Vers une recrudescence inquiétante des actes LGBTIphobes en Centre-Val de Loire ?

Alors que nous assistons ces dernières années à une hausse de la visibilité des personnes LGBTQIA+, les violences et discriminations à leur encontre sont en augmentation, tendance directement en lien avec la montée de l’extrême droite. Mais qu’en est-il réellement en Centre-Val de Loire ?

"Que vivent les drags" Collage féministe aperçu dans les rues d'Orléans. Crédit : Jeanne Beaudoin.
« Que vivent les drags », collage féministe aperçu dans les rues d’Orléans. Crédit : Jeanne Beaudoin.


Par Jeanne Beaudoin.


La cérémonie d’ouverture des JOP de Paris, l’été dernier, l’a illustré : la scène drag est en plein essor. Dans la région Centre-Val de Loire aussi, les drags shows se multiplient, tout comme les associations qui viennent en aide aux personnes LGBTQIA+. Lady Mac’rel, drag queen orléanaise, explique que le drag show est en pleine progression : « Il y a de plus en plus de soirées, mais les gens ne sont pas habitués. Ils en voient de plus en plus et ça ne plaît pas, on ne va pas avec leurs pensées et ce qu’ils veulent voir ». La présidente de l’association Drag’O ajoute : « Le fait que ça devienne plus visible, c’est une forme de lutte ». Et il est nécessaire de lutter. 

Hausse de la visibilité des personnes queers

Les associations et collectifs queers se multiplient dans la région. On retrouve les associations classiques qui défendent les droits des LGBTQIA+ : le GAGL 45 à Orléans depuis 1990, le Centre LGBTI+ de Tours depuis 2006, le Centre LGBTQIA+ du Berry depuis 2021 et sera bientôt ouverte l’association de Lutte Contre l’Homophobie à Châteauroux. Mélanie Rocher, présidente du GAGL45 aimerait créer du lien entre ces associations afin de proposer des actions régionales. 

Parallèlement, face au manque d’intersectionnalité dans ces associations, l’Organisation de Solidarité Trans a été créée en 2021, association qui était à la base tourangelle, mais qui s’est nationalisée depuis. Une antenne a notamment ouvert à Orléans. Enfin, les drags ont aussi monté leurs collectifs / associations, plusieurs soirées ont été organisées depuis 3 ans et, à Orléans, chacune rencontre un grand succès et affiche complet. Les acteur-ices queers de la région sont ainsi de plus en plus nombreux et donc, de plus en plus visibles.

La Quinoa. Crédit : Cédric Odet.

Agression de drags queens rue de Bourgogne

En parallèle de cette hausse de visibilité, les actes LGBTIphobes se multiplient. On peut tout d’abord citer l’agression qu’ont subie trois drags queens à Orléans en décembre dernier. Alors qu’elles sortaient d’un « show », un groupe de jeunes les ont suivies, insultées puis en sont venus aux mains. L’une d’elles s’est retrouvée au sol à deux reprises. La Quinoa, drag queen présente lors de cette agression, témoigne : « Les gens sont sortis de chez eux, à leur fenêtre, se sont mis à leur balcon, il y a une petite troupe qui s’est formée autour de nous. On hurlait, tout le monde voyait bien qu’on se faisait frapper. Les gens n’ont pas bougé ! Et je trouve ça terrifiant ».

Si elles ont ensuite pu se réfugier dans un bar puis porter plainte, la peur d’une nouvelle agression demeure depuis. Lady Mac’rel, également présente ce soir-là, regrette ce climat pesant, où la menace semble omniprésente. « C’est chiant de ne pas pouvoir vivre tranquille sans peur, car partout où on sort, on n’est jamais tranquille, on n’est pas en sécurité. Encore moins quand on est en drag ».

Attaque du Centre LGBTI de Tours 

Il y a deux ans également, le Centre LGBTI de Tours a été vandalisé. Tout d’abord, l’agresseur a cassé une vitrine, puis une deuxième deux semaines plus tard. Avant de s’en prendre à la porte et à la boîte aux lettres. « Le final, c’est la bouteille explosive dans nos locaux. Il a ouvert discrètement la porte et a jeté une bouteille artisanale à l’intérieur du local », se rappelle Ash, bénévole du Centre. 

La personne a été retrouvée et est en attente de son procès. Son excuse : elle n’est pas d’accord avec l’action de l’association qui se rend dans les collèges et les lycées parler d’homosexualité et d’identité de genre. La sécurité du local a depuis été consolidée : vitres renforcées, caméras ou encore entrée sécurisée par badge. Les membres de l’association, choqués après cette attaque, ont décidé de ne pas fermer pour ne pas plier devant ce genre de discours. 

Une banalisation des actes LGBTIphobes ? 

Dernier exemple, les associations constatent une hausse des insultes lors des interventions scolaires. Mélanie Rocher explique que deux élèves, l’année dernière, ont insulté leurs intervenant-es, ce qui n’était pas arrivé depuis des années. « Les personnes sont de plus en plus radicales », souffle-t-elle. Même constat pour Ash, à Tours : « Avant, les établissements faisaient appel à nous, mais pas forcément parce qu’ils avaient des exemples concrets de discrimination. C’était plus dans une volonté d’éduquer à la différence et à vivre en tant que citoyen-ne. Mais là ils ont de plus en plus de cas concrets d’homophobie et de transphobie ». 

Alizée Shane, également drag queen à Orléans, aimerait que l’art du drag puisse exister en dehors de toute dimension politique. Pour ce faire, elle a créé sa soirée : la Spicy Queens, un « show à l’américaine avec de la pyrotechnie, deux danseurs, des jeux de lumière et de la fumée, ça va être ouf ! » s’enthousiasme-t-elle. Et effectivement, sa première soirée a affiché complet, une deuxième édition est déjà prévue en mai. Pourtant, bien qu’elle affirme que ses soirées n’ont aucune visée politique, elle reste consciente des actes discriminatoires et insiste sur le fait qu’être queer « ne mérite pas de se prendre des coups dans la gueule ».

Marche des Fiertés. cl Marie Line Bonneau

Un sujet politique ? 

D’autres estiment, au contraire, que ce sujet est profondément politique et s’inscrit dans l’actualité, notamment aux Etats-Unis : « Trump est en train de mener une guerre contre les personnes trans, en les excluant de l’armée, en interdisant les transitions, en les menaçant d’exclusion », explique Ash. Une pression qui se ressent jusque dans la région puisque le GAGL45 d’Orléans comme le Centre LGBTI de Tours, reportent un nombre croissant de demandes d’asile des personnes trans états-uniennes. Et si les Etats-Unis mènent une guerre effrénée contre les personnes trans, ce n’est jamais un bon présage pour ce qui est de l’actualité en France. Surtout que depuis quelques années, le RN gagne de plus en plus de sièges et en influence. Des personnalités d’extrême droite comme Zemmour véhiculent des discours discriminants qui participent à une désinhibition des violences. 

Quoiqu’on en pense, sortir de la norme est politique, être LGBTI est politique. C’est le discours que porte la drag Lady Mac’rel. « Pour nous, c’est important de porter des revendications, on exprime qui on est et ce que l’on veut. Quand on est drag on a, à notre échelle de popularité, une parole. On est sur scène, face à un public, les gens sont là pour nous donc on peut exprimer ce que l’on pense. Surtout qu’on est une minorité, on subit beaucoup de discriminations, c’est important de montrer notre soutien à notre communauté et d’essayer de tout faire pour que ça change ».

Le triangle rose ne doit pas être oublié

D’autant que cela ne vous a sans doute pas échappé, Elon Musk a fait un salut nazi devant la terre entière très récemment. Et LGBTI et nazis ne font pas bon ménage. La Quinoa a créé une performance autour du triangle rose, symbole attribué aux homosexuels dans les camps de concentration tenus par les nazis. Un symbole de mort. Beaucoup semblent avoir oublié le lien direct entre nazisme et LGBTIphobie. La Quinoa, lors de sa performance, rappelle que « c’était à la mode au siècle dernier, mais ça risque de revenir ». Inquiète, elle souligne que seules quelques personnes connaissaient la symbolique. Elle conclut tristement qu’il y a une vingtaine d’années, afficher des idées d’extrême droite était tabou, alors qu’aujourd’hui on peut en parler librement.

Lady Mac’rel. Crédit : Thimothée Leprince

Des solutions ? 

Face à ce sombre tableau, il est possible de lutter. C’est ce que font sans relâche les associations et collectifs cités précédemment. Une des solutions apportée par les associations, ce sont les interventions en milieu scolaire. Elles permettent, d’après Ash, de montrer aux jeunes qu’ils peuvent avoir des comportements discriminants ou des stéréotypes ancrés en eux par le contexte social ou familial. L’objectif est de les déconstruire et de favoriser un climat respectueux pour les personnes LGBTI dans les écoles. Pour aller encore plus loin et toucher plus de monde, Mélanie Rocher propose d’humaniser ces échanges. « Il faudrait faire du porte-à-porte pour en parler plus largement ». Parallèlement, les Marches des Fiertés organisées dans la région comptent toujours plus de monde : 2 000 personnes à Orléans, 5 000 à Tours, 1 000 à Bourges ou encore 750 à Blois. 

Financements toujours trop faibles

Mais pour agir concrètement, il faut des financements. Les budgets sont maintenus pour l’instant par la région, notamment celui des Cap’Assos qui permettent au GAGL45 et au Centre LGBTI de Tours d’employer des salariés. Cependant il faudrait plus de moyens pour élargir les actions. Le GAGL aimerait étendre ses permanences à Gien, à Pithiviers ou à Montargis, mais n’en a pas les moyens. De même pour le Centre LGBTI de Tours qui se limite à l’agglomération de Tours. Ces associations ne peuvent avoir un champ d’action que dans les grandes villes, laissant le reste du territoire isolé. Autre limite, ces associations dépendent des bénévoles. Or, Mélanie Rocher affirme que l’on est dans une période de crise du bénévolat et déplore des difficultés à recruter. 

Ash aspire vouloir maintenir toutes les actions, mais cela risque d’être difficile. « C’est contradictoire, il y a une recrudescence des LGBTIphobies et des actes discriminatoires en général, il devrait y avoir plus de moyens alloués, mais ça n’est pas le cas ». Ces associations dépendent du bon vouloir des pouvoirs publics. D’autres associations comme l’OST ont décidé de ne pas dépendre des financements de l’Etat et, pour cela, s’autofinancer.


Plus d’infos autrement : 

Hystéries tourangelles autour de lectures pour enfants

Commentaires

Toutes les réactions sous forme de commentaires sont soumises à validation de la rédaction de Magcentre avant leur publication sur le site. Conformément à l'article 10 du décret du 29 octobre 2009, les internautes peuvent signaler tout contenu illicite à l'adresse redaction@magcentre.fr qui s'engage à mettre en oeuvre les moyens nécessaires à la suppression des dits contenus.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

Centre-Val de Loire
  • Aujourd'hui
    • matin 4°C
    • après midi 6°C
  • jeudi
    • matin 3°C
    • après midi 7°C
Copyright © MagCentre 2012-2025