Sillonner les anciens docks et la Joliette complètement transformés, déambuler du MUCEM jusqu’au vieux port ou grimper jusqu’au toit terrasse de l’immeuble de Le Corbusier : la seconde ville de France offre des plaisirs architecturaux atypiques. Le temps d’un week-end ou plus si affinité. (Lire le #1)
Par Bénédicte de Valicourt.
Jour 2

Notre Dame de la Garde©LamyOTCM
Tôt le matin nous longeons la Corniche, pur produit du XIXe siècle, avec ses villas cossues blotties au pied de Notre-Dame-de-La-Garde, la fameuse « Bonne Mère », en pleine restauration, d’où la vue sur la cité phocéenne est imprenable. Une échappée belle sur la Méditerranée rendue une fois par mois aux piétons, un évènement à ne pas rater. Nous passons devant le Cercle des nageurs, une institution de la ville, au-dessus du Vallon des Auffes, discret petit port de pêche en contrebas. Et près de l’Anse de Malmousque et ses jolies ruelles à visiter absolument au passage et à pied. Puis c’est le Prado, ses plages très populaires en été et sa nouvelle marina.
La maison du fada
Direction le 8e arrondissement et « la maison du fada », comme l’ont surnommé les Marseillais, jamais avares de bons mots. Le « fada » en question c’est Le Corbusier, à qui l’on doit la « Cité radieuse », une révolution architecturale toujours aussi appréciée, de 137 mètres de long, 56 mètres de haut et 24 mètres de large. Posée sur 36 pilotis de 8,50 mètres de hauteur en forme de piétements évasés à l’aspect brutaliste. Le fameux architecte l’a conçue comme un village vertical, une nouvelle forme de cité avec tout ce qu’il faut pour vivre sur place. On déambule dans ses larges rues intérieures qui favorisent les rencontres tout en desservant les 337 appartements de 23 types différents, du studio de 32 m² à des 203 m², les plus courants étant de 90 m². Devant chaque appartement dont les portes sont vertes, rouges, jaunes ou bleues, il y a une boite aux lettres jaune, inspirée des immeubles new-yorkais. Avec ses sept doubles étages elle a été conçue pour 1600 habitants, censés pouvoir tout faire sans sortir de l’immeuble. Il y a là une salle de cinéma, un réfectoire et des commerces. Beaucoup sont encore là, même s’il y a eu quelques changements depuis les années 50. Il reste un salon de thé, une librairie, des galeries et un hôtel de 21 chambres encore en activité. Il avait été prévu dès le début par Le Corbusier pour loger les invités des résidents. Il y a aussi un pédiatre et un kiné. Le supermarché par contre a finalement plié bagage en 2009 et le boulanger en 2020.
Au sommet le toit-terrasse, libre d’accès au public, est occupé par la cour de récréation de l’école maternelle du quartier toujours en activité – avec 85 élèves dont un tiers habitent dans l’immeuble – la piscine réservée aux enfants, une piste d’athlétisme et un auditorium en plein air. Le gymnase a été reconverti en 2013 en lieu d’exposition par le designer français Ora-Ïto qui y a installé le Mamo, une fondation artistique. Ce qui n’empêche pas de suivre son cours de gymnastique sur le toit les samedis matin, sous les immenses cheminées de ventilation qui évoquent des sculptures. Tous les 21 juin les habitants de l’immeuble y font aussi la fête. Comme une parfaite illustration du « Village vertical » avec ses services publics voulu par Le Corbusier. C’est magnifique. Et absolument révolutionnaire jusqu’à aujourd’hui.
Le Modulor au pied de la Cité radieuse @BdV
Au passage ne ratez pas au pied de l’immeuble l’empreinte du Modulor. C’est un système de mesures lié à la morphologie humaine basé sur le nombre d’or et la suite de Fibonacci, calculé par le quotient de sa taille (1,83 m) par la hauteur de son nombril (1,13 m) qui est de 1,619, soit le nombre d’or au millième près. Puis on monte au 3e étage visiter la reconstitution à l’échelle 1 d’une cellule. On vous expliquera sûrement que chaque appartement a été pensé comme une cellule, fabriquée en usine puis intégré sur place dans la carcasse de béton, selon le principe du « casier à bouteilles ». C’est encore visible notamment dans la salle de bain ou la cuisine.
Un 5 étoiles mythique
On se promène ensuite sur le déambulatoire entre le 3e et le 4e étage, un couloir plus grand encore que les autres face à la mer, dont la vue reste inchangée jusqu’à aujourd’hui. Et si l’on peut, on fait un petit stop pour une nuit à l’hôtel, au 3e ou au 4e étage. Racheté en 2003 par un couple qui l’a déjà restauré trois fois, il a été classé par le Gault et Millau comme l’un des 5 hôtels mythiques de France On a le choix entre de petites cellules de 16 m² ou des appartements de 32 m², qui ouvrent tous directement sur la rue intérieure. De quoi passer une nuit inoubliable en immersion dans un monde vertical. « C’est comme dormir dans une œuvre », explique la patronne. Avec autour de soi des imitations des lampes de Le Corbusier, un beau parquet de chêne, de larges baies vitrées et des meubles d’origine dessinés par Charlotte Perriand. De quoi se prendre le temps d’une nuit pour un des heureux résidents de l’immeuble qui une fois-là ne veulent, dit-on, plus jamais quitter les lieux. Ce qui ne les empêche pas de ne pas forcément accueillir les visiteurs de passage avec le sourire. Sans doute sont-ils lassés par l’engouement suscité par ce précieux immeuble classé au patrimoine mondial de l’UNESCO.
La Cité radieuse, 280 boulevard Michelet, quartier de Sainte-Anne, 8e arrondissement.
Nos spots du dimanche

Parc Borely, chateau @ OTCM
Un brunch au club house du golf Borely, neuf trous au centre de l’hippodrome, construit sous Deferre avec la terre des remblais du métro. De là, les joueurs peuvent admirer les cavaliers en train de tourner autour d’eux. En passant, ce n’est pas mal aussi de faire un petit tour au musée Borely, une ancienne bastide du XVIIIe siècle, et qui est devenu le musée des Arts décoratifs, de la faïence et de la mode.

Plage du Prado Nord@vvOTCM
Bien aussi, la plage du Prado, quintessence même de Marseille et où se succèdent tour à tour les sportifs, les familles et les jeunes de tous les horizons. Une véritable mosaïque de gens tout à fait à l’image de Marseille. Et si on a un peu plus de temps, on peut pousser jusqu’aux Calanques.
Et pour finir deux expos à voir :
« En piste Clowns, pitres et saltimbanques » jusqu’au 12 mai au Mucem. www.mucem.org
« Infiniment bleu. Arts décoratifs, peinture et mode » au Château Borely du 7 mars au 15 février 2026. www.chateau-borely-musee@marseille.fr
Fin