Sous pression budgétaire, les départements n’en finissaient plus de s’alarmer des économies imposées par le projet de loi de finances 2025. Pour calmer la gronde, ils ont obtenu un levier fiscal : la hausse des droits de mutation à titre onéreux. Une maigre consolation que les départements ont malgré tout rapidement saisie.
Plusieurs départements de la région ont acté une hausse des droits de mutation à titre onéreux. Photo Magcentre
Par Mael Petit.
Enfin un peu d’air pour les départements ? Avec l’adoption début février du projet de loi de finances 2025, les collectivités territoriales ont gagné en visibilité. Si l’effort budgétaire exigé par l’État a été revu à la baisse, passant de 5 milliards sous Barnier à 2,2 milliards d’euros avec Bayrou, les départements eux ont surtout obtenu un levier fiscal pour faire passer la pilule ou plutôt une croquette cédée à la volée pour calmer la grogne : la possibilité d’augmenter les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), vulgairement appelés « frais de notaire ».
Pas de quoi sauter de joie, mais faute de mieux, les départements ont rapidement saisi l’opportunité en rehaussant ces droits au nouveau plafond autorisé, passant de 4,5 % à 5 %. Une course contre-la-montre s’est alors engagée : pour appliquer cette hausse dès avril 2025, il fallait voter avant le 28 février pour ne pas risquer de s’asseoir sur un mois de recettes supplémentaires. C’est pourquoi ces dernières semaines ont vu défiler une série de « séances exceptionnelles » dans les conseils départementaux partout en France. Mi-février, le Conseil de Paris, qui dispose aussi de compétences départementales, a ouvert le bal. Alors, de nombreuses collectivités ont suivi le mouvement, 50 % d’entre elles étant en situation de « fragilité extrême », déplore l’Assemblée des départements de France.
En région Centre Val de Loire, déjà trois départements ont rehaussé officiellement ce passage de 4.5 % à 5% : l’Eure et Loire, le Loiret et le Loir-et-Cher. Christophe Bouquet, rapporteur général du budget du Loiret, justifie cette décision par la pression financière qui asphyxie les départements. « Cette hausse nous offre une bulle d’oxygène, mais elle ne suffira pas à résoudre nos difficultés », prévient-il. Une manne financière somme toute relative puisque soumise au dynamisme du marché immobilier. Le Loiret rêve ainsi de récupérer 7 millions d’euros sur une année pleine, contre 5 millions pour l’Eure-et-Loir et 2 millions pour le Loir-et-Cher. Malgré tout, cette mesure a eu le mérite de rassembler : dans un contexte d’austérité budgétaire, elle a été adoptée à l’unanimité par les différentes assemblées. Ce qui devrait également se vérifier dans le Cher qui, malgré un retard à l’allumage, a prévu de se réunir dans les prochaines semaines afin de passer lui aussi à 5% dans l’espoir de gratter quelques deniers supplémentaires. Une stratégie que devrait adopter l’Indre-et-Loire, où sa présidente Nadège Arnault multiplie les cris de désespoir à destination du gouvernement sur sa situation financière, alors que le département présente ses orientations budgétaires ce vendredi 7 mars.
L’Indre joue la carte de l’attractivité
Seule exception régionale – voire à l’échelle nationale – l’Indre, qui persiste et signe en maintenant son taux à 3,8 %, alors que la quasi-totalité des départements a déjà franchi le cap des 4,5 % depuis 2015. Une stratégie assumée par Marc Fleuret, président du département, qui voit dans cette stabilité un atout pour attirer des habitants et investisseurs : « Tant qu’on peut le faire, autant garder un avantage fiscal. C’est un argument d’attractivité pour notre territoire rural », déclarait-il au micro d’Europe 1. Il est vrai qu’il ne faudrait pas refroidir les quelques âmes tentées par une installation sur un territoire qui continue de perdre des habitants. Cette décroissance démographique propre à l’Indre n’aidant pas, le gain d’une rehausse des dmto dans le sud-Berry s’avérerait assez marginal. Un choix qui fait figure d’exception dans un paysage où presque tous les départements en France, ou presque, ont activé ce levier fiscal dès qu’ils en ont eu l’opportunité. Mais le département de l’Indre peut voir venir, loin d’être le plus mal loti sur le plan financier, « grâce à une gestion à la papa » confie un élu, ce qui aujourd’hui le distingue de ses homologues.
Les primo-accédants exemptés
Si cette hausse est une bonne nouvelle pour les finances des départements, elle l’est un peu moins pour les acheteurs. Même si avec 500 euros de plus par tranche de 100 000 euros, l’impact reste mesuré. « Je ne pense pas que cette hausse puisse être rédhibitoire sur un passage à l’achat », rejette Christophe Bouquet. Pas de quoi faire capoter un projet immobilier, mais une dépense de plus à intégrer dans le budget, alors que les taux d’intérêt restent élevés et que le marché immobilier peine à reprendre des couleurs. C’est ce que dénoncent en tout cas les professionnels du secteur, et notamment la Fédération Nationale de l’Immobilier (Fnaim) qui regrette que le logement soit une fois de plus utilisé comme « variable d’ajustement budgétaire ». Une exonération pour les primo-accédants est en outre évoquée pour les biens inférieurs à 250 000 euros, mais les contours restent flous comme le soulignait le président de Loir-et-Cher Philippe Gouet. Les départements attendent encore des précisions sur qui pourront réellement en bénéficier et sous quelles conditions.
Bien que cette augmentation des DMTO soit annoncée temporaire, avec une échéance fixée au 31 mars 2028, difficile de ne pas en douter dans un pays où les taxes provisoires ont souvent vocation à durer. La situation n’a pas manqué de relancer d’ailleurs un débat plus large sur le financement des prestations de solidarité, notamment les dépenses liées à la protection de l’enfance qui prennent à la gorge les départements. « Il faudra bien un jour entamer une discussion sur ce sujet. La situation devient intenable alors qu’elle va s’aggraver. Il y a clairement un désengagement de l’État qui fait supporter aux collectivités ses inconséquences », s’agace Marc Gaudet, président du Loiret. En attendant les collectivités vont devoir colmater les brèches avec des hausses de fiscalité si tant est qu’elles puissent en trouver.
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