L’Agglomération montargoise a signé une convention avec l’association Aéro Biodiversité, afin d’obtenir le label Aérobio pour l’aérodrome de Vimory, près de Montargis. Au-delà de l’opération de communication, Magcentre a souhaité savoir quels sont les projets pour cet aérodrome. Ce fut le début d’une quête à l’information qui aurait dû être simple, mais se révéla longue et compliquée.
Parmi les diverses activités présentes sur cet aérodrome, le centre de formation au pilotage compte une quarantaine d’élèves – photo Izabel Tognarelli
Par Izabel Tognarelli.
Depuis Montargis, l’accès à l’aérodrome de Vimory est d’une facilité déconcertante : un petit coup de volant et hop, on y est. Quant à effectuer le trajet à vélo, comme le voudrait l’air du temps, il y a encore de la marge : le temps de notre bref parcours à bord de notre menue citadine, les autres véhicules nous ont sifflés aux oreilles, les rétroviseurs se sont frôlés : ça se passe comme ça, sur nos routes départementales, les automobilistes sont pressés, pressés, pressés… Clignotant, petite rue à droite, cet élément du paysage n’a pas changé : l’entrée de l’aérodrome se fait toujours par une petite rue bordée par le mur de pierre – mangé par le lierre – d’une maison abandonnée. Cette rue dite « du Préau » se prolonge en une fourche : tout droit, il donne sur un paysage de bocage gâtinais ; à gauche, c’est l’aérodrome, précédé de quelques pavillons, alignés au cordeau. Vu avec des yeux extérieurs, l’endroit est inattendu, « so picturesque », comme diraient nos amis anglo-saxons.
À questions simples, réponses vagues
Cet aérodrome est géré par l’Agglomération Montargoise et Rives du Loing (AME). Régis Guérin est vice-président à l’Agglo, chargé du tourisme. Notre question était simple : « Quels sont les projets de l’Agglo pour l’aérodrome ? ». Mais M. Guérin n’avait pas de réponse à nous apporter dans l’immédiat. Il nous a demandé un délai de deux jours, dont acte : nous le rappelons dans le délai imparti. Deux jours plus tard, il n’a pas davantage de réponses : cela ne fait guère que quelques mois que l’aérodrome de Vimory a rejoint son domaine de compétences lié au tourisme (« Quatre ou six mois, pas plus »), d’où le caractère encore vague de ses connaissances à ce sujet, nous explique-t-il.
De notre côté, nous savons que ce petit aérodrome possède trois pistes, dont une est réservée aux avions. Elle fait un kilomètre. « 1,5 km » nous précise Régis Guérin, du tac au tac. Ah, voilà au moins une précision. Aucune des trois pistes n’est goudronnée ; seule une des bretelles d’accès à la piste avions l’est, de façon partielle. Quelle est l’intention de l’Agglomération ? De goudronner la piste entièrement ? « Je ne peux pas vous répondre ».
Conjuguer activité et zéro artificialisation nette des sols
Entamons un autre sujet : le développement de l’activité autour de l’aérodrome. Pour le moment, elle est matérialisée par une rangée de hangars qui abritent le matériel des diverses associations : ULM, parachutisme, aéromodélisme, planeurs et école de pilotage. Ce centre de formation compte une quarantaine d’élèves qui pour certains deviennent pilotes professionnels. Quelles sont les intentions de l’Agglo ? Attirer d’autres activités ? Cette fois-ci, nous obtiendrons un début de réponse, car au cours de ces deux journées d’intervalle, le vice-président a rencontré Jean-Paul Billault, président de l’AME : « Si j’ai bien compris ce que m’a dit le président d’Agglomération, il me semble qu’aujourd’hui, le Plan d’Occupation des Sols ne permet pas de nouvelles installations de hangars ou de bureaux sur cette zone, sauf à modifier le POS. L’idée, s’il y a de nouvelles demandes de commerce ou d’ateliers, c’est de pouvoir répondre sans être obligés de passer par toute une procédure qui peut être longue et lourde ». Mais qu’en est-il du fameux objectif « zéro artificialisation nette » ? L’élu n’ira pas plus loin sur ce sujet.
Last but not least, qu’en est-il du projet de création d’une nouvelle voie d’accès à l’aérodrome ou bien d’agrandissement de la rue du Préau, la voie existante ? « Vous en savez plus que moi ». Nous voilà bien… Et l’élu de nous proposer de poser nos questions au préalable par mail, afin qu’il puisse nous répondre. De quoi mettre en rage notre rédacteur en chef s’il apprenait que nous avions usé de tels procédés !
La question de l’élargissement de la voie d’accès à l’aérodrome a fait l’objet d’une enquête publique passée sous les radars – photo Izabel Tognarelli
Qu’en dit-on à Vimory ?
Compte tenu du peu d’informations du côté de l’Agglo, revenons à l’échelon du village : comment les habitants de Vimory sont-ils tenus au courant des projets autour de cet aérodrome ? Nous contactons Valérie Bascop, maire de Vimory, par ailleurs vice-présidente à l’Agglo elle aussi. Nous lui demandons si les Vimoriens peuvent se renseigner sur ce sujet en lisant le bulletin municipal. Sa réponse est sans ambages : « Non ». Mais comment faire quand on est riverain et que l’on se pose des questions ? « À ma connaissance, je n’ai pas de riverains qui me posent des questions. Personne n’est venu toquer à ma porte sur ce sujet ». En tant que maire, comment se tient-elle au courant des projets autour de l’aérodrome installé sur sa commune ? « En ce qui me concerne, pas plus que ce que vous voyez dans la presse ». Mais de préciser : « Étant donné que je n’ai pas de compétences sur l’aérodrome, je ne peux pas donner davantage d’informations que ce que vous avez lu dans la presse. Moi aussi, j’apprends au fur et à mesure lors des conseils communautaires, comme chaque conseiller communautaire ». Notre question sur la voie d’accès à l’aérodrome – création d’une nouvelle voie ou bien agrandissement de l’accès existant – n’obtiendra pas plus de réponse : « Si je ne suis pas au courant, je pense que c’est parce qu’il n’y a pas d’information à donner. S’il y avait du nouveau, je serais au courant ».
Voyons si nous avons plus de chance du côté du voisinage de l’aérodrome. Nous garons notre petite voiture devant une charmante maison gâtinaise. Coup de sonnette et coup de chance, une personne apparaît sur le seuil ; nous lui servons notre sempiternelle question : « Savez-vous quels sont les projets pour l’aérodrome ? ». La réponse fuse : « Ah ben non, et on aimerait bien être au courant ». Au fil de la conversation – et parce que la curieuse attitude des élus nous a poussés à quelques recherches – nous lui demandons si elle a été informée d’une enquête publique sur les projets liés à l’accès de l’aérodrome : les registres étaient accessibles en mairie de Vimory du 12 août au 9 septembre 2024. La maire de Vimory ne nous en a pas touché mot. Habitante de ce village de longue date, Patricia (le prénom a été changé) n’a pas eu cette information. Elle est certainement loin d’être la seule.
Prenons un peu de hauteur, avec un pilote amateur
Pour finir, nous nous tournons vers Pierre (le prénom a été changé), pilote amateur. Il connaît ce petit aérodrome depuis très longtemps. Il argumente l’intérêt d’une mise en dur pour la piste destinée aux avions : « Sur une piste non goudronnée, il peut y avoir des trous, des ornières, on peut ne pas voir un éventuel petit objet sur la piste ni les différences de niveaux de sol. Du point de vue de la sécurité, une piste en dur, c’est important. Cela permettrait aussi d’envisager une aviation d’affaires et d’avoir une utilisation plus poussée qu’elle ne l’est aujourd’hui : nous sommes réduits au tourisme et aux loisirs purs et durs. Ensuite, il y a la question de l’accessibilité à l’année : actuellement, après des épisodes pluvieux importants, nous sommes obligés de fermer la piste pendant plusieurs jours, plusieurs fois par an ». Tant qu’il s’agit d’activités de loisirs, ces fermetures sont d’une importance relative, mais il nous demande d’envisager l’intérêt de l’aérodrome au-delà, et de le considérer du point de vue de son intérêt stratégique : « Quand on traverse la France, on peut s’arrêter sur cet aérodrome pour une escale de maintenance ou un ravitaillement d’essence. Il peut aussi servir aux exercices militaires. Les aérodromes de Montargis, Pithiviers, Briare ainsi que l’aéroport d’Orléans constituent un maillage important ».
Un décor qui reste immuable au fil du temps – photo Izabel Tognarelli
Objectif label Aérobio !
L’Agglomération montargoise a signé une convention avec l’association Aéro Biodiversité. Installée en Essonne, cette association intervient sur les aérodromes et aéroports partout dans l’Hexagone, mais aussi en Corse, afin d’évaluer, améliorer et faire connaître la biodiversité aéroportuaire. En région Centre-Val de Loire, elle intervient déjà sur les aéroports d’Amboise-Dierre, Blois-Le Breuil, Châteaudun et Tours Val de Loire. Ce dernier a par ailleurs obtenu le label Aérobio, que l’Agglomération Montargoise et Rives du Loing convoite pour la zone aéroportuaire dont elle a la gestion. Cette démarche devrait se révéler intéressante tant le profil des membres du Comité scientifique de cette association laisse envisager des personnes d’un haut niveau de compétences dans leurs domaines professionnels.
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