When the Light Breaks : des jeunes, un deuil, une profonde vision de l’Islande

Avec When the Light Breaks, Rùnar Rùnarsson choisit le thème du deuil pour dresser un portrait de la jeunesse de son pays. Dans un cinéma très esthétique, presque expérimental, il nous propose sa vision artistique d’une Islande rude et austère. Film taiseux, les sentiments sont enfouis mais pas absents. Son actrice crève l’écran dans ce remarquable travail d’un cinéma assez méconnu.

L’extraordinaire Elin Hall dans le rôle de Una. Photo Sophia Olsson



Par Bernard Cassat.


Ça commence le soir au coucher du soleil, ça finit le lendemain soir au coucher du soleil. Entre les deux, When the Light Breaks de Rùnar Rùnarsson dresse un portrait d’Una, une jeune femme qui finit son école d’art, mais aussi celui d’une jeunesse islandaise et de son environnement dans une forme esthétique recherchée, presque maniérée. De grandes séquences qui prennent leur temps et qui s’attachent à des lieux emblématiques du pays. Loin d’explications psychologiques, les personnages n’ont pas de passé, pas d’histoire. Rùnar suit au plus près Una, la cadre souvent très rapprochée, reste sur elle dans des plans silencieux où tout passe par le regard.

Des décors graphiques importants. Capture bande annonce.


La première séquence de soleil couchant, au bord de la mer, sur des rochers sombres, ne nous livre pas Una tout de suite. Elle est seulement une silhouette, et son ami aussi. Dans une image très graphique, aux masses contrastées du presque noir à la lumière intense, se joue l’amour qui lie ce couple sans qu’on en sache plus. Naissant, profond, sérieux, passade ? On ne sait. Ça se précise plus tard, en intérieur, au lit. Sans rien montrer, mais par une recherche visuelle poussée, on saisit la profondeur qui les lie.

C’est vraiment la signature de cet artiste. Il colle à ses personnages, surtout à Una. Il scrute son visage, trouvant des arrières plans qui construisent une image esthétiquement réussie, la couleur des draps en accord avec les taches de rousseur, un fond de graphes colorés et violents quand elle est assise sur des marches de fer, des vitres d’un bâtiment moderniste qui renvoient des reflets, des images d’elle démultipliée.

Avant la catastrophe. Capture bande annonce.


La narration, jamais explicite, avance à son rythme. La grande séquence de lumières d’autoroute, qui guident vers la catastrophe, très mystérieuse avant qu’elle n’aboutisse, ne prendra tout son sens qu’avec celle de la fin du film, qui reprend en écho les reflets réguliers du soleil couchant sur les vagues. Là aussi on est en plein dans l’écriture de Rùnar, dans ses minutieuses constructions visuelles d’une grande maîtrise. Mais la narration, c’est aussi le tunnel en feu qu’on ne voit qu’un instant, les cellules d’information de la population mises en place. Le collectif donc, et dans ce collectif le cas particulier d’Una qui a perdu son amour. Entourée de ses amis qui étaient aussi les amis du disparu. Ils ne cessent de se prendre dans les bras, de se faire des câlins, de se tenir. De fumer, de boire aussi. Pour dépasser l’instant. Tenter de contenir la douleur du deuil par l’oubli de l’alcool, la transe de la danse.

Deux femmes en deuil. Photo Compass Film.


Et puis la relation d’Una avec l’ex copine de son amoureux apporte un contenu auquel se rattacher. La grande séquence devant la cathédrale si remarquable de Reykjavik scelle leur acceptation réciproque et la naissance de leur amitié. Au béton immense et à la place totalement minérale devant la cathédrale répondront les images finales de ces deux femmes dans un lit, ces deux visages assez opposés, Una fine aux yeux incroyablement intenses, l’amie plus ronde, enveloppée dans les draps bistre pour une image de profonde intériorité.

Une formidable actrice

C’est la force du film, mais c’est aussi sa faiblesse. Bien que court (1h22), le contenu semble par contre trop dilué. D’ailleurs le réalisateur le prévoyait au départ en court métrage. Le parti-pris de ne rien expliquer laisse un peu trop de champ d’interprétation. Par exemple tous ces personnages déguisés en lutins, croisés dans la rue ou dans le car. On se demande vraiment quel symbole ils portent.

Elin Hall, Una dans le film, est absolument fascinante. Heureusement, parce qu’elle occupe tout l’écran. Visage qui peut symboliser l’Islande, un mélange de froide beauté et de feu qui couve, une ambiguïté fondamentale entre beauté et étrangeté, entre punk et journal intime. Le regard de Rùnar augmente ces traits. En la regardant, il voit aussi son pays, qui reste toujours aussi mystérieux. Mais il nous en donne des images. De très belles images.

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