« A Real Pain » mais un vrai rire aussi

Jesse Eisenberg exploite le filon du voyage de mémoire en créant deux cousins revenant sur les traces de la Shoah. Couple disparate mais bons spécimens américains, ils rigolent mais restent muets à Majdanek. Comédie dramatique, le film plaisant reste à la surface de l’Histoire mais témoigne d’un beau savoir-faire d’un ancien acteur passé réalisateur.

David (Jesse Eisenberg, également réalisateur) et Benji (Kieran Cilkin). Capture écran bande annonce.

David (Jesse Eisenberg, également réalisateur) et Benji (Kieran Culkin). Capture écran bande annonce.



Par Bernard Cassat.


Ils sont deux cousins, juifs et profondément américains. Leur grand-mère commune était une rescapée de la Shoah, juive Polonaise arrivée à New York après l’enfer. Décédée il y a quelque temps, les deux cousins utilisent l’argent qu’elle leur a laissé pour faire le voyage de mémoire en Europe. Des voyages désormais extrêmement organisés.

Les pitreries de Benji devant l’entrée du ghetto de Varsovie. Capture bande annonce.


David (Jesse Eisenberg, le réalisateur) et Benji (Kieran Culkin) étaient très proches dans leur enfance. Ce sera l’une des dynamiques du film, cette relation profonde de deux cousins qui ont évolué différemment. David vend des bannières de pub sur le net, Benji est moins pointu. Il reste même carrément flou sur sa situation, mais son charisme et son énergie séduisent tout le monde. Alors que David, plus coincé et superficiel, ne fait pas d’effet sur les autres. Il va être jaloux de l’aisance sociale de son cousin, de sa franchise et de son pouvoir de séduction. Benji par ailleurs dissimule un malaise profond. Mais c’est, aux yeux des autres membres du petit groupe de voyage, un homme intéressant et attirant, même s’il va toujours un peu trop loin.

Petit déjeuner sans le groupe. Capture bande annonce.


Le groupe se présente plutôt bien. Une femme mûre et seule après un divorce et une vie en impasse au soleil de la Californie. Un couple très ordinaire où c’est la femme qui parle, et un noir étonnant nommé Eloge, un Tutsi rescapé lui aussi et converti au judaïsme. Le film suit pas à pas le groupe à son arrivée à Cracovie. Puis les visites touristiques en Pologne, avec l’inévitable cimetière juif. Séquence totalement attendue qui ne dénote pas. Film de voyage organisé plus que road movie comme annoncé par beaucoup de commentaires. Avec un guide polonais diplômé d’Oxford. Autour de la sculpture à la mémoire du ghetto, Benji commence ses pitreries que l’on voit faire par tous les touristes du monde. Toute cette partie du film, terriblement américaine, ne prend vraiment sa profondeur que pendant le repas. Benji révèle à la fois ses insupportables provocations et sa profonde blessure. Il y a autour de cela une ambiance feutrée à la Woody Allen, même dans les types de discussions ou dans des discussions comme celle qui a lieu dans le train.

La visite du camp de Majdanek. Capture bande annonce.


En revanche, la visite du camp de Majdanek, à côté de la ville de Lublin, but du voyage et clou du film, remue par sa sobriété. Jesse Eisenberg a choisi de faire simplissime mais puissamment expressif. Le groupe déambule dans les allées, entre dans les baraquements, tourne autour de l’immense mausolée de cendres. Plans plutôt larges, à la mesure de l’horreur que contiennent ces lieux. Silence quasi intégral, images se cantonnant au strict nécessaire mais couvrant tous les aspects de ce qui est encore visible. Cette séquence est profondément réussie.

Un pétard sur le toit de l’hôtel. Capture bande annonce.


Ces deux grands ados tombés de l’Histoire (à un moment, au milieu d’une cité très stalinienne, Benji rappelle que c’est là qu’ils auraient dû grandir) sont à la fois touchants et agaçants. Seule la visite du camp et le plan final, qui reprend celui du début, installent une vraie profondeur, un mystère, une inquiétude. Tout comme le personnage d’Eloge.

La vraie douleur (A Real Pain) est historique. Le film relève plutôt d’un petit chagrin. Ça aurait pu être plus inventif, plus pétillant, plus profond, mais on rit et on se pose, en termes légers, la question de la mémoire.


Plus d’infos autrement :

When the Light Breaks : des jeunes, un deuil, une profonde vision de l’Islande

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