Nouvelle création produite par le théâtre de l’Escabeau, « la Chanteuse et le philosophe » tord le cou au masculinisme et permet au public de découvrir le philosophe, disciple de Descartes, François Poullain de la Barre, auteur du pamphlet « de l’égalité des deux sexes », écrit en 1673 ! Et dire que certains n’ont toujours rien compris trois siècles et demi plus tard…
Par Bernard Thinat.
La genèse du spectacle que raconte Stéphane Godefroy, le concepteur de la pièce, est assez édifiante. Après avoir entendu dans un café, le propos d’un consommateur aviné affirmant que le féminisme n’était qu’une mode passagère, il se plonge dans « le deuxième sexe » de Simone de Beauvoir (*), et découvre une citation de François Poullain de la Barre, ce qui l’amène à lire « l’égalité des deux sexes » du philosophe, texte qu’il qualifie de « lumineux » et constate qu’il concerne des problématiques que nous vivons aujourd’hui. De là naîtra le spectacle créé au théâtre de l’Escabeau à Briare, dans une rencontre entre le comédien d’une part, et la mezzo-soprano et comédienne, Astrid Fournier-Laroque.

Photo Alain Gaymard
La pièce
Une chanteuse lyrique, avant de débuter un concert, se doit d’exercer ses mâchoires, se lancer dans diverses vocalises, ce qu’Astrid exécute devant le public déjà conquis. Jaillit « Mon homme » de Piaf, voix enregistrée d’abord, reprise par Astrid qui découvre l’horreur des paroles « Je me fous des coups… Je suis comme un chien… ». Survient alors cet homme, à la perruque abondante et poudrée plus que de raison, redingote noire, bas blancs, chaussures à boucle, tout respire le XVIIᵉ siècle, François Poullain de la Barre, se présente-t-il. Apparition ? Fantôme ? Esprit en rêve ? On ne sait.
Entre les chants interprétés par Astrid, venus tout droit du XVIIᵉ ou d’une période bien plus récente, on reconnaît Brassens, Mistinguett ou Zazie, et des extraits du pamphlet du philosophe, on a droit à quelques citations toutes plus abominables pour les femmes, citations proférées par certains soi-disant penseurs, depuis Pythagore, dont on n’imagine pas la lourdeur d’esprit concernant l’égalité des sexes.
Chez François Poullain de la Barre, son discours est aux antipodes de tous ces propos masculinistes qu’on entend encore. Lorsqu’il écrit « On ne peut contraindre une femme à se soumettre à son mari », on pense à la toute récente décision de la Cour européenne des Droits de l’Homme (et de la Femme) condamnant la France pour avoir prononcé un divorce aux torts exclusifs de la femme qui avait refusé des relations sexuelles à son mari. Exit le « devoir conjugal » !
Astrid, de sa voix lyrique, claire et lumineuse, de nous faire connaître une gavotte de Melle Guédon de Presles, « Un jaloux est incommode », ou Francesca Caccini, compositrices du XVIIᵉ siècle, dont malheureusement on ne possède que des partitions dans une clé musicale qui n’a plus cours aujourd’hui, et qu’Astrid a dû décrypter avant d’interpréter ces chansons.
Quant à Chantal Grimm qui était une amie d’Anne Sylvestre dans les chansons féministes des années 1970, Astrid interprète quelques extraits de sa chanson « Je n’aime que les vrais hommes, pour qui la femme est un entier, que l’on ne peut pas diminuer, même lorsqu’elle devient leur moitié ».
Au final, « l’esprit n’a pas de sexe » dans le texte de Poullain de la Barre, résonne dans le petit théâtre de l’Escabeau de Briare, avant un tonnerre d’applaudissements. C’était samedi et dimanche, 1ᵉʳ et 2 février, dans une salle comble.

Stéphane Godefroy et la mezzo-soprano Astrid Fournier-Laroque – Photo B.T.
Spectacle destiné disent les deux artistes, à fréquenter un centre social, un planning familial, une association d’aide aux femmes battues, une prison, et surtout les lycées dans le cadre de l’éducation sexuelle, accessoirement ajoutent-ils malicieusement, les théâtres.
- Poullain de la Barre : « Tout ce qui a été écrit par les hommes sur les femmes doit être suspect, car ils sont à la fois juge et partie. » en épitaphe du « Deuxième sexe» de Simone de Beauvoir
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