Le jeudi 20 février 2025, la proposition de loi (PPL) visant à protéger la population des risques liés aux substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (PFAS) a été adoptée en deuxième lecture par l’Assemblée nationale. Mais fallait-il interdire ces PFAS, des substances chimiques aux propriétés exceptionnelles et difficilement remplaçables ?
Poêle à crêpe avec un revêtement anti-adhésif (cliché Pixabay)
Par Jean-Paul Briand.
Les PFAS appartiennent à une famille de composés synthétiques découverts dans les années 1950, caractérisés par des liaisons chimiques carbone-fluor extrêmement stables. Cette stabilité innée confère aux PFAS une résistance aux hautes températures ainsi que des propriétés hydrophobes (repoussant l’eau) et oléophobes (repoussant les graisses).
Une présence omniprésente dans les produits manufacturés
Les PFAS sont utilisés dans une multitude de produits industriels et de consommation courante. L’industrie textile les emploie pour leurs propriétés imperméabilisantes et anti-taches, appliquées aux vêtements, tapis, tissus d’ameublement et revêtements industriels. Dans le domaine culinaire ils sont utilisés comme agents antiadhésifs et anticorrosion pour les ustensiles de cuisine. On les retrouve également dans les produits de nettoyage, les shampoings et les cosmétiques pour leurs propriétés hydrofuges. Leur résistance aux graisses est exploitée dans les emballages alimentaires, notamment ceux des fast-foods, ainsi que dans les sacs en papier contenant des produits gras. Leur résistance thermique est mise à profit dans les mousses anti-incendie pour les feux d’hydrocarbures. Dans le secteur médical les PFAS sont présents dans les dispositifs médicaux implantables, les produits de traitement des plaies, les cathéters, certaines lentilles ophtalmiques ou intraoculaires, ainsi que dans les médicaments et leurs conditionnements.
Des « produits chimiques éternels » aux conséquences alarmantes
Cependant les propriétés remarquables des PFAS ont un revers de médaille préoccupant. Leur résistance chimique et thermique les rend pratiquement indestructibles, ce qui leur vaut le surnom de « produits chimiques éternels ». Ils s’accumulent dans les sols, l’eau, l’air et les tissus organiques, tant chez les humains que chez les animaux et les plantes. Aujourd’hui, on recense environ 12 000 composés de cette famille de polluants persistants. Cette pollution environnementale systémique est en pleine expansion et s’accompagne de conséquences potentiellement graves pour la santé.
Des risques sanitaires avérés
Les connaissances scientifiques sur la dangerosité des PFAS étaient initialement limitées mais des études internationales ont progressivement mis en lumière leurs risques pour la santé. L’exposition aux PFAS a été associée à divers problèmes de santé, notamment des maladies du foie et des reins, des perturbations hormonales, des troubles du système immunitaire, une augmentation du cholestérol et un risque accru de certains cancers (rein et testicules). En décembre 2023, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a classé deux PFAS comme particulièrement préoccupants : l’acide perfluorooctanoïque (PFOA) a été classé comme « cancérogène pour l’Homme », tandis que l’acide perfluorooctanesulfonique (PFOS) a été classé comme « peut-être cancérogène pour l’Homme ».
Une loi nécessaire, mais partielle
Face à ces enjeux sanitaires et environnementaux, l’adoption de la PPL présentée par le député écologiste Nicolas Thierry marque une étape importante. Adoptée à l’unanimité le 20 février 2025, cette loi vise à limiter les risques liés aux PFAS. Cependant certaines exemptions ont été introduites : les ustensiles de cuisine, les emballages alimentaires et les mousses anti-incendie ne sont plus concernés par les interdictions initialement prévues. De même les chaussures et vêtements de protection destinés aux pompiers et aux forces de police bénéficieront de dérogations.
Une victoire à nuancer
Si cette loi représente une avancée significative pour les écologistes, la vigilance reste de mise. Les décrets d’application à venir pourraient en limiter la portée et les lobbies industriels continuent de militer pour obtenir davantage d’aménagements. La lutte contre les PFAS est donc loin d’être terminée et il sera crucial de surveiller les évolutions législatives et réglementaires pour garantir une protection efficace de la santé publique et de l’environnement…
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