas pu tourner en Grèce, bien sûr. L’assassinat du député Grigoris Lambrakis racontée dans le film a eu lieu en 63. Costa le réalise en 67, c’est donc tout récent. Jacques Perrin connait Lakhdar-Hamina, qui arrive à convaincre le gouvernement algérien de laisser et même de soutenir le film de Costa. Donc il y a des choses croisées, je trouve ça intéressant…

Et je voulais Docteur Folamour, le Kubrick. Il est de 64, mais correspond trop à l’impression que l’on a actuellement de l’Amérique de Trump et Musk. Kong à cheval sur la bombe atomique !

En ce qui concerne l’Algérie, il y a directement Vautier, Goupil, Cavalier, Faucon.

Ça va de soi. La fille de Vautier sera là. C’est grâce à elle qu’on a les films de son père. Avoir 20 ans dans les Aurès et La bataille d’Alger, de Pontecorvo, ont tous les deux été interdits pendant longtemps. Ce n’est pas rien !

Claire Simon en 2023. Photo YanRB-Wikipedia


Et pour le prix Jean Zay, Claire Simon. Comment s’est fait le choix ?

En fait, c’est une sorte d’envie. On a eu plusieurs personnes en tête. On choisit des cinéastes qui sont encore en activité. Par exemple il avait été question d’Agnieszka Holland qui malheureusement n’était pas libre. Mais peut-être l’an prochain… Claire Simon, on y pensait depuis longtemps. Il y avait une sorte d’évidence. On aime (“on”, c’est Antoine de Baecque et Michel Ferry, plus quelques autres, dont Myriam Ferry, Hélène Mouchard Zay, NDLR) beaucoup ce qu’elle fait. Et quand on réalise l’importance de son regard sur la société, sur l’État qui nous gouverne, c’est super intéressant.

Nathalie Baye dans Les bureaux de Dieu, de Claire Simon. Photo Shellac


Les bureaux de Dieu, son film phare sur le planning familial, qui passe lors de la remise du prix. Rien que pour le titre… On l’a reçue plusieurs fois. On aime la manière qu’elle a de secouer le cocotier. C’était moins facile que Margarethe von Trotta. Mais c’est très politique aussi. Donc là, il y a eu évidence. La manière dont elle regarde inlassablement la société. Elle a sorti un film il y a quelques semaines, Apprendre. Ses films ne font pas consensus. Elle ne met pas tout le monde d’accord, d’où l’intérêt.

Le jour le plus long

En pré-ouverture du festival, projection du monument hollywoodien le lundi 3 mars au cinéma les Carmes, à 19h.

Le jour le plus long. Capture bande annonce.

12 millions d’entrées en France. Quatre réalisateurs. Des acteurs incroyables : Jean-Louis Barrault, Bourvil, Arletty, Pauline Carton, Georges Wilson, John Wayne, Henri Fonda, Sean Connery, Richard Burton, Robert Mitchum, Mel Ferrer, Rod Steiger, Gert Fröbe, Curd Jürgens, 2 000 soldats français.

Soirée en présence d’Antoine de Baecque, délégué général du festival.

Séance précédée d’un cocktail.

Complément d’informations et réservations sur le site des Carmes.

Commentaires

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    • Le ministre de l’Education nationale d’alors Pap N’Daye, avait annoncé sa venue pour la remise du prix Jean Zay lors de l’édition 2023 avant de finalement renoncer.

  1. “Il y a un ou deux Rocha disponibles, mais qui ne sont pas de 62.”

    C’est curieux, parce qu’à la Cinémathèque, rue de Bercy à Paris, il y a du 13 au 21 mars, une rétrospective Glauber Rocha, avec une douzaine de ses films, dont pour l’année 1962, “Barravento” : 1 heure 20 / VOSTF / version restaurée et numérisée.

    Il s’agit du portrait d’une communauté de pêcheurs afro-brésiliens sous le joug d’un mysticisme tragique.

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