L’art de vous faire passer deux heures à écouter parler d’un sujet qui vole à mille lieues au-dessus de vos têtes sans vous ennuyer. Le mathématicien pédagogue nous ferait presque aimer l’intelligence artificielle. Démonstration à Châteauroux.
L’avatar de Stéphane capable de discourir dans des langues exotiques. Même le mouvement des lèvres est respecté ! Photo PB
Par Pierre Belsoeur.
Un mathématicien, chef d’entreprise qui déboule en pull, pantalon souple et chaussures de sport et vous annonce qu’il n’a qu’une heure et demie pour vous parler d’intelligence artificielle alors qu’il lui en faudrait dix, ça ne fait pas sérieux. Pourtant, une heure trente plus tard, avant d’attaquer les questions de la salle, vous n’avez pas vu le temps passer. Les stars du stand-up peuvent aller se rhabiller. On ne comprend pas tout, comme face à un magicien, mais avec Stéphane Amarsy ça parait tellement évident que l’on se dit que l’on va peut-être y arriver.
« Vous aider à vous réapproprier le futur »
Le domaine dans lequel évolue Stephane Amarsy, co-fondateur en 2001 d’Inbox, société spécialisée dans le marketing relationnel, le Big Data et les algorithmes, c’est la relation client. Étonnez-vous que dans ces conditions il sache tenir en haleine une salle de 180 personnes, venant du monde de l’entreprise ou étudiants du campus de la CCI de l’Indre.
Stéphane Amarsy, sur la scène de la Cité du Numérique, mercredi, à Châteauroux. Photo PB
La qualité des questions qui ont suivi la démonstration de celui qui a vendu son entreprise pour devenir enseignant-conférencier, a révélé la prise de conscience d’un monde économique dans lequel l’intelligence artificielle n’est plus un gros mot. « Ma mission, c’est d’informer pour vous aider à vous réapproprier le futur », témoigne le matheux qui a dompté depuis longtemps le monstre, mais qui a bien conscience que nous n’en sommes encore qu’au début. Et comme un bon dessin vaut mieux qu’un long discours, on rencontre l’avatar de Stéphane qui discourt sans difficulté en coréen ou d’autres langues improbables, ou bien l’on assiste au jugement « sans faiblesse » de la qualité de la démonstration du conférencier qui échange à bâtons rompus avec son IA domestique.
« On va devoir cohabiter, il faut être acteur et donc apprendre »
Un tour de salle avait permis au conférencier de se faire une idée de son auditoire en demandant d’emblée qui avait utilisé l’IA dans la semaine passée. La forêt de mains s’était éclaircie au fur et à mesure qu’il enquêtait sur des sujets spécialisés de recherche. Curieusement les étudiants n’étaient pas forcément majoritaires. Mais s’il est évident que la génération Z sera prioritairement concernée par le développement de l’IA, à l’horizon 2030 elle fera partie de notre quotidien à tous. Et la vitesse à laquelle progresse cette intelligence, qui se nourrit de tous les apports et se corrige sans état d’âme, va nous conduire vers une remise à zéro. « Le changement sera permanent. On va rebattre beaucoup de cartes et capitaliser sur vos forces. Il va falloir désapprendre, valoriser les qualités humaines. Si vous pensez que tout se passera bien demain vous avez tort », proclame Stéphane Amarsy. Dans les entreprises il faudra donc que les dirigeants soient persuadés de cette nécessité d’évolution, mais qu’ils la mettent en pratique horizontalement.
IA ou réalité ? À la télé suisse (image de gauche) c’est une IA : Jade, qui présente la météo, à la satisfaction générale. Photo PB
« L’enjeu, c’est l’appropriation »
Est-ce que l’IA est dangereuse pour l’emploi ? Elle en fera disparaître, comme chaque révolution industrielle. 59% des salariés seront à former à de nouvelles activités. Mais dans tous les cas il faudra un cerveau humain pour valider les tâches qu’on lui confiera. Car si cette révolution est une affaire de moyens et d’énergie pour alimenter les super data centers, elle a aussi besoin de cerveaux. Et c’est la Chine qui dispose du plus grand nombre d’ingénieurs IA. « En fermant leurs frontières, les Américains sont peut-être en train de se tirer une balle dans le pied », pense Stéphane.
Et l’Europe dans tout ça ? « Je suis très content d’être Européen. Une régulation c’est important. L’UNESCO a essayé de définir un cadre. Les États-Unis et l’Angleterre sont contre. Ce n’est pas le règlement, c’est la taille du marché qui entraine la compétition. Et l’Europe est en train d’en prendre conscience ».
Note : si vous n’avez pas l’occasion de croiser Stéphane Amarsy sur scène, il a écrit deux livres sur le sujet de l’IA « Mon directeur de marketing sera un algorithme » (éditions Kawa.com 28,95€) et « Métamorphose à l’ère de l’Intelligence Artificielle » (Editions The Next Mind 33€).
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